Conrad Black a fixé les jurés d'un regard dur, au moment où ils l'ont déclaré coupable de trois chefs de fraude et d'un autre d'entrave à la justice, vendredi.

Conrad Black a fixé les jurés d'un regard dur, au moment où ils l'ont déclaré coupable de trois chefs de fraude et d'un autre d'entrave à la justice, vendredi.

Alors que les conclusions du jury étaient lues pour chacun des 13 chefs, Black regardait la table devant lui. Puis, il a levé les yeux vers les jurés, les sourcils froncés et le regard noir.

L'ancien chef de la direction de Hollinger International, une société propriétaire de journaux qui a déjà été la plus importante de son secteur, était accusé d'avoir escroqué les actionnaires de l'entreprise de millions de dollars.

Les neuf chefs pour lesquels il a été acquitté portaient sur l'abus de fonds de l'entreprise, notamment à l'occasion d'un voyage personnel à bord de l'avion de la société, afin d'aller passer des vacances dans une île du Pacifique, et pour avoir refilé aux actionnaires une facture de plusieurs milliers de dollars pour une réception d'anniversaire organisée en l'honneur de sa femme.

Vendredi, Black, qui se tenait, le visage rouge, avec ses avocats, a rapidement été rejoint par son épouse, Barbara Amiel, et sa fille, Alana Black. Alana a posé une main sur le dos de son père et s'est rapprochée de lui, tandis que Barbara Amiel se tenait derrière eux pour les cacher pendant qu'ils discutaient.

Ses mots étaient difficiles à entendre, mais il murmurait constamment pendant que la juge St.Eve et les jurés quittaient la salle pour aller discuter.

Black ira en appel

La défense a l'intention de faire appel du verdict, a indiqué l'avocat canadien de Black, Edward Greenspan, lors d'une brève déclaration lue à l'extérieur du tribunal. Il s'est dit en désaccord avec les affirmations de la poursuite selon lesquelles Black, qui est âgé de 62 ans, pourrait écoper de 15 ou 20 ans de prison.

«Nous étions ici pour répondre de 13 chefs d'accusation. Conrad Black a été acquitté des accusations les plus graves. Elles ont été rejetées, a dit Me Greenspan. Nous avons l'intention de faire appel et il y a des questions juridiques viables. Nous sommes fortement en désaccord avec la position du gouvernement concernant la détermination de la peine.»

«Nous croyons, sur la base des verdicts de culpabilité rendus ici, que les peines pour ce genre de crime sont nettement moindres que ce que suggère le gouvernement. Nous sommes clairements déçus - nous étions venus ici pour être acquittés sur toute la ligne ü mais nous ne sommes pas découragés. Aux fins d'un appel, ceci nous place en excellente position.»

Quand Black a été mis en accusation en 2005, les avocats de la poursuite l'accusaient d'avoir subtilisé 84 M$ US aux actionnaires de son entreprise. Mais lors des discussions portant sur sa caution qui ont suivi la verdict de vendredi, les avocats de Black ont affirmé qu'il a été reconnu coupable d'avoir volé 3,5 M$ US.

Si le verdict de vendredi a été partagé, Black pourrait quand même se retrouver en prison, en raison des efforts vigoureux des autorités américaines pour combattre les fraudes commises par le personnel.

En liberté jusqu'à la fin novembre

Plus tard, les avocats de la poursuite ont demandé à la magistrate de ne pas le remettre en liberté d'ici au prononcé de la sentence, qui aura lieu le 30 novembre pour tous les accusés.

La juge a rejeté cette demande, au moins d'ici à la tenue de l'enquête sur cautionnement jeudi prochain. La juge St. Eve a toutefois demandé à Black de ne pas quitter Chicago et de rendre son passeport.

Elle a ensuite lu à Black le texte de la renonciation à l'extradition et lui a demandé s'il avait l'intention de se prononcer pour l'audience de détermination de la peine.

«Absolument», a répondu Black.

S'il ne se présente pas, a prévenu la magistrate, la caution de 21 M$ US précédemment déposée sera perdue.

«Je comprends», a-t-il dit.

Elle lui a ensuite demandé de se représenter jeudi prochain pour l'enquête sur cautionnement et lui ordonné de rester à Chicago.

Black a accepté mais lui a demandé si elle faisait référence à la «région métropolitaine» ou seulement au centre-ville. La juge St. Eve lui a enfin demandé de rendre son passeport britannique.

Passible de 20 ans de prison

L'accusation d'entrave à la justice est la plus grave, puisqu'elle pourrait valoir à Conrad Black jusqu'à 20 ans d'emprisonnement. Black avait été filmé par une caméra de surveillance alors qu'il déplaçait 13 boîtes de documents dans ses bureaux de Toronto, en contravention avec une ordonnance du tribunal interdisant de toucher à tout ce qui pourrait constituer une preuve.

Les trois chefs de fraude - qui sont tous reliés aux très complexes indemnités de non-concurrence négociées lorsque Hollinger International a vendu des centaines de journaux - peuvent encourir une peine maximale de 15 ans de prison. Black s'expose aussi à une amende pouvant atteindre 1 million $ US.

La peine maximale d'emprisonnement, pour ces accusations, est rarement imposée. La durée d'un éventuel emprisonnement sera déterminée par la juge Amy St. Eve lors d'une audience qui suivra.

Les trois coaccusés de Black - les ex-vice-présidents John Boutbee, un résidant de Vancouver âgé de 64 ans, et Peter Atkinson, un résidant de Toronto âgé de 60 ans, ainsi que l'avocat de Chicago Mark Kipnis, âgé de 59 ans - ont chacun été déclarés coupables de trois chefs de fraude, vendredi.

Ils sont passibles de peines allant jusqu'à 15 ans de prison et à des amendes maximales de 750 000 $.

Le jury composé de neuf femmes et de trois hommes a rendu les verdicts vendredi matin au 12e jour de leurs délibérations. Ils ont écouté plus de 40 témoins et 30 heures de plaidoiries finales, en plus d'assister à la présentation de centaines de documents tout au long des trois mois du procès.

Un total de 42 chefs d'accusation ont été débattus pendant les audiences: 13 avaient été portés contre Black, 11 contre Jack Boultbee, 10 contre Peter Atkinson et huit contre l'ancien avocat de la compagnie, Mark Kipnis.

La poursuite accusait Conrad Black et les trois hommes d'avoir organisé un détournement de fonds estimé à 60 M$, une somme qui aurait dû être versée aux actionnaires.

Black avait aussi été accusé d'avoir utilisé quelque 20 M$ pour plusieurs dépenses personnelles.