En panne aux États-Unis, le secteur immobilier continue d'afficher une vigueur étonnante au Québec: le marché de la revente demeure animé et la construction résidentielle reste active... si bien que le taux d'innocupation dans le secteur locatif ne cesse de croître.

En panne aux États-Unis, le secteur immobilier continue d'afficher une vigueur étonnante au Québec: le marché de la revente demeure animé et la construction résidentielle reste active... si bien que le taux d'innocupation dans le secteur locatif ne cesse de croître.

Les étudiants de l'Université de Montréal sont à la course ces jours-ci. Il doivent repérer leurs nouvelles salles de cours, acheter des bouquins, commencer leurs travaux. Une rentrée intense, qui aura cependant été plus facile cette année pour ceux qui cherchaient un logement.

Partout autour du campus, c'est l'abondance. Sur le boulevard Édouard-Montpetit et le chemin Queen Mary, presque un immeuble sur deux affiche une pancarte «à louer». On annonce des studios, des 3 1/2, des 4 1/2. La même scène se répète dans plusieurs quartiers de Montréal.

«C'est la fin de la pénurie, le marché locatif est revenu à l'équilibre», résume Hélène Bégin, économiste au Mouvement Desjardins.

Dans la métropole, le taux d'inoccupation atteignait 2,9% en avril dernier, une hausse marquée par rapport au creux de 0,6% - six logements sur 1000! - atteint il y a six ans. À l'époque, les gens faisaient la queue et offraient parfois de grosses sommes d'argent pour obtenir l'appartement convoité.

Le portrait a changé vite, et abruptement.

Urgel Blais, propriétaire d'un complexe de 104 appartements à Montréal-Nord, a perdu bien des locataires ces derniers temps. Il a de plus en plus de mal à les remplacer. «Ça fait 22 ans que je l'ai, et je n'ai jamais vu ça», dit-il.

Entre sept et 10 logements sont vides dans les quatre «blocs» de M. Blais, boulevard Henri-Bourassa. C'est deux fois plus que le taux de vacance moyen de 2,9% calculé par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) en avril dernier pour la région de Montréal.

Selon Martin Messier, président de l'Association des propriétaires du Québec, le taux d'inoccupation moyen atteint environ 3,5% aujourd'hui dans le Grand Montréal.

Et il a explosé dans les immeubles locatifs de luxe, dit-il. «Les propriétaires nous parlent de taux de 7, 8 et même 9%!»

Suffit de consulter les petites annonces des journaux montréalais pour constater à quel point la donne a changé. Plusieurs proprios ont recommencé à offrir le premier mois gratuit ou à moitié prix, scénario impensable au début des années 2000.

Boom

Le boom de construction résidentielle des dernières années, combiné à des taux d'intérêt très bas et à la progression du marché de l'emploi, explique en bonne partie cette remontée constante du taux de vacance.

Entre 2002 et 2006, pas moins de 196 974 maisons et appartements en copropriété ont été construits au Québec. Une concurrence immobilière que les locateurs n'apprécient pas.

«Il y a trop, trop, trop de construction, lance Urgel Blais. Ceux qui avaient le moindrement les moyens de s'acheter des maisons ou des condos sont partis. La qualité de nos locataires a beaucoup baissé.»

Des gagnants?

Dans tout ce renversement de situation, les gens à la recherche d'un logement peuvent être perçus comme les grands gagnants. Ils ont plus de choix, et même un certain pouvoir de négociation.

Mais la situation est loin d'être rose, assure François Saillant, porte-parole du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

«Contrairement à la situation de 2001, où il manquait beaucoup de logements dans toutes les gammes de loyers, et particulièrement dans le haut de gamme, maintenant c'est l'inverse qui se produit, dit M. Saillant. Si on regarde du côté des logements abordables, pour les gens à faible revenu, l'offre n'a pas augmenté, au contraire.»

Attendre le bon monde

Malgré la nouvelle tendance qui se dessine, bien des proprios refusent de céder à la tentation d'offrir un mois gratuit pour attirer des locataires.

«J'attends mon monde: j'aimerais mieux laisser un logement vide que d'avoir du mauvais monde», dit Tony Ascenzo, qui détient 75 logements dans l'est de l'île, dont cinq ou six sont vacants.

Aussi, même si les locataires ne se bousculent plus pour visiter des appartements, la situation demeure meilleure qu'il y a une quinzaine d'années. En 1992 et 1993, alors que le Québec peinait à sortir d'une grave récession, le taux d'innocupation atteignait 7,7% à Montréal.

La SCHL publiera en décembre prochain des données détaillées et mises à jour sur les taux d'inoccupation partout au pays.

En avril dernier, le taux d'innocupation atteignait 2,8% pour l'ensemble du Canada et 2,4% au Québec. Le nombre de logements disponibles demeuraient très bas à Québec (0,9%), Trois-Rivières (1%), Sherbrooke (1,6%) et dans plusieurs villes de l'ouest canadien. Un taux de 3% est généralement considéré comme équilibré.