Coup fumant de marketing ou projet sérieux ? L'initiative de Vidéotron de planter un arbre pour chaque client qui opte pour la facturation par Internet soulève des doutes chez les experts en environnement.

Coup fumant de marketing ou projet sérieux ? L'initiative de Vidéotron de planter un arbre pour chaque client qui opte pour la facturation par Internet soulève des doutes chez les experts en environnement.

«C'est surtout un coup publicitaire», croit Daniel Gagnon, professeur au département des sciences biologiques de l'UQAM.

Il indique que plusieurs études ont été faites sur l'impact de la reforestation et qu'elles démontrent son impact mineur sur l'environnement. Un arbre jeune absorbe du dioxyde de carbone, mais un arbre parvenu à maturité se met au contraire à en dégager.

«La science n'est pas unanime au sujet des vertus de l'arbre planté sur les gaz à effet de serre, renchérit Hugo Séguin, coordonnateur du dossier des changements climatiques chez Équiterre.

«C'est toujours bien d'avoir des arbres, mais du point de vue des changements climatiques, ce n'est pas du tout la chose la plus efficace», résume de son côté Clare Demerse, de l'institut de recherche environnementale Pembina.

Vidéotron, qui a annoncé son projet la semaine dernière, entend financer la plantation d'arbres en bordure des routes ou autoroutes du Québec, de manière à former des haies brise-vent. C'est l'organisme Le Jour de la terre qui coordonnera le travail sur le terrain.

Interrogé sur le but précis de l'opération, le directeur du Jour de la terre pour le Québec répond qu'il est multiple.

«On ne pense pas seulement à la question du CO2, explique Pierre Lussier. On veut faire des brise-vent, augmenter la biodiversité, améliorer le paysage et favoriser la captation de carbone.»

Outre l'effet douteux des arbres contre le réchauffement de la planète, les spécialistes font valoir que les opérations de plantation ont un côté hasardeux.

«Elles ne donnent pas beaucoup de crédits pour la préservation de l'environnement parce qu'un arbre peut ne pas survivre», rapporte Clare Demerse.

Pierre Lussier indique que l'entretien des arbres figure au programme de Vidéotron et du Jour de la terre, qui veulent signer des contrats à cette fin avec des organismes locaux. «On se donne pour objectif que le taux de mortalité ne dépasse pas 20%», dit-il.

Le défi n'est pas négligeable : selon le professeur Gagnon, la mortalité des arbres plantés au Québec et non entretenus atteint au moins 50 %, notamment parce que la transplantation les affaiblit. «Surtout au bord des routes, un arbre laissé à lui-même ne tardera pas à mourir», dit-il.

Certains spécialistes ne sont pas prêts pour autant à désavouer l'initiative de Vidéotron.

André Vézina, professeur à l'Institut de technologie agroalimentaire de La Pocatière et spécialiste des haies brise-vent, juge que l'idée est bonne en soi.

«C'est réaliste, mais ça prend de la volonté», dit-il, signalant que la plantation en bordure des routes est compliquée : elle nécessite notamment des arbres résistants à l'air salin créé par l'épandage de sel.

Chez Équiterre, Hugo Séguin se montre partagé. «L'arbre a une portée symbolique, et d'un point de vue environnemental, on voit la responsabilisation des entreprises d'un bon oeil, souligne-il. Mais malheureusement, planter des arbres, ce n'est pas suffisant.»

Équiterre préconise plutôt l'achat par les entreprises de certificats de financement de mesures d'efficacité énergétique, notamment parce ces certificats sont authentifiés par des experts.

Sur une clientèle totale de 1,6 millions de Québécois, Vidéotron veut rejoindre en priorité ses 805 000 abonnés à Internet. L'entreprise ne se fixe pas d'objectif précis quant à la quantité d'arbres à planter. Si le nombre de «convertis» dépasse les 100 000, elle devra résoudre un problème de disponibilité des arbres.

«On veut rejoindre 100 % de notre monde le plus rapidement possible, dit toutefois le porte-parole de l'entreprise, Marc Labelle. On jette une bouteille à la mer en sachant que la cause touche les gens droit au coeur.»