La compagnie aérienne irlandaise à bas prix Ryanair a lancé jeudi une offre d'achat hostile de 1,481 milliard d'euros sur sa compatriote Aer Lingus, une offensive surprise moins d'une semaine après l'entrée en Bourse de cette dernière.

La compagnie aérienne irlandaise à bas prix Ryanair a lancé jeudi une offre d'achat hostile de 1,481 milliard d'euros sur sa compatriote Aer Lingus, une offensive surprise moins d'une semaine après l'entrée en Bourse de cette dernière.

Ryanair a acquis 16% de la compagnie au trèfle sur le marché et proposé de racheter le reste à 2,80 euros par action, soit une prime de 27% par rapport à son prix d'introduction il y a quelques jours.

Cette offre a fait s'envoler le cours du titre Aer Lingus, qui gagnait plus de 15% en fin de séance à 2,90 euros à la Bourse de Dublin, tandis que Ryanair cédait 0,80% à 8,63 euros.

Aer Lingus a rejeté l'offre de Ryanair, en la jugeant "opportuniste", insuffisante et risquée en matière de concurrence.

Le directeur général de Ryanair, Michael O'Leary, a estimé au contraire que son offre représentait pour l'Irlande "une occasion unique de former un groupe aérien fort". Il a assuré que les deux compagnies continueraient à opérer séparément et à se faire concurrence sur les routes qu'elles ont en commun, soit actuellement 17 sur un total de 500.

"Si Ryanair devait racheter Aer Lingus, je crois que la Commission européenne y regarderait de près", a cependant déclaré Sean O'Neachtain, député européen et membre de la Commission des Transports du Parlement de Strasbourg.

Un avis partagé par la banque ABN Amro, qui a calculé que la nouvelle compagnie détiendrait 78% du marché irlandais, et jugé que le montage proposé pourrait être très difficilement accepté en Irlande, au Royaume-Uni et dans le reste de l'Union européenne.

Le gouvernement irlandais a fraîchement accueilli la proposition également.

Le Premier ministre, Bertie Ahern, a réaffirmé devant le parlement que le gouvernement ne vendrait pas sa part dans Aer Lingus, actuellement de 28,3%, et qu'il restait "fermement attaché à la concurrence sur le marché aérien".

Les syndicats, inquiets de voir les conditions de travail très décriées de Ryanair s'étendre à Aer Lingus, étaient furieux. Jack O'Connor, président de la plus grosse centrale syndicale irlandaise, la Sitpu, a estimé que "tout cela était la conséquence de la décision insensée de privatiser Aer Lingus".

Il a estimé aussi qu'une des motivations de Ryanair était d'acquérir les précieux créneaux horaires d'Aer Lingus à l'aéroport londonien d'Heathrow.

Le gouvernement irlandais a cependant indiqué cette semaine qu'en tant qu'actionnaire à plus de 25%, il aurait les moyens de s'opposer à toute cession de créneau qui créerait un intervalle de plus de 90 minutes entre les vols d'Aer Lingus.

L'audace de l'offre a cependant été saluée jeudi, tandis qu'un porte-parole de Ryanair soulignait "que ce n'est pas fréquent qu'une low-cost rachète une compagnie nationale, en général c'est le contraire".

Andrew Fitchie, de la maison de courtage Collins Stewart, qualifiait le pari de "coup de maître". "L'Irlande fait un peu bande à part en Europe actuellement en ayant deux grosses compagnies", a-t-il dit.

Hormis leur nationalité commune, et le fait qu'en raison de difficultés financières, Aer Lingus a adopté elle aussi ces dernières années un profil de low-cost, les deux compagnies sont très différentes.

Avec un chiffre d'affaire de 1,69 milliard d'euros sur son dernier exercice, et plus de 33 millions de passagers en 2005, Ryanair multiplie les ouvertures de lignes court et moyen-courriers en Europe, voire en Afrique du Nord.

Aer Lingus (883 millions d'euros de chiffre d'affaires et 8 millions de passagers en 2005), n'a que 78 routes, mais fait déjà du long-courrier vers les Etats-Unis et Dubaï, ce qui serait totalement nouveau pour Ryanair en cas de fusion.

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