Les bureaux de Toon Boom n'ont rien de minimaliste.

Les bureaux de Toon Boom n'ont rien de minimaliste.

Les couleurs et les affiches sur les murs sont criardes, la réception et la salle de conférence sont encombrées de boîtes du nouveau logiciel de l'entreprise, qui attendent d'être expédiées partout dans le monde.

À bien des égards, les locaux de Toon Boom rappellent la maison des Simpson, cette célèbre famille à la peau jaune qui prend vie grâce à la technologie de la PME montréalaise.

C'est un peu bordélique, mais on ne s'y ennuie pas une seconde.

Il faut dire que la boîte est sur une lancée. Son chiffre d'affaires grimpe de 25% par année, affirme la présidente Joan Vogelesang, et il oscille aujourd'hui entre 7 et 10 millions de dollars.

«Nous venons tout juste d'annoncer notre dernier produit, Digital Pro, qui a reçu de très bonnes critiques», dit Mme Vogelesang.

«Le logiciel était présenté sur la page principale du site d'Apple, ce qui a attiré des tas de gens sur notre site web, tellement qu'il est tombé en panne!»

Fondée en 1994, Toon Boom a mis peu de temps à faire parler d'elle. Dès ses débuts, la petite entreprise du Plateau Mont-Royal a marqué un grand coup en vendant sa technologie aux studios Disney.

Un technologie qui a permis au géant américain de réduire fortement les coûts de production de ses dessins animés.

Les premiers logiciels de la PME ont créée une mini-révolution. Ils ont permis aux grands studios d'automatiser l'animation en 2D, réalisée il n'y a pas si longtemps avec un bon vieux crayon et du papier.

Désormais, tous les décors, tous les personnages (et même des morceaux de personnages) peuvent être emmagasinés dans la mémoire des ordinateurs, ce qui permet aux animateurs de les réutiliser à volonté.

«C'est d'une importance cruciale, tranche Joan Vogelesang. Si on prend un dessin dessiné comme Les Simpson, à partir de la troisième saison, ils peuvent réutiliser 80% du contenu. C'est très profitable.»

Toon Boom est arrivé au bon moment avec sa technologie, croit la dirigeante.

«Nous avons compris la tendance du marché: les gens voulaient avoir la qualité la plus haute possible, à un prix réduit car, évidemment, le prix est très important...»

Emmy

La qualité du travail de Toon Boom a été saluée par un prestigieux Emmy en 2005, l'équivalent des Oscars pour le monde de la télé aux États-Unis. Un succès qui n'attire pas que les prix, mais aussi des acheteurs potentiels pour l'entreprise.

«Nous avons des groupes qui sont très intéressés, de partout, du Japon, du Canada», dit Mme Vogelesang.

En bourse?

«On regarde cette option comme les autres, explique-t-elle. Devrait-on rester comme on est? Devrait-on aller en Bourse? Devrait-on intégrer nos activités à celles d'un groupe plus grand? Évidemment, il y a beaucoup d'intérêt envers nous pour le moment, car l'entreprise va très bien et qu'on parle de nous dans les médias, mais nous ne voulons pas agir trop vite et poser un geste qui ne serait pas dans le meilleur intérêt de l'entreprise.»

Le conseil de l'administration considérera toutes les options «raisonnables», dit la présidente. Il importe toutefois de ne jamais se laisser déconcentrer, de ne jamais s'éloigner de l'activité centrale qui a fait le succès de Toon Boom, poursuit-elle.

Dans l'idéal, Joan Vogelesang souhaiterait que son Toon Boom puisse croître par elle-même et devenir une mégaentreprise basée à Montréal.

Pour l'heure, le groupe a les yeux résolument tournés vers le monde. Il vend déjà ses produits en Europe, en Chine, en Inde, en Corée du Sud et dans plusieurs pays africains, pour ne nommer que ces régions.

«Sky is the limit», dit Mme Vogelesang, qui parle peu français.

La clientèle

Toon Boom souhaite démocratiser la conception de dessins animés, une mission qu'elle remplit déjà en bonne partie.

Parmi ses clients, il n'y a pas que des grands studios américains. On compte des centaines d'écoles et d'universités, des cabinets de médecins, des églises, des particuliers même, qui utilisent ses logiciels pour concevoir des cartoons à des fins ludiques ou éducatives.

"C'est la beauté de ces logiciels, dit Joan Vogelesang. Il suffit d'avoir un peu de créativité et de vouloir dessiner quelque chose. On a des enfants autistes qui utilisent notre technologie!"

Toon Boom n'a pas de dettes et génère des profits depuis la sérieuse restructuration qu'elle a subi en 2004, assure la présidente. À l'époque, l'entreprise a été sauvée de la faillite grâce à l'arrivée d'un consortium d'investisseurs privés, incluant Nelvana (Corus Entertainment) et Innovatech.