Parmi les documents dont la lecture s'imposait au retour des vacances quatre abordaient un même thème : l'inflation et son impact sur la planification de la retraite.

Parmi les documents dont la lecture s'imposait au retour des vacances quatre abordaient un même thème : l'inflation et son impact sur la planification de la retraite.

Le tout premier diffusé par Question Retraite, un regroupement public-privé de 17 partenaires pour la promotion de la sécurité financière à la retraite, met en lumière l'importance de deux phénomènes liés au temps.

D'abord les futurs retraités auront la chance de vivre plus longtemps que les générations précédentes. Ensuite au fil de ces années, l'augmentation du coût de la vie érodera le pouvoir d'achat des revenus de retraite provenant du capital accumulé d'ici là.

Croissance

Bien sûr, les autorités monétaires non seulement au Canada mais dans les principaux pays développés réussissent maintenant à maîtriser la croissance des prix à la consommation. Au Canada, l'inflation oscille autour de 2 % depuis 1993.

Mais si ce taux annuel grimpait à 5 %, dit Christine Décarie, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille au Groupe Investors, notre dollar perdrait la moitié de son pouvoir d'achat en 14 ans seulement.

Même si les prix de l'énergie et de l'habitation ont beaucoup monté dernièrement, la spécialiste ne croit cependant pas que l'inflation soit sur le point d'exploser. La concurrence maintenant planétaire limite en effet la capacité des entreprises de monter leurs prix. En général, les experts prévoient une inflation autour de 2,5 % à long terme.

Donc l'hypothèse de 5 % semble élevée, mais en moyenne de 1971 à 2005, l'IPC a augmenté de 4,9 %, ce qui inclut la pointe de 12,5 % atteinte en 1981.

Ces chiffres sont rappelés dans le nouveau document cité plus haut : L'inflation et l'espérance de vie : une combinaison dangereuse pour votre retraite ?.

Scénarios

Ici les scénarios destinés à sensibiliser les épargnants sont construits autour de l'hypothèse prudente d'une inflation à 3 %.

L'actuaire chargé de ce projet, Julien Michaud de l'Autorité des marchés financiers, en illustre ainsi les impacts.

Supposons que vous avez 40 ans et que vous commencez à épargner 1000 $ par année jusqu'à votre retraite à 65 ans (donc pendant 25 ans). Si vous obtenez sur vos placements un rendement annuel de 7 %, vous aurez accumulé près de 67 700 $. Mais soumise à une inflation de 3 %, cette somme n'aura plus en 2031 qu'un pouvoir d'achat de 42 600 $, en valeur de 2006.

L'autre volet, celui de la longévité, rappelle que l'espérance de vie est maintenant prolongée de neuf ans par rapport à il y a 40 ans. Les gens qui atteignent 60 ans peuvent maintenant espérer vivre presque 85 ans pour les femmes et presque 81 ans pour les hommes. Comme il s'agit d'une moyenne, cela veut dire que la moitié de nos nouveaux sexagénaires auront encore besoin de revenus de retraite au-delà de ces âges.

Dorée ?

La semaine dernière, une étude présentée à l'Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic par le professeur d'économie Louis Ascah de l'Université de Sherbrooke montrait que "la retraite dorée est et restera un mythe pour un trop grand nombre de retraités".

Même les régimes de retraite d'employeurs, qui couvrent seulement une fraction de la main-d'oeuvre, sont en général insuffisants pour maintenir le niveau de vie de leurs participants quand arrive la retraite.

Statistiques

D'ailleurs, les dernières statistiques de la Régie des rentes du Québec montrent que seulement 8,5 % des participants aux régimes complémentaires auront droit à une rente pleinement indexée au coût de la vie. Ils se retrouvent essentiellement à l'intérieur d'organismes publics, tout comme les 50 % de participants qui auront droit à un rajustement "partiel" de leur rente pendant la retraite.

Mais, même pour ces derniers, le professeur Ascah estime que leur situation va en empirant.

Si une épargne personnelle substantielle demeure à son avis la seule solution, il déplore qu'elle soit le lot de seulement une minorité plus fortunée.

Au fait, juste au moment de mettre un point final à cet article, le courrier a apporté la nouvelle édition (2006-2007) du Guide de la planification financière de la retraite (56 pages) dont Question Retraite intensifiera la diffusion au cours du mois d'octobre. Comme pour L'inflation et l'espérance de vie : une combinaison dangereuse pour votre retraite ? (16 pages), le contenu peut être téléchargé à partir du site Internet www.questionretrai te.qc.ca ou commandé au numéro de téléphone 1 866 883-3258.

STRATÉGIES POUR PROTÉGER LE POUVOIR D'ACHAT

Pour Jocelyne Houle-Lesarge, directrice générale de l'Institut québécois de planification financière et présidente de Question Retraite, l'inflation est un argument de plus pour accumuler davantage d'argent à l'abri de l'impôt dans un REER.

S'il faut rechercher le meilleur rendement possible dans les limites de sa tolérance au risque, l'experte insiste sur la nécessité d'épargner de façon systématique et non ponctuelle et de rajuster sa stratégie, chaque fois que survient un changement important.

Une femme qui atteint aujourd'hui 80 ans a 50 % de chances de se rendre à presque 90 ans, ajoute Mme Houle-Lesarge.

En arrivant à la retraite, acheter une rente indexée peut être une option valable.

Mais son coût sera "substantiellement plus élevé" que celui d'une rente ordinaire, prévient Julien Michaud. Les comparaisons sont toutefois difficiles, compte tenu de la diversité des options offertes dans le domaine de l'indexation.

Pour Christine Décarie, à long terme, les plus jeunes doivent réaliser que les investissements en actions permettent de viser un meilleur rendement après inflation que les titres à revenu fixe.

Mais selon l'âge et la capacité d'assumer ou non la volatilité et les risques liés aux actions, la constitution d'un portefeuille bien diversifié demeure primordiale.

Au cours des 47 dernières années, précise la spécialiste, l'inflation a été de 4,1 % par année en moyenne.

Pour la même période, le rendement moyen des obligations a été de 8,7 % et celui des obligations de 9,8 %.

Surtout dans ce dernier domaine, Mme Décarie souligne que l'émotivité est le plus grand ennemi de l'investisseur souvent tenté d'entrer dans le marché ou de s'en retirer au mauvais moment.

Elle suggère néanmoins de privilégier les sociétés qui procurent de bons dividendes et de ne pas se limiter au seul marché canadien, trop concentré dans les secteurs des ressources naturelles et des services financiers.

Du côté des obligations, Mme Décarie ne voit pas grand avantage à viser le long terme. Si, dans un contexte où l'inflation augmenterait plus que prévu, cette hausse s'accompagnerait d'une remontée des taux d'intérêt et des échéances plus courtes permettraient alors de replacer ces sommes à meilleur taux.

Quant aux obligations à rendement réel qui promettent un intérêt ajusté en fonction de l'inflation, leur désavantage est que l'échéance la plus courte maintenant offerte est celle de 2021, explique la spécialiste.

Enfin, recommande-t-elle, il ne faut surtout pas omettre de faire au moins annuellement un ajustement de son portefeuille, de façon à ce que sa composition continue de refléter la répartition d'actif qui convient le mieux à ses objectifs et à son profil d'investisseur.

ltanguay@lesoleil.com

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