Envoyer un signal de soutien à la recherche pharmaceutique sans défoncer son propre budget. Voilà avec quoi doit jongler le ministre Philippe Couillard, dont la politique du médicament est attendue pour les prochaines semaines.

Envoyer un signal de soutien à la recherche pharmaceutique sans défoncer son propre budget. Voilà avec quoi doit jongler le ministre Philippe Couillard, dont la politique du médicament est attendue pour les prochaines semaines.

Invitez 3,2 millions de personnes au restaurant et promettez leur de payer la facture. C'est un peu ce que le gouvernement du Québec fait avec son régime public d'assurance médicaments. Sauf que c'est lui qui décide de ce qu'on peut prendre sur le menu. Un choix qui affecte autant ceux qui prennent les médicaments... que ceux qui les fabriquent.

C'est justement ce menu - la liste des médicaments qui seront remboursés par l'État pour les Québécois qui n'ont pas de couverture du secteur privé - que les acteurs de l'industrie attendent avec impatience. Il sera dévoilé avec la politique du médicament, un document que le ministre de la Santé et des services sociaux, Philippe Couillard, avait promis de rendre public en 2006. Mais des " dossiers imprévus " - lire des négociations qui ont tourné à l'affrontement avec les médecins spécialistes - en ont retardé la divulgation. On l'attend maintenant d'un jour à l'autre.

M. Couillard devra naviguer avec des intérêts contraires pour déterminer quels médicaments seront remboursés, et à quel prix. Il y a d'abord, évidemment, celui des malades, à qui l'on veut offrir les meilleurs traitements disponibles. Mais avec le vieillissement de la population et le coût des nouveaux médicaments qui augmente, la facture peut rapidement devenir salée. Elle a bondi de 1,16 milliard de dollars en 1997 à 2,64 milliards en 2004, et ce, même si le gouvernement paie ses médicaments beaucoup moins cher qu'aux États-Unis.

L'industrie des médicaments génériques a bien sûr sa solution : ses médicaments " de même qualité à meilleur prix ". Sauf que ceux qui font de la recherche servent un avertissement: si le gouvernement n'envoie pas un signal clair qu'il soutient leurs efforts pour découvrir des nouveaux remèdes, les maisons-mères des multinationales qu'ils représentent pourraient bien fermer boutique et aller voir ailleurs.

Voilà qui met la table pour un bel exercice de gymnastique mentale. Qu'est-ce qui sortira de tout ça ? Historiquement, le Québec s'est montré à l'écoute des grandes pharmas, adoptant plusieurs mesures qu'elles reconnaissent à leur avantage.

Mais récemment, des signes ont soulevé leur inquiétude. Ces entreprises ont à l'oeil un critère bien précis : le pourcentage de médicaments qu'elles mettent sur le marché et que le gouvernement accepte de rembourser aux malades. Entre 1996 et 1998, il se situait à 80 %, bien au-dessus de la moyenne canadienne. Entre 2002 et 2004, il avait chuté à 40 %.

Or, c'est presque une question de principe: " si on veut que les Merck, les AstraZeneca, les GlaxoSmithKline investissent au Québec, il faut que ces sociétés aient l'impression qu'ici, quand elles découvrent un nouveau médicament, il peut être inscrit sur les listes de médicaments remboursés ", dit Michel Leblanc, directeur des affaires publiques chez Génome Québec.

Dans son document de consultation, publié en décembre 2004, le ministre Couillard a déjà annoncé son intention de maintenir des mesures favorisant les grandes pharmas, comme la règle de 15 ans (voir l'encadré), ainsi que sa volonté de payer "un prix juste et raisonnable" aux entreprises pharmaceutiques pour leurs médicaments.

" Le discours semble bon, reconnaît Pierre MacNeil, le grand responsable des politiques et du remboursement chez Merck Frosst. Mais le diable est dans les détails: on attend de voir comment tout cela se mettra en place. Et ça fait deux ans qu'on attend."