"Le chômage a un creux depuis cinq ans ". "Le prix de l'essence en forte baisse ". "Autre record pour le Dow Jones"...

"Le chômage a un creux depuis cinq ans ". "Le prix de l'essence en forte baisse ". "Autre record pour le Dow Jones"...

Ces derniers temps, les Américains ont pu lire dans les journaux un paquet de bonnes nouvelles au plan économique. De gros titres ronf lants, qui donnent des munitions au gouvernement actuel au moment où celuici doit se représenter devant l'électorat.

Pourtant, les sondages indiquent que George W. Bush va perdre des plumes aux élections législatives de mi-mandat demain. Des experts prédisent même une dégelée pour les Républicains, qui risquent de perdre le contrôle du Congrès et du Sénat.

Certes, l'explication la plus évidente de ce désaveu pressenti réside dans le terrible gâchis en Irak, où l'on compte des dizaines de morts américains et irakiens chaque jour.

Mais cela n'explique pas tout. L'histoire nous rappelle que l'humeur politique aux États-Unis est aussi grandement influencée par l'état des finances personnelles de ses citoyens, qui ont tendance à blâmer leur gouvernement pour leurs problèmes d'argent.

Rappelons nous le célèbre " It's the econony, stupid " , slogan percutant trouvé par un conseiller de Bill Clinton en 1992. Ce message, rappelant que les électeurs ont avant tout des préoccupations économiques, donna le ton à la campagne présidentielle des Démocrates contre George Bush père. Alors pourquoi les Républicains mordraient-ils la poussière si les affaires vont si bien pour la plus grande puissance de la planète ?

Une explication se situe encore dans le bilan de santé de l'économie américaine. Sauf que cette fois, on la retrouve enfouie dans le portefeuille dégarni des travailleurs américains.

Quelle prospérité ?

Washington a beau s'attribuer la responsabilité des manchettes économiques positives, la classe moyenne américaine ne ressent guère les bienfaits de la "prospérité " dont jouissent les États-Unis depuis cinq ans, selon l'expression utilisée par George W. Bush récemment.

Les statistiques à cet égard sont éloquentes.

De 2000 à 2005, soit durant le premier mandat Bush, l'économie américaine a enregistré une croissance de 12% en termes réels (en tenant compte de l'inflation). Mais pendant ce temps, le salaire horaire "médian" des Américains le point qui sépare la population en deux groupes égaux a crû de seulement 3%.

Durant quatre de ces cinq années, le revenu des familles américaines a en fait diminué. La "Middle America " ne s'enrichit que depuis l'an dernier et ce, à un rythme bien inférieur à la poussée de la Bourse et des profits des entreprises.

George W. Bush a beau dire que la rémunération moyenne des Américains croît allégrement depuis qu'il est aux commandes du pays. Or, des économistes rétorquent que cette embellie est due en bonne partie aux plus riches.

Le groupe privilégié, qui compose 1% des consommateurs les mieux nantis aux États-Unis, accaparait 16% de tous les revenus déclarés au fisc en 2004. Or, leur part du gâteau a doublé depuis 1980, note Emmnanuel Saez, de l'Université Berkeley en Californie, dans une étude citée par le quotidien britannique Financial Times . Autrement dit, la moyenne des revenus grimpe vite si vous incluez dans vos calculs les salaires de Warren Buffett, Bill Gates, Donald Trump et cies.

Entretemps, la facture des soins de santé grimpe en flèche, alors que des millions d'Américains n'ont pas d'assurance-santé.

De plus, le prix des maisons chute dans cer tains centres urbains. Les fonds de pension de beaucoup d'employés sont toujours dégarnis après l'éclatement de la bulle des technos. Des salariés ont même dû négocier à la baisse leurs avantages sociaux pour permettre à leur employeur de regarnir les coffres et de résister à une concurrence mondiale féroce.

Et ce n'est pas tout. Selon de récents sondages, les Américains sont de plus en plus préoccupés par l'énorme déficit budgétaire américain et le niveau d'endettement du gouvernement.

Les chiffres, faut-il le rappeler, sont alarmants: depuis 2001, la dette américaine qui sert notamment à financer la guerre en Irak a bondi de 46% à 4800 milliards US. Si bien que Washington débourse annuellement 70 milliards US uniquement en intérêts pour financer ses emprunts depuis cinq ans. Et l'Américain moyen sait fort bien qui paiera la facture un de ces jours... Bref, en grattant un peu, on trouve plusieurs raisons économiques pour expliquer la grogne chez nos voisins du Sud. Demain, beaucoup d'Américains iront voter pour livrer ce message : " it's STILL the economy, stupid ! "

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