L'essentiel de leur vie est derrière eux.

L'essentiel de leur vie est derrière eux.

Gérard a 77 ans et Thérèse, 76 ans. Ils touchent des revenus respectifs de 15 000 $ et 13 000 $ par année.

«Nos revenus sont modestes mais nous avons réussi au cours des ans à acquérir un joli bungalow en banlieue qui est entièrement payé, à faire quelques économies et à nous gâter un peu malgré tout», signale Thérèse.

Ils ont récemment acheté une voiture neuve, qu'ils ont payée comptant. Ils sont en bonne santé. Bref, ils coulent des jours paisibles.

Mais les parents le demeurent toute leur vie.

«Nous avons besoin de l'avis d'un expert pour prendre une décision importante, poursuit Thérèse. Notre fils, qui est en instance de divorce, se voit contraint de mettre sa maison en vente car dans les circonstances présentes, il ne peut assumer seul les paiements actuels. Nous regrettons cette situation à cause surtout des nos petits-enfants qui devront quitter la maison dans laquelle ils ont grandi et nous envisageons la possibilité d'intervenir financièrement. Quelle serait la meilleure solution? Faut-il carrément acheter nous-mêmes la propriété en empruntant sur notre marge de crédit rendue disponible sur notre propre propriété? Y a-t-il d'autres possibilités?»

Les deux conjoints s'interrogent sur l'opportunité d'acheter la maison en copropriété avec leur fils, ou de lui consentir un prêt personnel.

Ils sont désemparés...

Quelques solutions...

Avec leurs revenus de 28 000 $ par année, notre couple réussit à dégager un surplus mensuel de 200 $ par mois, soit 2400 $ par année. Leur propriété vaut 275 000 $.

Le planificateur financier Denis L'Hostie, de la Banque Laurentienne, s'est appuyé sur ces données pour parcourir quelques voies de solutions.

«La première option qui s'offre au couple est d'acheter la résidence de leur fils en empruntant sur leur résidence actuelle, indique-t-il. Leur fils pourrait alors leur payer un loyer pour aider à couvrir le paiement de l'hypothèque.»

Il faudra débourser environ 200 000 $ pour racheter la propriété et verser à l'ex-conjointe sa part sur la plus-value réalisée depuis l'achat.

Notre couple devrait donc contracter un prêt hypothécaire équivalent. À un taux d'intérêt de 6,5 %, ce prêt, amorti sur 25 ans, entraîne des mensualités d'environ 1340 $ par mois. Gérard et Thérèse ne peuvent évidemment soutenir seuls cette dépense avec leur mince surplus de 200 $ par mois. Leur fils aurait beaucoup de difficultés à combler la différence, à laquelle s'ajouteraient encore les taxes foncières.

En outre, le couple se priverait de toute marge de manoeuvre au cas où surviendrait un problème — un électroménager à remplacer, une réparation à effectuer à leur maison...

«Cette alternative n'est pas envisageable», conclut Denis L'Hostie.

La seconde solution consisterait plutôt à obtenir une marge de crédit hypothécaire, garantie par la propriété du couple.

«La différence entre les deux options est basée sur la flexibilité qui s'applique au remboursement du crédit, énonce Denis L'Hostie. Le prêt hypothécaire doit inclure un remboursement des intérêts et du capital, tandis que la marge de crédit permet le remboursement des intérêts uniquement.»

Il faut tout de même rembourser quelque chose. Avec un emprunt au taux de 6,5 %, le remboursement minimal s'établirait à 1100 $. C'est 240 $ de moins que la première solution — mais encore trop pour les revenus du couple.

L'hypothèque inversée

Le planificateur abat alors sa dernière carte: le Programme de revenu résidentiel CHIP. On l'appelle couramment l'hypothèque inversée.

Offert depuis 1986 par la société Canadian Home Income Plan Corporation (CHIP), ce programme s'adresse aux personnes de 60 ans et plus, propriétaires de leur maison.

L'entreprise accorde un prêt, garanti par la maison, dont le principal et les intérêts ne seront remboursés qu'au moment du déménagement ou du décès du dernier propriétaire, avec le fruit de la vente. Entre-temps, il n'y a aucune mensualité à verser.

Comme ces intérêts s'accumuleront avec les années, l'âge des propriétaires joue un rôle important dans le calcul du prêt. La variation de la valeur de la propriété au fil des ans est un autre facteur de risque.

Le programme accordera donc un prêt qui variera entre 10 et 40 % de la valeur de la propriété, dépendant notamment de l'âge des propriétaires, du secteur et du type de résidence.

«Évidemment, comme tout a un prix, le taux d'intérêt est supérieur de 1,5 % à 2 % au taux hypothécaire d'une institution financière, observe M. L'Hostie. De plus, des frais de l'ordre d'environ 2000 $ à 2500 $ sont exigibles pour mettre en place cette option.»

Le terme peut varier de six mois à 5 ans, comme pour les prêts hypothécaires standard, précise notre expert.

Contrairement à la croyance populaire, l'emprunteur demeure toujours propriétaire de sa résidence. Même si un des propriétaires jouissait d'une longévité inespérée, le montant à rembourser au moment de la vente ne dépassera jamais la juste valeur marchande de la propriété.

À leur âge, Gérard et Thérèse pourraient sans doute obtenir un prêt correspondant à 30 à 40 % de la valeur de leur propriété. Denis L'Hostie retient l'hypothèse médiane de 35 %, soit approximativement 100 000 $.

Ce montant serait cédé à leur fils pour lui permettre de réduire son propre emprunt hypothécaire, dont il serait dès lors en mesure d'assumer les mensualités — ce qui demeure à vérifier.

«Pour notre couple, aucun remboursement n'est exigible, observe le planificateur. Ils peuvent donc conserver leur pouvoir d'achat et leur marge de manoeuvre mensuelle sans mettre en danger leur situation financière.»

Gérard et Thérèse ont un autre enfant. Leur testament actuel stipule un partage à parts égales entre les deux enfants. Par soucis d'équité, une nouvelle clause au testament pourrait spécifier que leur fils a déjà touché une somme de 100 000 $.

Lors de la vente de la maison, le capital résiduel servirait à constituer la part d'héritage de leur autre enfant.

Denis L'Hostie a fait quelques calculs. Avec un taux d'intérêt de 8 %, le solde d'un prêt de 100 000 $ atteindrait 158 000 $ dans cinq ans. Un accroissement de valeur de 2 % par année amènerait alors la propriété à 303 000 $, pour une valeur nette de 145 000 $. Si le couple conservait la propriété 10 ans, cette valeur serait plutôt de 114 000 $.

«Idéalement, je favoriserais la marge de crédit hypothécaire, en raison du taux d'intérêt beaucoup plus bas, et parce qu'on évite les frais de 2000 $ à 2500 $, observe M. L'Hostie. Mais le programme CHIP est une avenue intéressante qui permet aux gens de conserver leur propriété tout en profitant du capital investi dans cette résidence, sans être égorgés par des mensualités énormes.»

Reste à voir, la tête reposée, si le noble objectif de Gérard et Thérèse justifie cette contraignante mesure...