Vous prenez ma plus grosse usine et en échange, je vous donne 10 millions de dollars.

Vous prenez ma plus grosse usine et en échange, je vous donne 10 millions de dollars.

Voilà l'étonnant marché qu'a annoncé vendredi dernier le fabricant d'emballages de carton Norampac, qui a cédé à un entrepreneur américain sa gigantesque -et vétuste- usine de Red Rock, une petite ville mono-industrielle du nord de l'Ontario.

Norampac, filiale de Cascades, a signé avec une obscure petite firme appellée North American Logistic Services une entente en vertu de laquelle elle lui cèdera l'usine fermée de 1 million de pieds carrés, la plus grosse de tout le Groupe Cascades.

Norampac vend l'usine de Red Rock pour 1$ et versera en plus 10 millions de dollars à l'acquéreur pour partir avec la bâtisse et le terrain de près de 5 millions de pieds carrés.

Si vous êtes le genre de personne qui aimez les chiffres, peut-être même un actionnaire de Cascades, vous aurez remarqué que le solde net de la transaction est de moins 9 999 999$. Mais le patron de Norampac, Marc-André Dépin, assure que c'est une bonne affaire pour Norampac, peu importe la façon dont on regarde la transaction.

«Nous avions fermé l'usine à l'automne 2006, à cause de l'effet combiné de la hausse du dollar canadien, des coûts de l'énergie -elle tourne au gaz naturel- et du coût de la fibre», a expliqué lundi M. Dépin.

«On l'avait fermée indéfiniment, pour voir comment le marché évoluerait. Mais on savait déjà que pour la rouvrir, il faudrait investir des millions de dollars pour remplacer le gaz naturel par une autre source d'énergie.»

C'est alors qu'un entrepreneur de l'Illinois, Bob Van Patten, qui fait des affaires en Ontario a appelé M. Dépin: «Il a expliqué qu'il voulait relancer à Red Rock une usine de contreplaqué qui a brûlé à Nipigon, un village tout près de Red Rock. Au lieu de rebâtir à Nipigon, c'est bien moins cher pour lui d'installer ses machines dans notre bâtisse à nous.»

Au début, Norampac n'était pas intéressée, dit M. Dépin.

«En attendant, Red Rock était économiquement dévastée, et pas rien qu'un peu, dit M. Dépin. Des maisons se sont vendues entre 10 000$ et 15 000$.»

L'usine fondée en 1945 par Domtar, a jadis employé jusqu'à 750 personnes, et elle est le seul moteur économique de cette région perdue à 150 km au nord de Thunder Bay, elle-même située au fin fond du lac Supérieur.

M. Dépin dit que donner un coup de main à Red Rock, «une place où on eu de bonnes années», est en soi une bonne affaire. Mais la transaction est aussi une bonne décision d'affaires: «Garder la place fermée indéfiniment, c'est environ 5 ou 6 millions par année pour le chauffage, l'entretien de l'édifice, etc. Quant à fermer définitivement, c'est cher et on ne sait jamais combien ça va coûter au niveau environnemental.»

Des analystes américains ont chiffré cette dépense à entre 10 millions et 50 millions, mais M. Dépin dit qu'il ne sait pas d'où ils ont sorti ces chiffres.

«Parfois, (les autorités environnementales) te disent simplement de planter une clôture autour, parfois, il y a des places où on t'ordonne de tout nettoyer. C'est très dur à dire d'avance.»

Avec la transaction, l'acquéreur «hérite de la responsabilité environnementale, mais si leur projet échoue, cette responsabilité nous revient», dit M. Dépin.

«En fin de compte, on s'est rendu compte qu'on était pas mal mieux d'aider leur projet que d'attendre un, deux, ou trois ans pour voir comment le marché va retourner.»

La firme en est arrivée à la même conclusion au sujet de son usine de Thunder Bay, qu'elle a cédée à un autre repreneur local en lui donnant une dot de 4 millions de dollars.

Dans le cas de Red Rock, le fait de vendre à une entreprise qui va convertir l'usine à un autre produit que du carton est aussi un avantage, puisque Norampac n'aide pas un concurrent.

En gros, la moitié des 10 millions doivent servir à du nettoyage environnemental, le reste devant soutenir la firme durant la conversion et la relance de l'usine.