J’ai été surpris en prenant connaissance des chiffres. Quoi, la rémunération peut atteindre 345 000 $ pour un syndiqué d’Hydro-Québec ? On est loin de l’image de la veuve et de l’orphelin parfois associée aux syndicats.

Les chiffres proviennent d’un document produit par Hydro-Québec à la suite d’une demande d’accès à l’information. La demande n’a pas été faite par La Presse, mais notre recherchiste William Leclerc est tombé sur le document déposé le 20 mai par Hydro-Québec sur son site internet.

Le document présente la rémunération des 15 syndiqués les mieux payés en 2023 pour quatre des six syndicats de la société d’État.

La rémunération de 345 000 $ a été versée au membre le mieux payé du Syndicat des employés de réseau d’Hydro-Québec (SERHQ). Les employés appartenant à ce syndicat voient à la planification et à la conduite du réseau électrique (distribution, transport, production).

Les 15 membres les mieux payés de ce syndicat ont obtenu entre 276 000 $ et 345 000 $ l’an dernier, y compris les primes et les sommes versées pour les heures supplémentaires. Pas mal, non ?

Parmi les trois autres corps d’emploi recensés, c’est celui des ingénieurs qui a le syndiqué avec la meilleure paye (322 000 $). Suivent les employés de métier – monteurs de ligne et autres –, dont le mieux payé a obtenu 314 000 $ en 2023, et les spécialistes et professionnels (206 000 $).

Notez que pour les employés de métier, l’écart n’est pas si grand entre le 15e et le mieux payé : la rémunération va de 243 000 $ à 314 000 $.

Chez Hydro-Québec, on me dit que ces rémunérations sont hors normes.

« Elles ne sont pas représentatives de la moyenne. Elles sont le reflet de ceux qui font énormément de temps supplémentaire, notamment en raison des pannes », m’explique le porte-parole Marc-Antoine Pouliot.

En 2023, justement, Hydro a connu la pire année en 15 ans pour les pannes, en raison des tempêtes.

La pluie verglaçante d’avril 2023, par exemple, a obligé bien des employés à faire des heures supplémentaires (le travail supplémentaire est obligatoire pour les employés de métier).

Au total, la société d’État a ainsi versé 217 millions de dollars pour des heures supplémentaires en 2023. La somme est concentrée entre certains groupes d’employés parmi les 22 806 que compte Hydro-Québec.

Quel est le salaire de base représentatif, alors ? En fin de journée jeudi, Hydro n’a finalement pas consenti à me fournir le niveau minimal et maximal de l’échelle salariale de base des quatre syndicats visés, c’est-à-dire avant heures supplémentaires et primes. Données confidentielles, selon Hydro.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Point de presse dans un centre de contrôle d’Hydro-Québec à Montréal, le 6 avril 2023

Tout au plus m’a-t-on indiqué que le salaire de base maximal des syndiqués de métier sont environ 3 fois moindres que les 314 000$ du mieux payé de la liste. Même chose pour les employés de réseau (environ trois fois moins que 345 000$).

En fouillant sur le site public Corail, du ministère du Travail du Québec, j’ai toutefois pu retrouver la convention collective des ingénieurs. En 2023, selon le document, le salaire minimal au premier niveau était de 63 722 $ et le salaire au quatrième niveau, de 151 106 $. Les heures supplémentaires sont payées à « temps et demi » (1,5 fois le salaire horaire).

Impossible de mettre rapidement la main sur les trois autres conventions et leurs grilles salariales.

Hydro-Québec m’apprend par ailleurs que les conventions collectives de quatre des six syndicats sont arrivées à échéance le 31 décembre dernier, dont celles des ingénieurs (2600 membres) et des employés de métier (près de 6000 membres).

Le président du Syndicat professionnel des ingénieurs d’Hydro-Québec (SPIHQ), Nicolas Cloutier, m’indique que les négos ont débuté en mai 2023. « Les négociations avancent bien. On espère conclure avant les vacances de la construction », me dit-il.

Parmi les enjeux du syndicat des ingénieurs figure le télétravail et le maintien du pouvoir d’achat. Pour les 15 plus fortes rémunérations, M. Cloutier fait remarquer que son groupe compte des cadres syndiqués (le premier de cinq niveaux de cadres chez Hydro), qui gagnent davantage que les non-cadres.

Le président du Syndicat des employé-e-s de métier Hydro-Québec, Frédéric Savard, n’a pas voulu me parler à ce sujet. Le Syndicat des employé(e)s de réseau d'Hydro-Québec n’a pas répondu à mon courriel.

Les niveaux de rémunération avec heures supplémentaires, qui dépassent parfois 300 000 $, sont considérables sachant que le salaire de base du PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, est de 639 000 $.

Certes, la paye du grand patron d’Hydro peut dépasser 1 million de dollars avec les bonis, comme ce fut le cas de Sophie Brochu, mais les responsabilités du PDG sont bien plus grandes que celles des syndiqués.

Et connaissant Michael Sabia, ses semaines de travail dépassent aisément les 40 heures ou 50 heures, comme c’est le cas de la plupart des PDG d’ailleurs.

En espérant qu’Hydro pourra trouver un juste terrain d’entente avec ses employés, dans le contexte de l’agrandissement important du réseau au cours des prochaines années et des coûts qui en découleront.