En quête d’un avenir plus respectueux de l’environnement, le Canada se voit contraint de concilier sa riche tradition de production alimentaire avec le besoin urgent de réduire les GES. L’accent mis par la COP28 sur l’alimentation met en évidence la complexité de ce dilemme.

La COP28, conférence internationale sur le changement climatique organisée par les Nations unies, a commencé la semaine dernière à Dubaï et se déroule sur deux semaines. Pour la première fois, une journée sera consacrée à l’alimentation et à l’eau, le 10 décembre.

L’industrie alimentaire contribue à près de 31 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine humaine sur notre planète, depuis les pratiques agricoles jusqu’au gaspillage alimentaire. Essentiellement, le tiers des GES provient de l’augmentation des températures mondiales qui se répercutent directement sur la production alimentaire. Compte tenu de l’impact substantiel de l’industrie alimentaire sur les émissions, il n’est pas surprenant que la COP28 ait choisi de donner la priorité à ce secteur.

Lors du premier week-end de la COP28, une déclaration sur l’alimentation a obtenu le soutien de 134 pays, représentant une population de 5,8 milliards d’individus et responsables de plus de 75 % de toutes les émissions provenant de la production et de la consommation alimentaires mondiales. Cette coalition réunit notamment des acteurs majeurs comme les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et le Canada.

La déclaration elle-même expose une approche globale pour aborder le changement climatique dans l’agriculture et les systèmes alimentaires, en prévision des futures conférences de la COP.

Elle souligne l’importance de l’engagement inclusif au niveau national pour intégrer ces systèmes dans diverses stratégies visant à réduire les émissions de gaz. De plus, elle appelle à la révision des politiques agroalimentaires pour soutenir des activités qui améliorent plusieurs aspects, notamment la réduction des GES, la résilience et la durabilité.

La déclaration met également l’accent sur la nécessité d’un soutien financier accru de divers secteurs agroalimentaires pour adapter et transformer ces systèmes, tout en favorisant les innovations basées sur la science et les connaissances locales pour améliorer la productivité et la résilience. Enfin, elle souligne l’importance d’un système commercial multilatéral juste et transparent, ancré par l’Organisation mondiale du commerce, pour relever ces défis mondiaux.

Ces objectifs sont effectivement ambitieux, mais bien réfléchis pour le mieux-être de notre planète. Le soutien du Canada à cette déclaration ne devrait pas être très contestée. Les discussions controversées sur l’intersection entre l’alimentation et le climat tournent souvent autour de la question de savoir si les humains devraient réduire leur consommation de viande et de produits laitiers.

Pour le Canada, cela représente un défi important.

Seulement dans le cas de la viande, le Canada se classe au 11e rang mondial pour la production, avec 60 000 fermes d’élevage de bétail, contribuant à hauteur de 21,8 milliards de dollars au produit intérieur brut au prix courant.

De plus, le Canada occupe le 6e rang mondial pour la production porcine, et des quotas gouvernementaux d’une valeur dépassant les 30 milliards de dollars soutiennent la production de protéines animales, notamment le poulet, la dinde, les œufs et les produits laitiers. Les secteurs gérés par l’offre représentent près de 20 % de toutes les recettes en espèces du pays. Les enjeux sont indéniablement élevés pour le Canada et la décarbonation de notre économie alimentaire doit devenir une priorité dans les années à venir.

À la pression sur notre industrie du bétail s’ajoute l’engagement mondial sur le méthane, lancé lors de la COP26 il y a deux ans, qui engage les pays à réduire leurs émissions de méthane de 30 % d’ici 2030. Sur une période de 100 ans, le méthane s’avère environ 20 fois plus efficace pour piéger la chaleur dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone.

Les systèmes alimentaires sont responsables de 53 % des émissions mondiales de méthane, dont environ les deux tiers proviennent de la production de bétail, y compris des sources comme les rots de vache et la gestion du fumier. Cela nécessite l’adoption de plus de biodigesteurs et de pratiques perfectionnées de gestion du fumier dans les pays riches, ainsi qu’une alimentation animale améliorée pour une digestion plus respectueuse de l’environnement dans le reste du monde.

Cela dit, même si les Canadiens sont prêts à contribuer aux efforts climatiques, cela ne doit pas compromettre l’importance culturelle et traditionnelle de l’alimentation.

L’utilisation d’une rhétorique comme « les aliments qui réchauffent la planète » que les défenseurs de la réduction de la consommation de viande clament haut et fort est insolente, surtout lorsque plus de 91 % des Canadiens incluent régulièrement des protéines animales dans leur alimentation.

Comme nous l’avons vu avec la taxation du carbone, les gouvernements devraient privilégier l’incitation à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement plutôt que de compter uniquement sur des sanctions pour modifier les comportements.

Les taxes peuvent avoir des effets inflationnistes, même si elles sont ultérieurement supprimées, en particulier dans le domaine de l’alimentation. Plus important encore, les connotations négatives associées à la taxation peuvent décourager les individus de devenir de meilleurs gardiens de l’environnement. Ottawa en fait actuellement l’apprentissage à ses dépens.