Transformer des déchets alimentaires en biosurfactant1 pour remplacer l’utilisation de l’huile de palme ou du pétrole dans la fabrication de savons domestiques et industriels ou utiliser des cellules de pies de vache pour fabriquer une protéine de lait identique au vrai lait, voilà le type d’innovations dont le Québec aura besoin pour réaliser sa transition climatique et atteindre ses objectifs de décarbonation d’ici 2050.

Il faut de l’innovation pour réaliser le changement. Et justement, la transition énergétique et climatique va commander passablement d’inventivité si le Québec veut atteindre les cibles de réduction de gaz à effet de serre qu’il s’est fixées.

Beaucoup de nouveaux procédés industriels qui sont encore au stade de l’idéation seront pleinement opérationnels dans quatre ou cinq ans et pourront contribuer à la mise sur pied d’une société inscrite à l’enseigne de la sobriété énergétique.

C’est pourquoi le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charette, a décidé d’utiliser une infime portion du Fonds d’électrification et de changements climatiques, doté de 9 milliards, pour injecter 22,2 millions pour soutenir les start-up du secteur des technologies propres qui sont au stade de l’amorçage.

On parle ici de jeunes pousses vertes qui réalisent un premier financement qui les aidera à faire la preuve du concept qu’elles veulent développer et ultimement l’amener au stade de la production ou de la commercialisation.

Le ministre Charette a fait l’annonce de cette subvention de 22,2 millions lundi et a attribué son administration à l’organisme Cycle Momentum, un organisme sans but lucratif, accélérateur de jeunes pousses en technologie climatique, qui supervisera le programme Origo qui s’étalera sur une période de cinq ans.

On va intervenir de trois façons, on va investir 10 millions sur cinq ans dans des programmes d’appariement avec la quarantaine de firmes de capital privé qui sont déjà nos partenaires, comme le Fonds de solidarité, la BDC ou le Fonds climat.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement

« On va allouer 2 millions en bourses pour appuyer les fondateurs dans leur démarche et on va injecter 10 millions de plus pour financer les opérations des start-up qui vont être retenues », explique Patrick Gagné, PDG de Cycle Momentum.

L’objectif du programme d’accélération de l’innovation vise à participer au financement et à l’accompagnement de dix start-up par année durant les cinq prochaines années.

L’accélérateur de start-up Cycle Momentum a commencé ses activités en 2015 et a réalisé à ce jour 115 accompagnements de jeunes pousses des technologies propres qui affichent un taux de survie de 93 %, ce qui est un score impressionnant.

Les entreprises accompagnées ont réussi à lever 360 millions de différents fonds privés pour poursuivre leur développement et permettre d’éviter l’émission de 13 400 tonnes de gaz à effet de serre.

Des jeunes qui poussent

Les deux exemples de jeunes pousses que j’ai utilisés en début de chronique sont bien réels, et les deux fondatrices de ces entreprises qui ont déjà profité de l’accompagnement de Cycle Momentum ont participé lundi à la conférence de presse qui annonçait le lancement du programme Origo.

Nivatha Balendra s’est intéressée aux biosurfactants en 2013 dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic qui l’a horrifiée et convaincue de s’attaquer à la réduction de l’utilisation et de la circulation du pétrole. À 17 ans, elle participe cette année-là à une Expo-Sciences où elle propose déjà la solution qu’elle veut développer.

« On remplace l’utilisation du pétrole et de l’huile de palme pour la fabrication des savons par des déchets alimentaires, principalement des résidus d’huile de cuisson et de sucres utilisés dans la transformation alimentaire. Des produits qui sont aussi très efficaces pour s’attaquer aux marées noires », m’explique la PDG et fondatrice de Dispersa.

La jeune pousse a déjà réussi à lever 3 millions, grâce à des investisseurs privés qui ont apparié des subventions de 1,5 million accordées par Québec et Ottawa, ce qui lui a permis d’établir sa preuve de concept alors qu’elle prépare aujourd’hui la mise à l’échelle de la production de biosurfactant.

Jennifer Côté, PDG et fondatrice d’Opalia, compte produire du lait de vache sans animaux qui sera fabriqué à partir de cellules mammaires et commercialisé à grande échelle.

« On veut éliminer l’impact environnemental de la production laitière traditionnelle, notamment les émanations de méthane. Notre procédé permet de fabriquer du vrai lait de vache sans animaux. On ne sait pas ce qui nous attend dans 30-40 ans. Les producteurs de lait vont peut-être utiliser notre procédé », estime la jeune PDG.

Le procédé d’Opalia est encore au stade expérimental, mais l’entreprise souhaite poursuivre son développement. Elle compte sur le soutien de Cycle Momentum et espère bien se classer parmi la dizaine de start-up qui vont profiter du programme Origo.

« Depuis 2015, on choisit en moyenne chaque année cinq start-up sur 150 qui soumettent leur candidature. Les technologies climatiques représentent la plus grande vague d’innovation depuis l’époque des dotcom il y a 25 ans, il ne faut pas rater le bateau », insiste avec raison Patrick Gagné.

1. Le biosurfactant est un processus où des micro-organismes servent en lieu et place de produits néfastes à l’environnement.