Et maintenant ? À quel rendement peut-on s’attendre de la Caisse de dépôt et placement maintenant que les taux d’intérêt ont grimpé de 5 points de pourcentage et que la récession est à nos portes ?

Impossible de bien prédire l’avenir, comme vous le diront tous les experts en placement, surtout à long terme. Il suffit qu’un évènement majeur imprévu survienne pour tout chambouler. Qui aurait prédit, en début d’année, que la Caisse obtiendrait un rendement correct de 4,2 % sur six mois, sensiblement le même que ses indices de référence (4,1 %), en cette période fort incertaine ?

N’empêche, il est intéressant de connaître la vision des dirigeants de la Caisse à cet égard. Or, l’institution n’apparaît pas trop pessimiste pour la suite des choses. Quoique…

Le risque de récession aux États-Unis ? Le chef des placements liquides, Vincent Delisle, l’estime à plus de 50 % d’ici un an. Et avec elle, bien sûr, une période difficile pour les entreprises et incertaine pour les rendements.

En quoi est-ce plutôt optimiste ? C’est que la Réserve fédérale du district de New York estime à 65 % le risque d’une récession. Et règle générale, une récession survient 8 fois sur 10 lorsque la courbe des taux d’intérêt obligataires est inversée, c’est-à-dire lorsque les taux à court terme deviennent plus hauts que les taux à long terme, comme en ce moment.

En conférence de presse, le PDG, Charles Emond, évoque encore la possibilité d’un atterrissage en douceur de l’économie ou, autrement dit, d’un ralentissement sans récession, ce que souhaitent la plupart des économistes.

« Mais si une récession est légèrement évitée, il faut se demander quel niveau de croissance on va avoir devant nous. Cette question est aussi importante que celle de savoir s’il y aura une récession ou pas. Même avec un atterrissage en douceur, nous ne serons pas dans un environnement de croissance élevée », a dit M. Emond.

Parmi les éléments à prendre en compte, il y a la Chine, dont l’économie vacille, sur fond de crise immobilière. Entre autres, le géant de l’immobilier Country Garden, qui accumule des dettes équivalant à plus de 200 milliards CAN, serait en défaut de paiement.

Entraînera-t-il l’économie chinoise et le système financier mondial dans son sillon ?

À l’inverse, la très faible inflation chinoise, voire la déflation, pourrait-elle être de bon augure pour les pays développés, qui importent encore beaucoup de biens de ce pays ?

Autre élément : jusqu’à quel point les investissements publics massifs du gouvernement américain, notamment avec le mal nommé Inflation Reduction Act (IRA), pourraient-ils amoindrir une récession américaine ?

Pour se prémunir des aléas, la Caisse de dépôt répète qu’elle mise essentiellement sur trois éléments : la diversification de son portefeuille, le long terme et la prudence.

« Les investisseurs sont confrontés à plusieurs signaux contradictoires, tels que la direction de l’inflation, des taux, de l’emploi ou encore des marchés. Cet environnement de défis nous invite à demeurer vigilants, et nous rappelle plus que jamais l’importance de la diversification de notre portefeuille et de notre approche de long terme », explique Charles Emond.

Chose certaine, la Caisse doit offrir un rendement de 6 % à long terme pour que ses déposants aient suffisamment de fonds pour verser les rentes promises aux employés et rentiers.

Or voilà, le rendement de la Caisse sur 5 ans, dévoilé mercredi, est tout juste de 6 %. Celui sur 10 ans est meilleur, à 7,9 %, mais il est en baisse par rapport aux rendements sur 10 ans des années passées (8 % en 2022, 9,6 % en 2021 et 9,2 % en 2018 et 2019, entre autres).

Bien sûr, ce 6 % ans est une cible à long terme, et les rendements récents ne menacent aucunement les rentes des prochaines années. Surtout, ce rendement moyen de 6 % s’explique notamment par la hausse des taux d’intérêt, qui a eu pour effet, du même coup, de dégonfler le passif des régimes de retraite et donc d’améliorer leur situation financière.

Le portrait est d’autant moins inquiétant que les régimes qui confient leur fonds à la Caisse présentaient déjà une situation financière enviable avant la hausse des taux d’intérêt.

Par exemple, le régime RREGOP⁠1, celui des employés du gouvernement du Québec, avait un surplus de 15 % au 31 décembre 2020, indique la plus récente évaluation actuarielle, déposée en octobre 2022. Or, il n’est pas impossible que ce surplus grossisse à la prochaine évaluation, au 31 décembre 2023.

Tout de même, il faut garder à l’esprit que ce rendement de 6 % est l’ultime but de la Caisse à long terme, et qu’il devra être atteint malgré la crise climatique, les récessions et les guerres…

1. RREGOP : régime de retraite du personnel employé du gouvernement et des organismes publics