La hausse des taux d’intérêt n’a pas été douloureuse seulement pour les ménages. Au gouvernement du Québec, elle a coûté 1,3 milliard de plus que prévu, alourdissant son déficit.

Le dernier rapport mensuel des opérations financières, paru jeudi, confirme l’impact des augmentations de taux d’intérêt sur les finances du gouvernement. Ce rapport dresse le portrait de l’exercice 2022-2023, qui s’est terminé le 31 mars dernier.

En fin de compte, donc, le gouvernement du Québec a fermé ses livres avec un déficit de 5,1 milliards, soit un niveau conforme à ce qu’il prévoyait lors de la présentation de son budget de mars, il y a trois mois1. L’an dernier, le déficit avait été de seulement 772 millions.

De tous les postes, c’est celui du service de la dette qui a le plus augmenté par rapport à l’année dernière. Les paiements d’intérêts se sont élevés à 10,1 milliards en 2022-2023, soit 1,3 milliard de plus que ce que prévoyait le gouvernement lorsqu’il a fait son budget l’an dernier, en mars 2022.

Le Québec sortait alors de la pandémie, la guerre en Ukraine débutait et avec elle commençait la flambée de l’inflation. Peu d’économistes voyaient les taux d’intérêt grimper autant.

À l’époque, le gouvernement du Québec estimait que le taux directeur de la Banque du Canada atteindrait seulement 1,3 % à la fin de 2022 et 2 % à la fin de 2023. Or, le taux est aujourd’hui de 4,75 % !

Ce gonflement du taux directeur et des autres taux d’intérêt est l’un des principaux facteurs qui expliquent que le gouvernement ait raté sa cible.

En mars 2022, le ministre Eric Girard prévoyait que le déficit du Québec atteindrait 4 milliards de dollars au cours de l’exercice qui s’est terminé en mars 2023, si l’on exclut la provision pour éventualités. Le déficit a plutôt été de 5,1 milliards, comme l’indique le rapport publié jeudi. Ce déficit de 5,1 milliards inclut les 3,1 milliards versés au Fonds des générations, destiné à réduire la dette.

Outre le service de la dette, les dépenses pour l’éducation et l’enseignement supérieur ont aussi fortement augmenté en 2022-2023, avec des hausses de plus de 10 %, à 19,1 et 9,7 milliards respectivement. Les dépenses pour la santé et les services sociaux ont été en hausse de 1,7 %, à 57,5 milliards, une faible majoration qui s’explique par la fin de la pandémie.

Durant l’exercice 2022-2023, la forte inflation a aussi fait grimper les revenus du gouvernement de quelque 6 milliards, entre autres, mais cette somme a essentiellement été retournée aux contribuables par le truchement des fameux chèques remis par la CAQ aux contribuables et aux aînés.

Toujours est-il que le service de la dette – les intérêts sur la dette brute de 223 milliards – a atteint 10,1 milliards en 2022-2023. Ce niveau est presque aussi important que le sommet historique de 2014-2015 (10,6 milliards).

Malgré tout, le service de la dette de 2022-2023 demeure relativement modeste en proportion des revenus du gouvernement. Il correspond aujourd’hui à 6,9 % des revenus, contre 6,2 % l’an dernier, mais 11,4 % en 2013-2014.

Selon les plus récentes comparaisons, le Québec avait le troisième service de la dette en proportion des revenus parmi les provinces, à 6,2 % des revenus en 2021-2022. L’Ontario se situait alors à 6,8 %, Terre-Neuve-et-Labrador à 10,5 %, et la Colombie-Britannique à 3,8 %. Le chiffre correspondant pour le fédéral était de 5,9 %.

Cela dit, il n’est pas impossible que le ministère des Finances du Québec ait sous-estimé son service de la dette pour l’année en cours. Le budget de mars dernier prévoyait que le taux directeur de la Banque du Canada resterait stable, à 4,5 %, avant de redescendre progressivement à partir de fin 2023, début 2024. Ainsi, Québec prévoyait une certaine stabilisation de son service de la dette au cours des prochaines années, autour de 6,4 % de ses revenus.

Or, le taux directeur est maintenant de 4,75 % et la plupart des observateurs s’attendent à le voir monter à 5 % lors de la prochaine annonce de la Banque du Canada, le 12 juillet.

Certes, le service de la dette du Québec ne subit qu’une petite part de l’impact d’une hausse du taux directeur, puisque sa dette est financée en différentes tranches auprès de divers prêteurs internationaux et sur plusieurs années.

Tout de même, les mouvements de taux peuvent avoir un effet important sur nos finances publiques. Dans son budget de mars 2023, le ministère des Finances écrivait qu’« une hausse plus importante que prévu des taux d’intérêt de 1 point de pourcentage sur une pleine année entraînerait une augmentation de la dépense d’intérêts de 522 millions la première année et de près de 1,9 milliard la cinquième année ».

Vivement que l’inflation diminue et que les taux baissent.

1. Consultez le rapport mensuel des opérations financières du gouvernement du Québec