Le gouvernement Trudeau doit prendre les moyens qui s’imposent pour éviter une grève qui paralyserait tout le transport ferroviaire des marchandises au pays, estime le Conseil canadien des affaires (CCA).

Tout arrêt de travail aurait un impact « dévastateur » pour l’économie canadienne et porterait un dur coup à la réputation du Canada comme fournisseur fiable de marchandises, soutient le CCA dans une lettre envoyée à la ministre des Finances, Chrystia Freeland, au ministre des Transports, Pablo Rodriguez, et au ministre du Travail, Seamus O’Regan.

Le président et chef de la direction du CCA, Goldy Hyder, presse ainsi le gouvernement Trudeau d’imiter l’administration du président Joe Biden, qui est intervenue rapidement l’an dernier pour éviter qu’une grève paralyse le transport ferroviaire aux États-Unis.

« Les chefs d’entreprise du pays appuient le processus de négociation collective et reconnaissent que les meilleurs accords sont conclus à la table des négociations. Toutefois, toute rupture des négociations qui mènerait au déclenchement d’une grève des chemins de fer à l’échelle nationale provoquerait des perturbations dévastatrices pour l’économie », a soutenu M. Hyder dans sa lettre aux trois ministres du gouvernement Trudeau.

« Cela paralyserait le transport de biens essentiels, augmenterait les prix pour les consommateurs et les entreprises, mettrait des emplois à risque et entacherait la réputation du Canada en tant que partenaire commercial fiable », a-t-il aussi avancé en énumérant les conséquences d’une grève.

Spectre de grève

Le spectre d’une grève plane au-dessus du transport ferroviaire au pays depuis quelques semaines. Au début du mois, les quelque 9300 travailleurs des deux plus grandes sociétés ferroviaires au pays, le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique Kansas City (CPKC), ont voté à 98 % en faveur de la grève.

Le syndicat, les membres de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC), a déjà indiqué qu’un débrayage pourrait survenir à compter du 22 mai, soit ce mercredi. Toutefois, aucun arrêt de travail n’est prévu tant que le Conseil canadien des relations industrielles n’aura pas statué sur la définition de « biens essentiels » dans ce dossier.

Les négociations pour le renouvellement des conventions collectives pour les chefs de train, les ingénieurs et les ouvriers de gare de triage piétinent depuis plusieurs mois. La principale pierre d’achoppement des négociations concerne les horaires de travail. Le CFTC affirme que les deux sociétés ferroviaires cherchent à éliminer les principales dispositions de repos des contrats de travail – une mesure qui pourrait accroître la fatigue des équipages et mettre en danger la sécurité publique, selon le syndicat.

Un tel conflit de travail, qui pourrait freiner la circulation des marchandises d’un océan à l’autre, pourrait ne pas être le seul. Certains redoutent que l’impasse entre les débardeurs du port de Montréal et leur employeur, l’Association des employeurs maritimes, débouche aussi sur un autre conflit, tandis que l’incertitude règne à l’Agence des services frontaliers du Canada.

Au moment même où le gouvernement Trudeau multiplie les efforts pour raffermir les relations entre le Canada et les États-Unis en prévision de l’élection présidentielle de novembre et le possible retour au pouvoir du candidat républicain Donald Trump, le CCA estime que tous ces efforts pourraient être vains si la chaîne d’approvisionnement entre les deux pays est paralysée par une grève du transport ferroviaire.

Dans le passé, le gouvernement Trudeau s’est montré très réticent à intervenir dans un conflit de travail. Il a d’ailleurs présenté un projet de loi pour interdire le recours aux briseurs de grève dans le cas des entreprises à charte fédérale. Le Nouveau Parti démocratique, qui assure la survie politique des libéraux minoritaires à la Chambre des communes et qui est proche des syndicats, s’oppose aussi avec véhémence à toute loi qui empêcherait des travailleurs syndiqués de faire la grève comme moyen de pression.

Mais selon M. Hyder, l’enjeu est trop important pour que le gouvernement Trudeau demeure les bras croisés. Il l’invite à s’inspirer de la détermination de l’administration Biden dans ce dossier afin d’éviter « une catastrophe économique » et maintenir la stabilité des chaînes d’approvisionnement. « Nous vous demandons d’agir avec la même détermination pour explorer toutes les mesures permettant d’éviter qu’un arrêt de travail ne se produise. »