Prendre sa retraite est un moment insécurisant : on se demande toujours si on aura assez d’argent. Mais lorsque sa situation est enviable, il faut parfois apprendre à arrêter de s’en faire et à profiter de ce qu’on a réussi à accumuler au cours de sa vie active.

La situation

Judith*, 65 ans, est retraitée et a le Régime de retraite du personnel employé du gouvernement et des organismes publics (RREGOP). Célibataire, elle est mère de trois enfants et a deux petits-enfants. Elle vendra prochainement son triplex, où elle habite, pour 600 000 $. Son prêt hypothécaire est de 166 000 $ à 2,72 % d’intérêt et il vient à échéance l’an prochain. Elle pense payer environ 24 000 $ en impôts sur cette transaction.

La nouvelle maison que Judith achète coûte 336 000 $. Elle prévoit environ 15 000 $ pour la quittance, son déménagement, les frais de notaire, les droits de mutation et de nouveaux meubles et électroménagers.

Avec l’hypothèque de son triplex qui était de 280 $ par semaine, ses dépenses annuelles étaient de 47 000 $. Elle prévoit que son budget sera allégé de 3000 $ en 2024 en raison des taxes et d’autres dépenses qui seront réduites avec sa maison.

Plusieurs questions lui viennent en tête à la veille de ce grand changement. D’abord, elle se demande si elle devrait transférer l’hypothèque de son triplex sur sa nouvelle maison. Puis, en bonne santé, elle croit qu’elle atteindra les 100 ans et se questionne pour savoir si elle aura suffisamment d’actifs pour vivre confortablement jusqu’à cet âge. Pour atténuer les risques, elle pense attendre à 70 ans pour demander sa pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et celle du Régime de rentes du Québec (RRQ). Elle envisage aussi de prendre dès maintenant une rente viagère de 100 000 $ pour sécuriser ses revenus.

Les chiffres

Judith*, 65 ans

  • RREGOP : 15 746 $ de revenu annuel brut
  • RRQ : 731 $ par mois à 65 ans
  • REER : 289 000 $, portefeuille équilibré (8000 $ en droits de cotisation inutilisés)
  • REER : 23 000 $, Fonds de solidarité FTQ
  • Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 109 000 $, portefeuille équilibré
  • Placements non enregistrés : 160 000 $, revenus fixes
  • Certificat de placement garanti : 5000 $

Les conseils

Si Judith se pose de nombreuses questions, la première chose à faire, d’après Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers, est de réaliser une projection à la retraite. Pour ce faire, il a considéré qu’elle demandait tout de suite ses pensions de la SV et du RRQ et qu’elle ne prenait pas d’hypothèque, donc qu’il lui resterait environ 59 000 $ à investir une fois sa maison achetée. Il a aussi considéré que Judith vivra jusqu’à 100 ans, que l’inflation sera de 2,1 % par année et que le rendement de ses placements sera de 4,5 %.

« Judith pourrait dépenser 54 000 $ par année jusqu’à 100 ans, alors qu’aujourd’hui, si on enlève l’hypothèque et les 3000 $ de taxes et dépenses en moins, elle a un coût de vie de 30 000 $, évalue Simon Préfontaine. C’est une grande différence. De plus, elle laissera une maison payée à ses enfants comme héritage. »

Réduire sa facture fiscale en 2024

Judith n’a pas à craindre de manquer d’actifs, mais le planificateur financier attire tout de même son attention sur l’importance de réduire sa facture fiscale cette année puisque son revenu imposable bondira avec la vente de son triplex.

« C’est important qu’elle utilise pour l’année 2024 ses 8000 $ de droits de cotisation REER inutilisés », affirme-t-il.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

D’ailleurs, Simon Préfontaine a fait ses calculs en considérant que c’est bien 24 000 $ en impôts qu’elle aura à payer à la suite de la vente de son triplex, mais il soupçonne que le montant pourrait être plus élevé. « L’idéal serait qu’elle demande à son comptable d’effectuer le calcul », conseille-t-il.

Aussi, pour ses placements non enregistrés, si ce n’est pas déjà fait, il lui conseille de regarder du côté des fonds communs corporatifs, ou encore des autres outils semblables conçus pour réduire l’impôt à payer sur le rendement futur.

Demander ses pensions gouvernementales

Pour la pension de la SV et celle du RRQ, c’est certain que normalement, pour une personne qui pense vivre jusqu’à 100 ans, Simon Préfontaine a tendance à dire que c’est une bonne idée de les demander à 70 ans seulement.

« Mais, dans le cas de Judith, c’est différent parce que même si elle les demande à 65 ans, elle a déjà beaucoup plus d’argent que ce qu’elle dépense par mois, illustre-t-il. Et il y a quand même un risque qu’elle ne vive pas aussi longtemps, ce qui ferait qu’elle aurait pigé davantage dans ses actifs et il en resterait moins pour ses enfants et ses petits-enfants. Pour cette raison, j’aurais tendance à lui dire de les demander maintenant. »

Avec ces pensions et la RREGOP, elle aurait déjà énormément de revenus garantis chaque mois. « Ainsi, elle n’a pas besoin d’une rente viagère, mais si elle y tient vraiment, c’est certain qu’elle a les moyens d’en acheter une, affirme Simon Préfontaine. Elle pourrait alors se faire conseiller sur les différents produits par son conseiller en sécurité financière. »

Se libérer de l’hypothèque 

Regardons le prêt hypothécaire, maintenant. « Bien sûr, Judith pourrait demander de transférer son hypothèque sur la nouvelle maison, mais probablement que son institution financière lui facturerait des frais, indique Simon Préfontaine. Tout ça, pour une hypothèque de 166 000 $ à 2,72 % d’intérêt pour un an. Et c’est certain qu’elle devra payer son notaire. Il faudrait calculer si cela en vaut vraiment la peine. »

Judith pourrait aussi décider d’aller chercher un prêt hypothécaire plus important, disons de 250 000 $.

« Dans ce cas-là, elle deviendrait une cliente plus intéressante pour l’institution financière qui pourrait lui payer son notaire, affirme le planificateur financier. Ce prêt hypothécaire viendrait toutefois diminuer son héritage, mais lui permettrait de profiter davantage des fruits de son dur labeur. Toutefois, je n’ai pas l’impression que Judith fera ce choix, parce que je pense qu’elle aura déjà de la difficulté à dépenser ce qu’elle aura si elle ne prend pas d’hypothèque. »

Il a donc tendance à lui conseiller de ne pas prendre de prêt hypothécaire, mais de regarder du côté des marges de crédit hypothécaire. « Judith n’est pas obligée de l’utiliser si elle n’en a pas besoin, mais ce serait une façon de la protéger contre la fraude, affirme Simon Préfontaine. Les maisons sans hypothèque légale sont plus à risque. Elle devrait probablement payer des frais pour avoir une marge de crédit hypothécaire, mais il faudrait qu’elle le voie comme un système d’alarme qu’elle met sur sa maison. »

Réaliser ses rêves

Bien sûr, plusieurs stratégies d’optimisation pourraient permettre à Judith d’amasser plus d’argent, mais aux yeux de Simon Préfontaine, ce n’est pas le plus important. « Elle peut dépenser 24 000 $ de plus par année, affirme-t-il. C’est énorme pour elle qui a un coût de vie actuel d’environ 30 000 $. »

Comme planificateur financier, il aimerait bien l’avoir devant elle et lui demander quels sont ses objectifs, quels sont ses rêves ? « Est-ce qu’elle veut voyager ? Est-ce que ses enfants vivent certaines difficultés ? Est-ce qu’elle souhaite les aider de son vivant ? Est-ce qu’elle veut aussi aider ses petits-enfants directement ? Elle peut faire tout ça. »

Il a même calculé qu’elle pourrait dépenser maintenant ses 160 000 $ non enregistrés et qu’elle aurait tout de même environ 48 000 $ par année jusqu’à 100 ans.

« Le plus grand conseil que j’ai à lui donner, affirme Simon Préfontaine, c’est de prendre rendez-vous avec un planificateur financier pour discuter de ce qui est important pour elle et de ce qu’elle veut faire dans les prochaines années. Elle doit arrêter de s’inquiéter et profiter de ce qu’elle a accumulé. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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