La crise dans l’immobilier commercial coûte cher à la Caisse. Le bas de laine des Québécois a perdu plus de 300 millions de dollars dans une société torontoise accablée par le ralentissement. Ses parts dans la firme Avison Young, qui emploie plus de 5000 personnes dans 19 pays, ne valent plus rien.

« Nos investissements en actions privilégiées et ordinaires ont été radiés », dit la directrice des communications, Kate Monfette.

La Caisse de dépôt et placement du Québec a acheté en 2018 pour 250 millions de dollars d’actions privilégiées d’Avison Young, « pour stimuler la stratégie d’expansion mondiale de la société ». La firme se spécialise dans les services liés à l’immobilier commercial, comme le courtage, la location, la gestion et le financement.

En 2021, cet investissement dans Avison Young augmentait à plus de 300 millions, selon les renseignements publics. L’institution financière ne diffuse pas systématiquement de chiffres plus précis sur ses investissements dans les actions de sociétés à capital fermé, comme cette firme.

Depuis, la hausse des taux d’intérêt a fait exploser les coûts de financement des grands propriétaires commerciaux, et de nombreux employés de bureau sont restés en télétravail après la pandémie. Comme beaucoup de ses clients, Avison Young éprouve donc d’importantes difficultés financières.

La Caisse a accepté de réinjecter des fonds dans la firme sous forme de dette en 2023, d’une somme non divulguée à ce jour.

Rien n’y fit : Avison Young a omis de faire des paiements sur sa créance principale aux deux derniers trimestres de l’année. L’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a donc décoté la dette de l’entreprise.

Restructuration aux dépens de la Caisse

Le 12 mars, Avison Young est parvenue à se restructurer en émettant de nouvelles actions. S&P a donc rehaussé sa cote.

Mais la Caisse a passé son tour cette fois. Complètement diluées, ses parts de l’entreprise n’ont plus aucune valeur comptable.

Quant aux prêts que le bas de laine des Québécois a accordés à la firme en 2023, ils ont été reconvertis en mars. « Notre investissement en dette a fait partie de la restructuration pour nous laisser une petite participation en actions et en dette », explique Kate Monfette.

Dans le cadre du nouveau financement, Avison Young a émis pour 400,6 millions de dollars de nouvelles actions, mais 95 % de ces titres sont allés à des acheteurs américains, selon les documents financiers publics.

« Meilleure solution dans les circonstances »

« Nous avons collaboré dans la recherche d’une solution satisfaisante pour toutes les parties impliquées dans le but de soutenir un redressement de l’entreprise face aux conditions de marché difficiles, dit Kate Monfette. Nous croyons qu’ils sont allés de l’avant avec la meilleure solution dans les circonstances. »

La nouvelle structure de gouvernance n’inclut plus aucun représentant de la Caisse.

En discussion depuis 15 mois

Contacté par téléphone, le PDG d’Avison Young, Mark Rose, considère que la firme n’a pas réellement « fait défaut » sur sa dette. En fait, elle s’est entendue avec ses créanciers pour ne pas faire ces paiements.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Mark Rose, PDG d’Avison Young

« Nous avons consulté tous nos partenaires 15 mois à l’avance, y compris la Caisse, pour leur souligner que de grands propriétaires et des entreprises de services immobiliers étaient en difficulté, dit Mark Rose. Avec la hausse rapide des taux d’intérêt et le ralentissement dans le marché de la location, les revenus de nos clients baisseraient. »

Selon lui, Avison Young a fait tout ce qu’elle pouvait dans ce contexte, « dans l’intérêt des cotisants québécois et des actionnaires privés ».

Dans son dernier commentaire sur l’entreprise en mars, l’agence de notation Standard & Poor’s souligne que la dette restructurée d’Avison Young vient avec un taux d’intérêt plus élevé.

Elle ajoute que l’entreprise, tout comme l’ensemble de l’industrie des bureaux, d’ailleurs, est loin d’être sortie de l’auberge.

Standard & Poor’s attribue une « perspective négative » à sa dette. « Nous nous attendons à des contraintes de liquidités pour l’entreprise pour les 12 prochains mois à cause des défis que présente le marché de l’immobilier commercial. »

En savoir plus
  • 19,4 %
    Taux d’inoccupation dans l’immobilier de bureaux à Montréal au 4trimestre de 2023, presque le double par rapport au printemps 2020
    Source : rapport trimestriel du marché des bureaux du Grand Montréal