(Ottawa) Les Canadiens sont de plus en plus inquiets des déficits qui s’accumulent à Ottawa, démontre un sondage publié à quelques jours du dépôt du budget par la ministre des Finances, Chrystia Freeland.

Pas moins de 59 % des Canadiens estiment que le gouvernement Trudeau dépense trop, selon ce sondage réalisé par la firme Angus Reid. Et une proportion légèrement plus importante de Canadiens (66 %) se dit aujourd’hui préoccupée par la taille des déficits, toujours selon ce coup de sonde mené auprès de 1602 personnes du 20 au 22 mars.

Seulement 18 % des personnes interrogées estiment que le gouvernement libéral dépense juste assez tandis que 8 % soutiennent qu’Ottawa doit délier davantage les cordons de sa bourse pour investir dans des secteurs comme la santé et la protection de l’environnement et 15 % disent ne pas avoir d’opinion.

Ce sondage a été réalisé avant même que le premier ministre Justin Trudeau et la ministre Chrystia Freeland commencent à sillonner le pays afin d’annoncer au compte-gouttes certaines des mesures importantes qui vont se retrouver dans le budget qui sera déposé mardi à la Chambre des communes.

Panoplie de mesures

Depuis une dizaine de jours, M. Trudeau et ses ministres les plus influents du cabinet ont dévoilé une panoplie de mesures touchant le logement (6,9 milliards), la défense (7,9 milliards), l’intelligence artificielle (2,4 milliards), les garderies (118 millions), la santé mentale (500 millions) et une aide financière pour un programme d’alimentation scolaire (1 milliard), entre autres. Ces annonces totalisent quelque 18,9 milliards de dollars jusqu’ici.

Dans son énoncé économique publié en novembre, la ministre Freeland prévoyait que le déficit s’établirait à 40 milliards de dollars durant l’exercice financier de 2023-2024 et à 38,4 milliards de dollars durant le présent exercice financier, qui a commencé le 1er avril.

Mais selon un récent rapport du directeur parlementaire du budget, la taille des déficits durant ces deux années devrait être plus élevée, à 46,8 milliards de dollars en 2023-2024 et à 40,8 milliards durant l’exercice financier en cours, à cause du ralentissement de l’économie et de l’effet de la hausse des taux d’intérêt de l’an dernier.

Les projections touchant les déficits au cours des cinq prochaines années seront scrutées à la loupe lorsque la ministre Freeland déposera son budget mardi.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement libéral n’a jamais présenté un budget équilibré. Sous la houlette des libéraux de Justin Trudeau, la dette accumulée a presque doublé en huit ans. Ce boulet financier est passé de quelque 628 milliards de dollars en 2014-2015 à quelque 1213 milliards en 2023-2024. Au plus fort de la pandémie de COVID-19, quand les gouvernements ont essentiellement mis de grands pans de l’économie canadienne sur pause, le déficit a atteint la somme record de 327,7 milliards de dollars.

Montée des conservateurs

Selon la présidente de la firme Angus Reid, Sachi Kurl, le Parti conservateur, qui promet de réduire les dépenses et de rétablir l’équilibre budgétaire s’il prend le pouvoir aux prochaines élections prévues en octobre 2025, profite de l’inquiétude des Canadiens au sujet de la gestion des finances publiques à Ottawa. Depuis un an, les sondages nationaux accordent une large avance aux troupes conservatrices de Pierre Poilievre sur les libéraux de Justin Trudeau.

« Cela indique que l’appétit pour les dépenses parmi les électeurs qui ont déjà appuyé le premier ministre Justin Trudeau dans le passé s’est dissipé considérablement dans un contexte post-COVID », a-t-elle fait valoir en analysant les résultats de ce sondage.

Interrogée jeudi au sujet de la taille du déficit dans le prochain budget, la ministre Freeland a soutenu que le gouvernement Trudeau continuera de gérer les finances publiques d’une manière prudente. Elle a aussi rappelé que le Canada est l’un des rares pays à détenir la cote AAA de la part des agences de notation.

À cet égard, la Banque Royale du Canada a lancé un sérieux avertissement dans une note publiée jeudi. Si Ottawa ne respecte pas ses cibles budgétaires, il pourrait y avoir de lourdes conséquences.

« Bien que le Canada affiche une excellente cote de risque souverain une semaine avant le dépôt du budget, les paramètres clés indiquent que sa situation budgétaire est l’une des plus vulnérables par rapport aux autres économies cotées AAA. Le Canada est donc plus exposé à une décote que les autres pays de la même catégorie », a affirmé Rachel Battaglia, économiste à la Banque Royale.