En annonçant la fin du Panier bleu, une société privée, le ministre Pierre Fitzgibbon a pris des marchands par surprise. Certains n’ont pas caché leur inquiétude de perdre des ventes si la place de marché, créée pour stimuler l’achat local, « ferme boutique ».

« Ça va faire baisser mon chiffre d’affaires. Ça ne va pas me faire fermer, mais c’est quand même un revenu qui ne sera plus là », indique Lorraine Tremblay, copropriétaire de Sac en vrac.

Son entreprise spécialisée dans la vente de sacs réutilisables, d’articles de table et de jardinage est présente sur Le Panier bleu depuis les débuts de la plateforme. Maintenant qu’elle est transactionnelle, Mme Tremblay et son associée Sylvie Huot y génèrent des ventes qui font « une différence » pour leur entreprise, fondée il y a cinq ans. Bien que Sac en vrac distribue ses produits dans une cinquantaine de points de vente, le site québécois lui permettait d’avoir une vitrine en ligne.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Bien que Sac en vrac distribue ses produits dans une cinquantaine de points de vente, le site québécois lui permettait d’avoir une vitrine en ligne.

La semaine dernière, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a semé l’émoi chez certains marchands en évoquant la possibilité que l’aventure du Panier bleu puisse bientôt prendre fin. Son sort risque d’être scellé dans les prochaines semaines.

« Effectivement, on peut se questionner sur Le Panier bleu, a reconnu M. Fitzgibbon sur les ondes d’ICI Première. Le Panier bleu a été un élément pour permettre aux commerces d’avoir une plateforme électronique. Amazon, pour moi, c’est une très bonne plateforme. Beaucoup de compagnies québécoises veulent être là. Peut-être qu’à la sortie de la pandémie, Le Panier bleu est moins important qu’il l’était. »

Or, pour certaines entreprises, la place de marché semble faire une différence. À Sherbrooke, l’épicerie fine spécialisée dans les produits du terroir de Danièle Lalonde a enregistré des ventes en ligne de 80 000 $ au cours de la dernière année grâce au Panier bleu. « C’est quand même considérable », souligne la propriétaire de Gourmande boutique. Avec la fin du Panier bleu, elle s’attend à une baisse de ses revenus.

Inquiète pour la suite des choses, Mme Lalonde souligne que pour bien des marchands québécois, une présence sur Le Panier bleu constituait un « complément intéressant » permettant « d’atteindre un chiffre d’affaires viable ».

De son propre aveu, Caroline Benoît, propriétaire de Garçon de table, entreprise spécialisée dans la personnalisation de verres, confie que si Le Panier bleu disparaît du web, elle n’a pas de « plan B » pour compenser les pertes de ventes. « En ligne, sans Le Panier bleu, c’est vraiment difficile, mentionne-t-elle. Mes ventes en ligne viennent presque toutes du Panier bleu. »

Si les entrepreneures interrogées admettent que le système n’était pas parfait, elles affirment que la plateforme s’est beaucoup améliorée au cours de la dernière année. Des formations et des suivis étaient offerts. Elles s’expliquent mal qu’on y ait investi des fonds et qu’au moment où Le Panier bleu devenait fonctionnel, on décide de tout arrêter.

Dans une déclaration officielle, les responsables des relations avec les médias de la plateforme ont indiqué « avoir pris connaissance de la déclaration du ministre ». « Nous sommes en discussion avec nos investisseurs et nous prendrons une décision à cet effet dans les prochaines semaines. »

Au moment d’écrire ces lignes, aucun marchand n’avait été contacté. « Je ne connais pas la vraie raison qui les incite à vouloir le fermer, souligne Caroline Benoît. J’ai comme l’impression qu’on ne dit pas les vraies affaires. C’est sûr que j’aimerais ça être rassurée et comprendre les enjeux. »

La certification n’est pas une panacée

Par ailleurs, il y a une semaine, l’organisme Les Produits du Québec annonçait une entente avec Amazon. Ainsi, le géant des ventes en ligne identifiera dorénavant les produits d’ici qui ont reçu la certification de l’organisme, permettant ainsi aux consommateurs de repérer facilement les articles québécois.

Or, obtenir la fameuse certification a des allures de parcours du combattant pour bon nombre de petites entreprises. « J’ai eu deux rencontres avec Les Produits du Québec. Ça m’a complètement découragée, raconte Lorraine Tremblay. Ça m’aurait demandé un travail énorme. Pour chaque produit, il faut faire une fiche descriptive pour prouver que c’est vraiment produit au Québec. Il faut fournir des photos, prouver l’origine du tissu… Honnêtement, je n’ai pas les ressources et le temps pour faire ça, même si mes produits sont conçus et confectionnés au Québec. »

« J’ai été complètement estomaquée d’entendre M. Fitzgibbon faire l’apologie d’Amazon, lance sans détour Danièle Lalonde. Les produits du Québec seront perdus dans un océan sur Amazon. Les gens qui viennent magasiner sur Le Panier bleu parce qu’ils veulent encourager des marchands locaux ne sont pas nécessairement ceux qui vont sur Amazon. »

La copropriétaire de Sac en vrac partage cet avis. « Le prix de confection des produits faits au Québec n’est pas le même. Moi, je mise sur la qualité et la durabilité. Mes produits ne sont pas ‟pas chers", dit-elle. Ils ne correspondent pas nécessairement au public d’Amazon qui veut trouver des deals ou des produits pas chers. »