Un centre de recherche et développement dans la région de Montréal, un élargissement de contrat chez L3Harris à Mirabel et de nouveaux simulateurs pour CAE… Boeing met quelques cartes sur la table pour montrer comment elle générera des retombées économiques au pays après avoir été retenue pour remplacer les Aurora CP-140 vieillissants de l’Aviation royale canadienne (ARC).

« Il y a déjà de belles occasions pour nous, souligne Richard Foster, vice-président de L3Harris Canada, qui compte quelque 1200 employés à Mirabel. Nous avons obtenu une augmentation du volume [de travail] pour l’entretien du Chinook [un hélicoptère militaire construit par Boeing]. »

Dans l’immédiat, cela permettra à l’entreprise d’ajouter quelque 20 employés à son effectif. Elle pourra probablement en embaucher une trentaine d’autres à moyen terme en raison du travail supplémentaire de maintenance qui sera effectué par L3Harris sur le Chinook.

Il s’agit de l’un des 16 exemples offerts par la multinationale américaine, qui devra générer, au Canada, des retombées économiques équivalentes à la portion du contrat entourant la construction des Poseidon. Un suivi des engagements doit en principe être effectué par les fonctionnaires fédéraux.

Exemples de retombées prévues au Québec

  • Centre de développement dans la région montréalaise
  • Développement d’un taxi aérien dans le centre d’ingénierie de Wisk (propriété de Boeing) à Montréal
  • Élargissement des relations d’affaires avec L3Harris à Mirabel
  • Collaboration avec Héroux-Devtek
  • Contrats d’exportation des services de formation de CAE
  • Partenariats avec l’Université McGill

« Nous sommes prêts à aller de l’avant dès 2024 avec les investissements indiqués dans la liste, affirme en entrevue Jeff Hurst, directeur des partenariats internationaux de Boeing au Canada. Nous avons déjà établi le plan. Il pourra aller de l’avant dès la signature du contrat. »

Plusieurs détails restent cependant à finaliser. Par exemple, il n’a pas été possible, jeudi, d’avoir une idée de l’empreinte du centre qui doit voir le jour à Montréal ainsi que le nombre de personnes qui y travailleront.

Dossier politique

Comme La Presse l’avait révélé, le gouvernement Trudeau a confirmé, jeudi, qu’il achèterait jusqu’à 16 exemplaires du Poseidon P-8A de Boeing – 14 commandes fermes et 2 options – construits aux États-Unis. L’entente est évaluée à 10,4 milliards, dont 5,4 milliards pour l’acquisition des aéronefs. Il n’y a pas eu d’appel d’offres malgré les appels répétés de Bombardier et de son partenaire, l’antenne canadienne de General Dynamics.

Ce dossier avait pris une tournure politique en raison de la mobilisation de plusieurs acteurs de l’industrie aérospatiale canadienne. Appuyées par Québec et l’Ontario, les deux entreprises demandaient la chance de pouvoir rivaliser avec Boeing.

Bombardier souhaitait offrir une version militarisée de son jet privé Global 6500, qui est assemblé dans la région de Toronto. Contrairement au Poseidon de Boeing, l’avion proposé par la multinationale québécoise n’est qu’un prototype à l’heure actuelle. Cela a visiblement joué contre l’entreprise, qui mise grandement sur le secteur de la défense dans le cadre de son redressement.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne

« Il y a présentement un appareil disponible, en service et en production [le Poseidon] et de l’autre côté, vous avez un concept », a lancé en conférence de presse le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, en faisant référence à l’option de Bombardier.

En désaccord avec le gouvernement Trudeau, l’avionneur québécois estime plutôt que sa solution « aurait été un tournant pour l’économie canadienne ». Dans une déclaration, jeudi, la multinationale québécoise affirme qu’Ottawa aurait pu miser sur une plateforme locale destinée à devenir « un modèle » pour d’autres pays qui auront à un moment donné à remplacer leurs flottes d’appareils de surveillance.

Lisez « Un obstacle à l’international pour Bombardier »

À venir

Dans le cadre des conditions qu’elle doit remplir, Boeing devra également intégrer des fournisseurs canadiens dans sa chaîne d’approvisionnement, donc sur d’autres programmes. Ces ententes n’ont pas encore été conclues. Établie à Longueuil, Héroux-Devtek, qui génère près de 20 % de ses revenus annuels auprès du géant américain, estime qu’il s’agit d’une bonne nouvelle.

« Les retombées ne seront pas uniquement sur le P8, souligne son président et chef de la direction, Martin Brassard. On ne regarde pas les 14 avions qui seront achetés par le Canada, mais les autres programmes de la compagnie. C’est un gros donneur d’ouvrage. »

Spécialisée dans la formation de pilotes et la construction de simulateurs de vol, CAE a déjà obtenu l’assurance qu’elle devrait livrer des simulateurs à l’ARC en plus d’entraîner ses pilotes lorsque les P-8A seront livrés. Reste à voir combien de simulateurs seront construits.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’Aviation royale canadienne doit remplacer ses CP-140 Aurora.

« Le Canada doit décider où seront situés ses centres de formation, précise France Hébert, vice-présidente, défense et sécurité, Canada, chez CAE. Nous avons aussi d’autres ententes avec Boeing pour d’autres occasions d’affaires. Cela dépendra de ce que notre client veut pour la suite des choses. »

En service depuis 1980 au Canada, les CP-140 Aurora devaient initialement être mis au rancart à compter de 2030. Plusieurs centaines de millions ont été mis sur la table pour prolonger la durée de vie de la flotte, mais cet échéancier a visiblement changé. Le premier exemplaire du P-8A devrait être livré en 2026 et l’ARC devrait avoir reçu tous les appareils l’année suivante.

Le Poseidon P-8A de Boeing

Équipage : jusqu’à huit personnes

Charge utile : cinq torpilles anti-sous-marines et quatre missiles anti-navires

Distance franchissable : 7240 kilomètres

Exploitants : neuf pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie

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  • 163
    Nombre de Poseidon P-8A livrés par Boeing à ce jour
    source : BOEING