Un Vendredi fou devancé. Alors que parents, grands-parents et enfants ont été nombreux à déambuler dans les magasins mardi, premier jour de fermeture des écoles en raison de la grève, certains détaillants ont jonglé avec les horaires de leurs employés qui doivent eux-mêmes s’absenter pour s’occuper de leur marmaille, et ce, à quelques jours de la période la plus achalandée de l’année.

« Ce n’est pas normal de le laisser manger de la crème glacée à cette heure-là », lance en riant Elisabeth McGunnigle, attablée avec un café à la foire alimentaire du Carrefour Laval en compagnie de son petit-fils, William. Même l’arrière-grand-maman, Ivy McGunnigle, était de la partie en cette journée où plusieurs avaient jeté leur dévolu sur les magasins pour tuer le temps.

L’ambiance des Fêtes, avec la musique, les décorations et la présence du père Noël, se faisait déjà sentir en ce début de semaine anormalement occupé dans le centre commercial qui donnait l’impression que le Vendredi fou avait été devancé. « C’est rare qu’on vient ici », reconnaît Marie-Eve Landry. En compagnie de son fils Léonard, elle a profité de cette journée de congé forcé pour faire des emplettes.

Et à quelques jours du Vendredi fou, qui marque la période de l’année la plus occupée pour les détaillants, certains ont dû se résoudre à jongler avec les horaires de leurs employés restés à la maison avec leurs enfants.

Si plusieurs disent « s’accommoder » de la situation pour le moment, ils appréhendent certaines complications si le conflit perdure.

Du côté du Groupe Nero Bianco (Club Chaussures, Nero Bianco, Panda), le président Jean-François Transon admet que normalement, à quelques jours du fameux Vendredi fou, il a l’habitude d’avoir plus d’employés sur le plancher. Or, cette semaine, il ne peut compter sur ce surplus et doit revoir ses horaires.

Chez Mode Choc, qui compte 11 magasins au Québec, c’est davantage la situation au siège social qui préoccupe la copropriétaire, Jessika Roussy. « Nous avons beaucoup de jeunes mamans, donc c’est plus complexe pour elles en ce moment et ça pourrait avoir plus d’impact à long terme, affirme-t-elle. Dans nos magasins, il n’y a pas d’impacts sur nos heures d’ouverture parce qu’on a quand même des employés plus âgés également dans nos équipes, donc ce ne sont pas tous de jeunes parents. Par contre, si ça venait à durer plus longtemps, il pourrait y avoir des conséquences sur les opérations. »

  • Margaux et Albert étaient bien heureux de profiter de ce congé forcé pour aller au cinéma.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Margaux et Albert étaient bien heureux de profiter de ce congé forcé pour aller au cinéma.

  • Camille a entraîné ses grands-parents Louise Lemire et Yves Brossard au cinéma.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Camille a entraîné ses grands-parents Louise Lemire et Yves Brossard au cinéma.

  • Moment privilégié pour William, qui a eu droit à sa crème glacée, avec sa grand-mère Elisabeth McGunnigle et son arrière-grand-mère Ivy McGunnigle au Carrefour Laval.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Moment privilégié pour William, qui a eu droit à sa crème glacée, avec sa grand-mère Elisabeth McGunnigle et son arrière-grand-mère Ivy McGunnigle au Carrefour Laval.

  • Anne-Sophie et Lea Maria sont venues casser la croûte avec leur père au Carrefour Laval.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Anne-Sophie et Lea Maria sont venues casser la croûte avec leur père au Carrefour Laval.

  • Le jeune Étienne est arrivé parmi les premiers au cinéma Guzzo du Marché Central.

    PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

    Le jeune Étienne est arrivé parmi les premiers au cinéma Guzzo du Marché Central.

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Pat Patrouille à la rescousse

À l’instar des magasins, les salles de cinéma ont elles aussi été prises d’assaut par de jeunes clients. Pour l’occasion, les Cinémas Guzzo ont annoncé être exceptionnellement ouverts à partir de 10 h 30, les 21, 22 et 23 novembre. À la succursale du Marché Central, mardi, ils étaient déjà plusieurs à se présenter à 10 h à un guichet encore fermé. Alors que plusieurs grands-parents étaient de « service », Pat Patrouille, Les Trolls ou Le royaume des elfes, trois films à l’affiche, venaient à la rescousse pour occuper les petits.

Après les avoir gardés pour la nuit, Johanne Dubé, grand-mère de William et d’Anabelle, venait voir Les Trolls 3 : Nouvelle Tournée. « Il va s’ennuyer de l’école », dit-elle en pointant le jeune garçon âgé de 10 ans. Ceux-ci ont bien failli ne pas pouvoir passer du temps avec leur grand-mère cette semaine puisque Mme Dubé vient à peine de prendre sa retraite comme employée de soutien dans une école. Si la grève avait été déclenchée quelques mois plus tôt, elle serait elle aussi allée dans la rue avec ses collègues.

Dans les autres entreprises

Par ailleurs, d’autres industries où le télétravail est impossible jonglent également avec la situation. Un coup de main des proches, les banques de vacances et des congés pour des raisons familiales et personnelles : c’est de cette façon que beaucoup de salariés d’entreprises manufacturières – qui ne peuvent faire de télétravail – s’adaptaient à ce débrayage de trois jours.

Pour bon nombre d’entreprises, on semblait avoir évité le pire… pour l’instant. « Je m’attendais à un impact plus grand », explique Serge Leblanc, président du distributeur de matériel électrique Lumen. « Mais c’est peut-être le calme avant la tempête. Tout le monde semble avoir été en mesure de s’organiser pour trois jours, mais le volet illimité de la grève, ça pourrait être plus compliqué. »

Lumen, qui se spécialise également dans la coupe de câbles, compte plus de 400 employés à Laval, où se trouvent son siège social et son entrepôt. La société qui appartient au Groupe Sonepar exploite aussi un réseau de 40 succursales.

M. Leblanc l’admet : vendredi, lorsque la grève générale illimitée de la Fédération autonome de l’enseignement doit débuter, il ne « sait pas comment ça va se passer ». Mardi, le gestionnaire n’avait pas encore de plan défini pour tenter d’atténuer les impacts d’un débrayage prolongé au sein de son effectif.

On connaît le début [de la grève illimitée], mais pas la fin. C’est un environnement un peu incertain. Il faut attendre des nouvelles.

Serge Leblanc, président de Lumen

À Saint-Anaclet-de-Lessard, dans le Bas-Saint-Laurent, au fabricant d’armoires de cuisine et de salle de bains Miralis, moins de 5 % des quelque 150 « équipiers » de la portion manufacturière de l’endroit ont pris congé à cause de la grève, affirme Valérie Brière, directrice de la marque et des communications.

Puisque les syndicats du réseau de l’éducation avaient annoncé leurs couleurs à l’avance, l’entreprise a eu le temps de sonder ses employés afin d’avoir une idée du plan à mettre en place. « La semaine dernière, nous avons martelé le même message de transparence en prenant soin de souligner que personne ne serait puni, dit Mme Brière. Nous voulions simplement savoir comment nous préparer. Tout le monde qui ne pouvait pas être au travail a pris soit des vacances, soit des congés payés. »

Chez Miralis, la convention collective prévoit des « journées familiales », des congés payés. Plusieurs salariés se sont tournés vers cette option. Cela offre une flexibilité à court terme. « Mais si cela [la grève] devait durer trois semaines, c’est autre chose, concède Mme Brière. Probablement que le taux d’absentéisme serait plus élevé. »