Si les grèves dans le secteur de l’éducation sont des casse-tête pour les parents et leurs employeurs, elles peuvent être bénéfiques pour les organisations qui sauront s’adapter, estiment trois experts de HEC Montréal.

En premier lieu, « c’est peut-être l’occasion de capter les meilleures pratiques », dit Kevin Johnson, professeur au département de management de HEC Montréal et expert en transformation organisationnelle. « Les gens vont s’ajuster de façon naturelle. Pourquoi ne pas saisir les occasions d’identifier ce qui est fait et qui est intéressant ? »

Une telle crise force les équipes à s’entraider, note-t-il. « Il y a vraiment là une occasion de remettre de l’avant les enjeux de télétravail et de mobilité du travail. On revient sur des enjeux comme la nécessité de trouver un équilibre entre la vie des employés et le fait d’être capable de faire son job, de demeurer productif et disponible. »

Chercher l’équité

Pour son collègue Olivier Doucet, professeur au département de gestion des ressources humaines, c’est l’occasion ou jamais pour les entreprises de prouver leur flexibilité. « Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, pour la rétention des employés, ça envoie un signal fort que l’entreprise s’occupe des besoins de ses employés, explique-t-il. Il y a des organisations qui sont plus à l’écoute que d’autres. Si c’est une valeur importante pour vous, ça peut devenir un facteur attractif important. »

Il note que les organisations ont eu pratiquement trois années de pandémie pour gérer une telle situation. « Il y a quasiment un copier-coller à faire de la pandémie. » Le professeur croit cependant qu’il faudra prendre le temps, après les grèves, de réfléchir à un enjeu plus global qui a été peu évoqué, « de prendre un peu de recul » sur l’équité.

« Comment gérer l’équité entre les gens qui peuvent télétravailler et ceux qui doivent être à 100 % au bureau ou à l’usine ? […] On accorde un grand bénéfice aux gens qui peuvent télétravailler, qui économisent entre 60 et 90 minutes par jour. Est-ce qu’il faudrait donner l’équivalent en heures aux autres ? Les organisations sont au tout début de leur réflexion à ce sujet. »

Moteur d’innovation

Pierre Lainey, maître d’enseignement au département de management, voit dans ces grèves des effets qui dépassent les entreprises. « Un des éléments positifs, c’est de mettre en lumière les enjeux que vivent les gens dans le domaine de l’éducation. Quand on a un problème qui est clairement formulé, c’est le début de la solution. C’est un effet positif même si on est dans une dynamique d’adversité. »

PHOTO FOURNIE PAR HEC MONTRÉAL

Pierre Lainey, maître d’enseignement au département de management de HEC Montréal

Il se réjouit par ailleurs de voir le sentiment de solidarité qui anime les grévistes, qui comptent par ailleurs sur l’appui d’une partie importante de la population. « Il y a des effets bénéfiques à certaines crises. On ferme les écoles, on réduit les services dans le réseau de la santé et ça engendre de l’innovation, on n’a pas le choix. Les solutions d’hier ne fonctionnent plus. »

Il y voit même, en cette ère de désinformation et d’affaiblissement des institutions, « une forme de renforcement des valeurs démocratiques ».

« Je pense que ça met en lumière à quel point on est chanceux de vivre ici au Québec, d’avoir la possibilité de s’exprimer publiquement sur ce qui ne va pas, de le faire de façon très ouverte. »