Avec le remplacement des énergies fossiles par l’électricité, la gestion de la pointe au Québec deviendra de plus en plus complexe. Ce sont les consommateurs, et non Hydro-Québec, qui devraient avoir la responsabilité de leur demande de pointe, selon une étude de l’Institut de l’énergie Trottier.

Toutes les nouvelles constructions et donc tous les nouveaux clients d’Hydro-Québec devraient être obligés par la réglementation à gérer leur consommation d’électricité en période de pointe hivernale avec les moyens et les technologies qu’ils jugent les mieux adaptés à leurs besoins, proposent les chercheurs Éloïse Edom, Louis Beaumier et Normand Mousseau.

« Notre intention est de lancer la réflexion », expliquent Normand Mousseau et Éloïse Edom lors d’un entretien avec La Presse. Éventuellement, cette réflexion pourrait permettre de développer une industrie de solutions pour la gestion de la demande de pointe, estiment-ils.

Avec l’électrification, la pointe hivernale que connaît le Québec deviendra la norme au Canada et dans le nord des États-Unis. « Si New York décarbone le chauffage, Hydro-Québec ne pourra plus se tourner vers ce marché pour acheter de l’électricité en hiver », illustre Normand Mousseau.

L’achat d’électricité aux réseaux voisins, qui ont actuellement moins de besoins à combler l’hiver, est un des outils utilisés par Hydro-Québec pour gérer la pointe hivernale. Les autres sont la tarification dynamique (comme Hilo et le crédit hivernal), les ententes d’énergie interruptible avec l’industrie et le recours à une centrale de pointe au gaz naturel.

Ces outils, en plus d’être coûteux, sont déjà insuffisants, posent les chercheurs de l’Institut Trottier. Hydro-Québec s’est entendue avec Énergir pour maintenir le chauffage au gaz naturel afin de satisfaire à la demande de pointe, ce qui est incompatible avec les engagements climatiques du Québec.

« Hydro-Québec est une entrave à la décarbonation », résume Normand Mousseau.

L’étude de l’Institut Trottier propose donc d’arrêter le plus rapidement possible d’empirer la situation, en réglementant les nouveaux bâtiments afin de limiter leur contribution à la pointe de demande d’électricité.

L’isolation des bâtiments, les systèmes de stockage, la géothermie ou les microréseaux sont des exemples de solutions qui peuvent être imposées par la réglementation à tous les nouveaux clients d’Hydro-Québec, illustrent les chercheurs, qui, dans une prochaine étape, veulent préciser les coûts de ce virage et la façon de les répartir entre les constructeurs, les consommateurs, l’ensemble de la clientèle d’Hydro-Québec et les gouvernements.

« On n’a pas encore toutes les réponses », reconnaît Normand Mousseau.

Plafonner la consommation

Un autre groupe de chercheurs, ceux de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, proposent aussi de transférer une partie des responsabilités d’approvisionnement d’Hydro-Québec vers les consommateurs d’électricité.

Ils avancent l’idée de limiter la consommation à 8000 kilowattheures par habitant et par année, ou 25 000 kilowattheures annuellement pour une maison unifamiliale pour répondre aux besoins essentiels. « Si une consommation supplémentaire était souhaitée, elle devrait être entièrement prise en charge par les consommateurs eux-mêmes », propose la Chaire dans un mémoire soumis au ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon.

Les chercheurs Pierre-Olivier Pineau, Johanne Whitmore et Sylvain Audette estiment aussi que les consommateurs industriels devraient pouvoir s’approvisionner en électricité auprès d’autres producteurs, pour ne pas faire porter le poids de la croissance de la demande industrielle à l’ensemble des clients d’Hydro-Québec.

« Si de nouvelles industries cherchent à s’installer au Québec et à consommer de l’électricité, elles devraient pouvoir le faire en négociant des contrats d’approvisionnement avec les producteurs intéressés à fournir de l’électricité à un prix librement établi entre les parties », proposent-ils.

En savoir plus
  • De 50 à 100 heures
    C’est la période annuelle pendant laquelle le réseau d’Hydro-Québec est le plus fortement sollicité, en hiver.
    Source : Hydro-Québec