Le blocage de la Voie maritime du Saint-Laurent fait taper du pied aux États-Unis, où des ports de la portion américaine des Grands Lacs critiquent vivement le gouvernement Trudeau pour sa lenteur à ramener l’employeur et Unifor à la table des négociations. Washington ajoute son grain de sel et « demande une résolution rapide » du conflit.

« Il y a énormément de frustration, affirme Steve Fisher, directeur de l’American Great Lakes Ports Association, en entrevue téléphonique. Nous sommes indignés que cette grève ait commencé samedi dernier à minuit et que personne ne se soit encore réuni. »

Celui qui représente 16 ports situés en bordure des Grands Lacs, comme ceux de Chicago, Cleveland, Detroit, Green Bay et Milwaukee, se montre très critique à l’endroit d’Ottawa. Plus de 100 navires ne peuvent accéder à la voie maritime, selon le regroupement américain.

Au quatrième jour de la grève qui paralyse le corridor reliant le bas du fleuve Saint-Laurent aux Grands Lacs, M. Fisher disait mercredi ne pas comprendre pourquoi il faudrait patienter jusqu’à vendredi avant de voir reprendre les négociations. Unifor, qui représente quelque 360 salariés de la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent (CGVMSL), et l’employeur se retrouveront alors en compagnie d’un médiateur fédéral.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Les quelque 360 travailleurs de la Corporation de gestion de la voie maritime du Saint-Laurent sont en grève depuis la nuit de samedi à dimanche.

Le gouvernement canadien doit résoudre ce conflit. Non pas en prenant parti, mais en réunissant [les parties] et en faisant pression sur elles pour qu’elles parviennent à un accord. Des millions de dollars sont perdus chaque jour.

Steve Fisher, directeur de l’American Great Lakes Ports Association

En raison du débrayage, 13 des 15 écluses que l’on retrouve entre Montréal et le lac Érié sont paralysées. Même s’il se déroule au Canada, ce conflit de travail a des répercussions au sud de la frontière, puisque les vraquiers et laquiers ne peuvent emprunter ce corridor afin d’accéder aux Grands Lacs. Des superviseurs, des ingénieurs ainsi que des spécialistes de l’entretien et des employés de bureau débrayent.

Le salaire horaire de l’ensemble des syndiqués est d’environ 30 $ l’heure. La rémunération est au cœur de l’impasse. Selon la partie syndicale, l’augmentation proposée par la Corporation est inférieure à 9 % sur trois ans.

Compte à rebours

À environ deux mois de la fermeture de la Voie maritime, les cargaisons de céréales, métaux, sel de déglaçage et autres marchandises ne peuvent plus circuler. Cette période de l’année est particulièrement occupée puisqu’elle coïncide avec la saison des récoltes. D’importantes cargaisons sont par exemple acheminées à des endroits comme le port de Québec avant d’être exportées.

Interrogé à Ottawa sur le débrayage, le ministre fédéral du Travail, Seamus O’Regan, s’est montré prudent. Unifor et la CGVMSL se rencontreront vendredi parce qu’il s’agit du moment choisi par les deux parties, a-t-il affirmé.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Le réseau Grands Lacs–Voie maritime s’étend sur 3700 kilomètres.

« Je vais consulter mon équipe de médiation et suivre ses recommandations », a ajouté le ministre, dans les couloirs du parlement.

Le corridor maritime n’est pas uniquement important pour le Canada. Aux États-Unis, l’activité économique était chiffrée à 34 milliards l’an dernier, selon une étude réalisée par la firme Martin Associates plus tôt cette année.

Signe de l’impatience du côté américain, le président et chef de la direction du Port de Cleveland, William Friedman, a envoyé une lettre au secrétaire aux Transports des États-Unis, Pete Buttigieg, afin de lui demander de faire pression sur les politiciens canadiens. Son appel semble avoir été entendu. Pour la première fois depuis le début de la grève, M. Buttigieg est intervenu. Dans une déclaration envoyée par courriel à La Presse, l’élu américain a dit s’être entretenu avec le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez, sans offrir plus de détails.

« Le département demande une résolution rapide [du conflit] qui rétablira le service sur cette artère qui soutient des milliers de personnes aux États-Unis », souligne-t-on.

Le 20 octobre dernier, sur le réseau social X, M. Buttigieg avait indiqué que son équipe évaluait les conséquences potentielles d’une grève sur la Voie maritime. Invité à dire si le conflit de travail pouvait entacher la réputation du Canada auprès de son plus important partenaire commercial, M. O’Regan s’est limité à dire qu’il y avait des échanges avec Washington.

Selon une source diplomatique canadienne qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement, la paralysie de la Voie maritime en territoire canadien est le genre d’évènement qui risque de nuire à l’image du pays à court terme. Mais puisque le conflit finira par se régler, il ne devrait pas mener à une dégradation de la relation commerciale canado-américaine, estime-t-elle.

Lisez l’article « Le sel de déglaçage pourrait manquer »

L’histoire jusqu’ici :

18 octobre : Unifor signifie un préavis de grève à la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent.

22 octobre : Les quelque 360 syndiqués de la Corporation débrayent.

24 octobre : On annonce que les deux parties sont convoquées devant un médiateur.

27 octobre : Une séance de médiation doit avoir lieu à Toronto.

En savoir plus
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    Nombre de navires stationnés dans les environs du port de Montréal parce qu’ils n’ont pas accès à la Voie maritime du Saint-Laurent
    Source : Port de Montréal
    5
    Nombre de navires attendus, mais pas encore arrivés au port de Québec à cause de la grève
    Source : Port de Québec