La décision de la Chine de restreindre ses exportations de graphite pour des raisons de sécurité nationale arrive au meilleur moment possible pour Nouveau Monde Graphite.

L’entreprise québécoise mène actuellement des discussions avancées pour réunir le financement de 1,3 milliard de dollars nécessaire pour mettre en exploitation sa mine de graphite de Saint-Michel-des-Saints et l’usine de Bécancour qui transformera ce graphite en matériel d’anodes pour les batteries lithium-ion.

« C’est un game changer pour nous autres », affirme le président et fondateur de Nouveau Monde Graphite, Éric Desaulniers, lors d’un entretien avec La Presse.

Les investisseurs semblent du même avis. Le titre de NMG s’est envolé vendredi à la Bourse de croissance de Toronto, après l’annonce de la décision du gouvernement chinois. L’action est passée de 2,84 $ à 4,10 $, avant de finir la journée à 3,74 $, en hausse de 32 %.

Nouveau Monde Graphite prévoyait clôturer son financement au début de 2024 et commencer ses premières livraisons commerciales de matériel d’anodes en 2028. La pression sera forte pour devancer les livraisons.

« On peut se permettre d’être plus optimiste sur l’échéancier », a fait savoir Éric Desaulniers.

Les négociations en cours avec les investisseurs potentiels sont complexes, explique-t-il. Il n’y a pas de cours officiel en Amérique du Nord pour le graphite, dont le marché est dominé par la Chine. « On est en train de taper une trail », illustre le président.

Semer la pagaille

Nouveau Monde Graphite négocie avec ses clients potentiels des ententes de gré à gré pour sa production, dont le prix varie en fonction de la qualité du produit, de son empreinte environnementale et de la sécurité d’approvisionnement. Un accès limité au graphite chinois vient lui donner un as dans son jeu, selon M. Desaulniers.

Le japonais Panasonic Energy est un des clients qui négocie actuellement avec Nouveau Monde Graphite pour un contrat d’approvisionnement à long terme.

La Chine exigera à compter du 1er décembre que ses producteurs obtiennent un permis pour exporter du graphite, dont la demande est en forte augmentation dans le monde en raison de la multiplication des usines de batteries.

Le pays de Xi Jinping produit actuellement 65 % du graphite dans le monde et presque 100 % du graphite transformé en matériel d’anodes. Sa décision de limiter ses exportations aura pour effet de favoriser les producteurs chinois de batteries et de véhicules automobiles, mais elle vient semer la pagaille chez les principaux constructeurs de batteries et de véhicules électriques ailleurs dans le monde.

Les constructeurs des États-Unis, du Japon et de la Corée du Sud, dont l’approvisionnement en graphite vient presque entièrement de Chine, devront se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement.

C’est d’ailleurs la volonté de réduire cette dépendance envers la Chine qui a fait naître des projets comme celui de Nouveau Monde Graphite. « Tout le monde prévoyait que cette décision de la Chine allait arriver un jour, mais pas aussi rapidement et pas aussi agressivement », estime Éric Desaulniers.

Le gouvernement chinois a déjà restreint les exportations de deux minéraux critiques, le gallium et le germanium, qui entrent dans la fabrication de semiconducteurs, pour répondre aux restrictions imposées par les États-Unis à la vente de semiconducteurs en Chine.

D’autres projets réanimés

Les restrictions qui seront imposées le 1er décembre aux exportations de graphite chinois donneront aussi une nouvelle impulsion aux projets de mines et d’usines ailleurs dans le monde. Au Québec, Northern Graphite, une entreprise ontarienne qui exploite une mine en fin de vie à Lac-des-Îles, songe à prolonger ses activités et a annoncé un projet d’usine de matériel d’anodes qui serait construite à Baie-Comeau.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Complexe de Nouveau Monde Graphite à Saint-Michel-des-Saints

Selon le président de Nouveau Monde Graphite, la demande risque de surpasser de beaucoup l’offre de graphite au cours des prochaines années. « La seule usine de Northvolt [qui sera construite au Québec] aura besoin d’une fois et demie ce qu’on prévoyait produire dans la première phase de notre projet, estime-t-il. Il faut monter notre ambition. »

Nouveau Monde Graphite estime avoir les gisements de graphite les plus intéressants à mettre en valeur en Amérique du Nord et les projets de transformation les plus avancés. En plus de celui de Saint-Michel-des-Saints, l’entreprise a une participation dans le projet de mine de graphite de Mason Graphite au lac Guéret, à 285 km de Baie-Comeau.

Nouveau Monde Graphite ambitionne d’électrifier ses activités, tant à la mine qu’à son usine de Bécancour. L’entreprise a obtenu du gouvernement du Québec l’assurance d’un approvisionnement en électricité à un tarif réduit de 20 % par rapport au tarif industriel régulier d’Hydro-Québec.