Employeurs et syndicats sont campés aux antipodes sur les questions de mobilité des travailleurs de la construction, de polyvalence des métiers et de formation, dans le cadre des consultations que mène actuellement le ministre du Travail, Jean Boulet.

Le ministre doit présenter sa réforme de l’industrie de la construction cet automne et, dans ce contexte, il mène actuellement une consultation des acteurs du milieu.

Les uns réclament plus de polyvalence de la part des travailleurs, plus de mobilité interrégionale et une formation qui peut être écourtée dans certains cas, alors que les autres s’y opposent, pour des raisons de qualité des travaux, de compétence des travailleurs, de santé et sécurité et de la possibilité pour les travailleurs de la construction de travailler dans leur région respective.

En entrevue lundi, le président de la CSD-Construction, Carl Dufour, qui représente 25 000 travailleurs dans l’industrie, a soutenu que relâcher les règles qui encadrent actuellement la mobilité des travailleurs de la construction entre les régions risque de « tuer les régions ».

À l’heure actuelle, certaines règles font qu’un entrepreneur qui décroche un contrat dans une autre région que la sienne peut emmener avec lui certains de ses travailleurs habituels, mais il doit aussi employer un certain nombre de travailleurs qui résident dans cette région.

« On va aller jouer dans la mobilité de la main-d’œuvre pour aller tuer les régions ? On a vraiment de la misère avec ça. Les régions sont importantes pour nous, comme toutes les places du Québec. Mais là, si on veut jouer dans la mobilité… On avait des règles là-dedans qui étaient quand même très faciles à respecter. Mais ça a l’air qu’on veut ouvrir encore plus la porte pour aller jouer partout. On a peur qu’on tue les régions », a lancé M. Dufour.

Mais pour Francis Montmigny, conseiller au service des relations de travail à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), il faut faciliter la mobilité interrégionale des travailleurs « pour libérer et construire mieux, construire plus vite et de façon plus durable ».

Du côté syndical, M. Dufour reproche également à Québec de vouloir réduire le nombre d’heures de formation pour quelques métiers, dont ceux de charpentier-menuisier, ferblantier, conducteur d’engin de chantier et en réfrigération.

Cela pourrait poser des problèmes de qualité de la formation, en plus de poser des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et du public, déplore M. Dufour.

M. Montmigny, à l’APCHQ, croit qu’« on est capable d’amalgamer des formations peut-être réduites dans certains métiers non à risque, d’où l’idée de travailler avec des métiers de finition », comme peintre, carreleur, poseur de revêtements souples, plâtrier ou charpentier-menuisier, argue-t-il.

« C’est vraiment prioritaire pour nous d’avoir un partage de tâches au niveau des tâches de finition », insiste M. Montmigny, qui s’exprime pour le secteur résidentiel.

Alors que la FTQ-Construction, qui représente 90 000 travailleurs de l’industrie, a décidé la semaine dernière de se retirer de ces consultations, reprochant au ministre de « faire cavalier seul » et de ne pas écouter les représentants des travailleurs, la CSD-Construction a choisi de continuer à y participer.

« On est pour le dialogue social ; on n’aime pas la chaise vide », a justifié M. Dufour. Mais les deux organisations syndicales de l’industrie ont les mêmes récriminations à l’endroit de la réforme.

M. Dufour reproche aussi au ministre du Travail de suivre « une commande du premier ministre qui n’est pas capable de faire ses promesses électorales », en planifiant mieux les travaux dans les écoles, les logements, les hôpitaux, les maisons des aînés, les routes.

« Comme donneur d’ouvrage, il donne tout en même temps. Et là, il manque de monde et il essaie de régler ça sur le dos des travailleurs », dénonce M. Dufour.