Québec et Ottawa ne se contentent pas de financer Northvolt à hauteur de 2,7 milliards pour construire sa méga-usine sur la Rive-Sud de Montréal. Ils acceptent de subventionner à hauteur de 4,6 milliards l’éventuelle production du complexe — un mécanisme très répandu aux États-Unis.

Cette facette de l’entente, qui constitue une réponse directe à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain, s’est ajoutée, jeudi, aux détails qui avaient été préalablement révélés par La Presse. Les détails du montage financier ont été présentés dans le cadre d’une conférence de presse à laquelle participaient notamment les premiers ministres François Legault (Québec) et Justin Trudeau (Canada) et le cofondateur de Northvolt, Paolo Cerruti.

Pour l’État québécois, qui épongerait le tiers de la facture des subventions, cela ferait passer à environ 3 milliards l’aide offerte à Northvolt pour son projet estimé à 7 milliards. Le gouvernement Legault consent également 1,37 milliard en prêts et prise de participation dans la jeune pousse suédoise.

Pour tenter de calmer le jeu, les deux ordres de gouvernement affirment que les subventions à la production sont conditionnelles.

« Le soutien opérationnel ne sera fourni que tant que les incitatifs prévus dans l’IRA des États-Unis resteront en vigueur », précise le communiqué conjoint des gouvernements Legault et Trudeau.

Estimé à 7 milliards, le projet de Northvolt est présenté comme le plus important investissement privé de l’histoire du Québec. On y fabriquera notamment des cellules de batteries lithium-ion, dernière étape avant l’assemblage. Le gouvernement Legault tentait toujours d’attirer une compagnie de ce créneau au Québec afin de compléter l’écosystème de la fabrication des batteries.

Selon nos informations, la Californie tentait également de convaincre l’entreprise établie à Stockholm de s’établir chez elle. L’IRA est une loi adoptée par l’administration Biden. Elle est dotée d’une enveloppe de 370 milliards US pour subventionner des projets visant à lutter contre les changements climatiques. Tout ce qui concerne la production de batteries pour véhicules électriques est admissible à de l’aide. Cela a visiblement contraint Québec et Ottawa à réagir.

Si les gouvernements mettent l’accent sur l’IRA, M. Cerruti, ne s’est pas avancé la générosité du programme américain. Cet ancien haut dirigeant de Tesla a plutôt évoqué « l’énergie renouvelable », l’accès aux « matières premières » ainsi qu’un bassin de talents de « calibre mondial ».

« La demande pour les batteries augmente constamment, tout comme le besoin pour des solutions de fabrication durable et circulaire », dit-il.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Les terrains qui accueillaient autrefois l’usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited (CIL). L’endroit chevauche les municipalités de McMasterville et Saint-Basile-le-Grand.

Le complexe de Northvolt, dont les détails ont déjà été éventés par La Presse, sera érigé sur les terrains qui accueillaient autrefois l’usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited (CIL). L’endroit chevauche les municipalités de McMasterville et Saint-Basile-le-Grand. On y fabriquera des cellules de batteries, des matériaux de cathodes — le pôle positif d’une batterie lithium-ion — en plus d’y faire du recyclage.

Plus 3000 personnes devraient pouvoir travailler dans cet endroit à terme. La première phase du projet devrait avoir une capacité de 30 gigawattheures, ce qui devrait permettre d’alimenter environ 500 000 véhicules électriques.

L’opposition réagit

Je pense que la CAQ sent le besoin d’être généreux envers les étrangers pour pouvoir stimuler une initiative, qui est la filière batterie. Est-ce que ça va porter des fruits ? On l’espère, quand même. Mais la réalité, c’est qu’on n’a pas de logements puis on n’a pas de bras. Ça fait que comment vont-ils réussir ? Moi, c’est les deux conditions essentielles […] avec l’énergie. On a besoin d’avoir ces trois éléments-là au rendez-vous pour que ça fonctionne. On souhaite que ça fonctionne.

Frédéric Beauchemin, porte-parole du Parti libéral en matière d’économie

Le seul qualificatif, c’est énorme. C’est gigantesque. Nous, ce qu’on veut, c’est que les Québécois en aient pour leur argent. C’est quoi la garantie que les Québécois vont en avoir pour leur argent ? On annonce des milliards, des milliards, des milliards. C’est de l’argent public. Ce n’est pas de l’argent de Monopoly. […] C’est quoi les garanties que cet argent-là il va être bien dépensé, qu’il va profiter aux gens du Québec, pas aux multinationales puis à leurs actionnaires ?

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

Pendant qu’on rêve à des entreprises qui vont construire davantage de voitures avec des batteries électriques, qu’en est-il de l’objectif de réduire nos gaz à effet de serre de 37,5 % d’ici 2030 ? Il y a un peu d’écoblanchiment aussi dans ce projet-là. On est évidemment pour la filière électrique, mais, à un moment donné, est-ce que c’est en produisant 175 térawattheures de plus d’électricité qu’on est vraiment dans la bonne direction pour atteindre nos objectifs, alors qu’on ne fait rien pour le bâtiment, on ne fait rien pour le transport lourd ?

Joël Arseneau, député du Parti québécois

Avec Fanny Lévesque, La Presse

Northvolt en bref

Année de fondation : 2015

Siège social : Stockholm

Produits : Matériaux de batteries, systèmes de stockage d’énergie et infrastructure de chargement

Effectif : Plus de 4000 personnes

Clients et partenaires : Volkswagen, BMW, Volvo, Polestar, Scania