Northvolt recevra près de 3 milliards de Québec et Ottawa pour s’implanter sur la Rive-Sud de Montréal, a appris La Presse. Le gouvernement Legault met le paquet pour convaincre le chaînon manquant de la filière des batteries et coiffer la Californie : l’État va devenir actionnaire d’une jeune pousse prometteuse, mais qui a encore des défis à relever.

Ce qu’il faut savoir

Northvolt confirmera un projet de 7 milliards sur la Rive-Sud.

Les gouvernements Legault et Trudeau offrent 3 milliards à l’entreprise suédoise.

Il s’agit du plus important investissement privé annoncé au Québec.

Québec est conscient de la tâche qui l’attend, ce jeudi, lorsque viendra le temps d’expliquer sa part de 1,37 milliard de ce montage financier « complexe ». Il comprendra des prêts-subventions et une prise de participation dans l’entreprise suédoise, qui hésitait entre la province et la côte ouest américaine. À cela s’ajoute un engagement de 1,34 milliard du gouvernement Trudeau.

Estimé à 7 milliards, le projet de Northvolt constituera le plus important investissement privé de l’histoire du Québec. On y fabriquera notamment des cellules de batteries lithium-ion, dernière étape avant l’assemblage. Outre l’aide financière, l’approvisionnement en énergie propre a fait pencher la balance en faveur du Québec, qui a doublé la Californie. Ensemble, les deux ordres de gouvernement fournissent près de 40 % des fonds nécessaires pour le chantier.

Une cellule de batterie, qu’est-ce que c’est ?

Une batterie lithium-ion que l’on retrouve dans une voiture est en quelque sorte un assemblage d’unités de batterie individuelles, les cellules. Elles sont branchées en série par un circuit électronique. Le nombre et la taille de chaque cellule permettent de déterminer la quantité d’électricité qu’une batterie pour véhicule électrique est en mesure de stocker.

De prime abord, Northvolt a tout pour plaire. Ses cofondateurs, Peter Mikael Carlsson et Paolo Cerruti, sont deux ex-protégés d’Elon Musk chez Tesla, où ils faisaient partie de la haute direction au début des années 2010. Ils ont contribué à l’essor de la multinationale américaine. Chez Northvolt, les deux hommes d’affaires ont bâti une entreprise valorisée à 12 milliards US moins d’une décennie après sa fondation.

« Peter et Paolo font partie de ces anciens hauts dirigeants de Tesla qui ont décidé de voler de leurs propres ailes dans l’industrie des batteries, explique Steve LeVine, de la publication The Electric, considérée comme une référence dans l’industrie. Ils ont cette sorte d’aura de Tesla. Ils sont à la fois visionnaires et courageux. »

De plus, des géants de l’automobile comme Volkswagen, BMW, Volvo et Scania figurent parmi les clients de Northvolt, qui a aussi convaincu des institutions comme BlackRock, Goldman Sachs et le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario d’investir dans ses activités. Cela lui a permis d’obtenir 9 milliards US grâce à de multiples tours de financement.

Des preuves à faire

La jeune pousse établie à Stockholm a néanmoins beaucoup de pain sur la planche avant de se hisser parmi les multinationales aux reins solides. Son défi : livrer la marchandise pour se tailler une place aux côtés de fabricants comme CATL et LG. Ses besoins financiers sont grands pour mener à terme simultanément plusieurs projets de construction. Il y a un risque d’exécution important.

PHOTO FOURNIE PAR NORTHVOLT

Intérieur du complexe de Northvolt dans le nord de la Suède

Par exemple, la première phase de sa première méga-usine, dans le nord de la Suède, est achevée, mais la production de cellules et de batteries n’a pas encore atteint sa pleine capacité. En Allemagne, terre d’accueil d’une autre usine de cellules de batteries, on en est encore au stade des travaux préparatoires.

À cela s’ajoute la percée nord-américaine qui sera confirmée ce jeudi.

Goulots d’étranglement à prévoir

« Ils n’ont pas encore fait la démonstration qu’ils peuvent produire à grande échelle, reconnaît M. LeVine. C’est difficile à faire. À ce stade-ci, c’est risqué pour eux et pour les investisseurs. C’est une belle prise pour le Québec parce que c’est une jeune pousse prometteuse. Mais on ne peut pas affirmer catégoriquement qu’elle va réussir. »

La plupart des entreprises en arrachent lorsqu’il faut appuyer sur l’accélérateur dans les usines. Les fournisseurs peinent souvent à suivre la cadence, ce qui crée des goulots d’étranglement dans la séquence de production. Chez Tesla, il y a quelques années, on avait qualifié l’épisode d’« enfer de production » lorsqu’on a tenté de produire davantage de Model 3.

C’est donc dans ce contexte que le gouvernement Legault s’associera à Northvolt.

L’État québécois ne se contentera pas de prêter de l’argent, comme il l’a fait avec Ford et General Motors pour leurs projets de matériaux de cathodes.

« Je pense que c’est légitime de poser des questions, et malheureusement, personne ne peut avoir la certitude que l’investissement dans Northvolt est 100 % sûr », affirme Robert Asselin, premier vice-président du Conseil canadien des affaires et ancien directeur du budget du ministre fédéral des Finances Bill Morneau.

Cette prise de risque pourrait néanmoins sourire à l’État québécois. Pour financer ses ambitions des deux côtés de l’Atlantique, Northvolt envisagerait une entrée en Bourse l’an prochain. Si ce scénario se concrétise et que les affaires vont bien, le titre de l’entreprise pourrait connaître une poussée dès son arrivée sur les marchés, ce qui jouerait en faveur de l’investissement de Québec.

De l’extraction minière au recyclage, le gouvernement Legault a annoncé, jusqu’à présent, des projets à chacune des étapes de la filière des batteries. Restait à dénicher un cellulier, un vide qui sera comblé avec Northvolt.

Seule à bord

M. LeVine note également une particularité du modèle de Northvolt : la construction de méga-usines par l’entreprise elle-même. La plupart du temps, les géants de l’automobile nouent un partenariat avec un spécialiste des batteries lorsque vient le temps d’aménager un nouveau complexe.

« Peter et Paolo ont décidé de se lancer dans le créneau des méga-usines, dit-il. Ça demande du cran. Même Tesla avait décidé de s’associer avec Panasonic pour commencer aux États-Unis.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La compagnie Northvolt, qui fabrique des cellules pour batteries de véhicules électriques, s’intéresse à un site situé à McMasterville. Le terrain convoité est celui de l’ancienne usine de produits chimiques CIL.

Au Québec, Northvolt s’implantera sur les terrains qui accueillaient autrefois l’usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited (CIL). Le site chevauche les municipalités de McMasterville et Saint-Basile-le-Grand. À terme, plus de 4000 personnes pourraient travailler dans ce complexe qui s’étendra sur une superficie équivalant à plus de 75 terrains de football.

Le projet de Northvolt table sur des unités de fabrication de cellules de batteries, de matériaux de cathodes ainsi que de recyclage. Après avoir atteint sa vitesse de croisière en matière de production, l’usine serait d’une capacité de 60 gigawattheures, ce qui permettrait d’alimenter annuellement 1 million de véhicules électriques.

Northvolt en bref 

Année de fondation : 2015

Siège social : Stockholm

Produits : matériaux de batteries, systèmes de stockage d’énergie et infrastructures de chargement

Nombre d’employés : plus de 4000

Projets en cours : Six (avec celui au Québec)

En savoir plus
  • 55 milliards US
    Valeur des ententes d’approvisionnement signées par Northvolt avec ses clients, selon l’entreprise
    Source : northvolt
    725
    Nombre de signataires d’une pétition s’opposant à l’arrivée de Northvolt sur la Rive-Sud de Montréal
    Source : Non à Northvolt à McMasterville/Saint-Basile