Bien des éléments doivent être évalués avant que l’on détermine la faisabilité du projet de corridor ferroviaire dans le nord du Québec pour accélérer les expéditions vers l’Europe, mais une chose est inévitable : la facture de 2 milliards évoquée dans le passé sera plus élevée. La raison d’être du projet va bien au-delà des coûts de construction, estime un expert.

Après avoir reçu la première phase de l’étude de faisabilité en juillet dernier, la Société ferroviaire Qc Rail doit maintenant rencontrer des investisseurs potentiels ainsi que les acteurs concernés par le tracé du chemin de fer, explique son président, Marcel Furlong, qui est également préfet de la MRC de Manicouagan.

« Le chiffre de 2 milliards, c’est certainement à réviser, convient-il, dans un entretien téléphonique avec La Presse. Tout le monde sait que dans des dossiers comme ceux-là, les coûts écopent à cause de l’inflation. On anticipe les mêmes contraintes. »

Ce sont les firmes SNC-Lavalin et Norda Stelo qui évaluent la faisabilité du tronçon de 370 kilomètres entre Dolbeau-Mistassini et le port en eau profonde de Baie-Comeau, qui serait ainsi raccordé au réseau ferroviaire nord-américain. Ce lien ferroviaire permettrait de désengorger le réseau du sud, et les exportateurs canadiens pourraient expédier plus rapidement leurs marchandises. La nouvelle voie ferrée permettrait d’atteindre le centre du Canada sur une distance totale de 2570 kilomètres.

Les économies de temps se comptent en journées, selon les promoteurs du projet. Les exportateurs auraient à leur disposition une option pour éviter le corridor Québec-Windsor, déjà très fréquenté.

Qc Rail n’a pas diffusé les détails de la phase préliminaire de l’étude de faisabilité. Interrogé, M. Furlong a dit que le document contenait « quelques surprises », mais qu’elles n’étaient pas « insurmontables ». Le tracé doit tenir compte de plusieurs aspects, notamment celui des aires protégées.

Dans le passé, des entreprises, comme la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et Cargill – qui exploite un terminal céréalier à Baie-Comeau – ont été évoquées comme partenaires potentiels. Au moment d’écrire ces lignes, il n’avait pas été possible d’obtenir des commentaires de leur part.

Expert en planification des transports à l’Université de Montréal, Pierre Barrieau n’est pas étonné de voir M. Furlong évoquer une facture plus élevée.

« L’estimation initiale devait être établie sur un calcul kilométrique, dit-il. On a maintenant quelque chose de plus complet, détaillé. C’est comme rénover une maison : c’est quand on ouvre les murs que l’on a une idée de ce que cela va nous coûter. »

Plus que de l’argent

M. Barrieau est catégorique : la question financière ne devrait pas être un frein à une évaluation sérieuse du projet.

« Même s’il coûte trois ou quatre milliards, ça sera moins cher que toutes les améliorations à apporter afin d’augmenter la capacité ferroviaire dans le Sud. Essayez d’ajouter de la capacité de Saint-Hyacinthe jusqu’à Salaberry-de-Valleyfield… C’est congestionné à Montréal. Il y a des goulots d’étranglement partout. Une voie de contournement viendrait grandement aider. »

L’expert croit que le CN a toutes les raisons de s’intéresser à Qc Rail. Ce projet permettrait au plus grand chemin de fer au pays d’étendre son empreinte. Son grand rival, le Canadien Pacifique, n’est pas présent dans cette région du Québec, et toutes les entreprises qui s’installeraient à proximité de la nouvelle voie ferrée utiliseraient les services du transporteur ferroviaire établi à Montréal.

M. Barrieau souligne également que le port de Baie-Comeau serait aussi en mesure d’accueillir de plus gros vraquiers qu’à Montréal, ce qui constitue un avantage. Les installations montréalaises ne seraient pas menacées par le nouveau lien ferroviaire puisqu’on n’y acheminerait pas de conteneurs. M. Furlong a déjà indiqué à La Presse que Qc Rail n’effectuerait pas de transport de pétrole. Pas question, donc, d’offrir un accès aux marchés mondiaux pour le brut canadien.

Évaluée à 15 millions, l’étude de faisabilité est essentiellement financée par des fonds publics. Le gouvernement Legault a accordé 7,5 millions, tandis que 7,45 millions proviennent d’Ottawa. Innovation et développement Manicouagan a pour sa part affecté 50 000 $ au projet.

Avec la collaboration d’Hélène Baril, La Presse

En savoir plus
  • 2019
    Année où le gouvernement Legault a décidé de financer l’étude de faisabilité pour Qc Rail
    Source : gouvernement du Québec