Les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour attirer de nouveaux employés – et garder ceux qu’elles ont. Une entreprise de Laval a fait la manchette au mois d’août pour avoir acheté un chalet sur une île, ce qui va permettre à ses employés d’y prendre des vacances1. Les propositions originales de ce genre se multiplient, mais quelle est leur valeur pour les employés ? Tour d’horizon, en dix points clés.

L’importance de bien évaluer

Pour de petites entreprises, les nouveaux avantages sociaux peuvent faire la différence. L’employé doit toutefois se poser certaines questions pour mesurer l’impact de ces avantages dans son portefeuille et même sur une planification financière plus globale.

D’abord : est-ce que cela remplace une dépense qu’il aurait faite ?

Si ça n’est pas le cas, l’avantage ne vaut rien, explique Anik Bougie, cheffe de pratique, planification financière et fiscalité, à la Financière des professionnels (FDP). À l’inverse, « si on m’offre un fonds de pension, j’ai peut-être moins besoin de cotiser à mon REER », dit-elle.

Si l’offre remplace une dépense, alors il faut calculer l’épargne que représente l’abonnement au gym ou aux transports en commun. Mais attention, il s’agit souvent d’avantages imposables, prévient Anik Bougie. Il faut alors les calculer comme tels – et avoir un regard réaliste sur les bienfaits de la proposition globale.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Anik Bougie, cheffe de pratique, planification financière et fiscalité, à la Financière des professionnels

Si c’est un avantage qui n’est pas imposable, on m’enlève une dépense qu’autrement j’aurais payée avec mes dollars après impôts, Là, c’est une “économie”. Mais ça ne remplace pas une préparation à la retraite ni une sécurité financière avec une couverture d’assurance médicale.

Anik Bougie, cheffe de pratique, planification financière et fiscalité, à la FDP

Selon elle, ce type d’avantages est particulièrement attirant pour des plus jeunes qui voient bien loin leur retraite.

Le besoin de se démarquer

Dans une situation de rareté de main-d’œuvre, il faut être capable de se démarquer du concurrent, explique Marie-Ève Dufour, professeure à la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval.

« Le rapport de forces est inversé, à l’avantage des employés et des candidats », rappelle-t-elle, précisant que cela mène à une surenchère sur le plan salarial, mais aussi probablement pour les avantages sociaux.

En ce sens, selon elle, le chalet sur une île déserte fait mouche : on en a beaucoup parlé, ça frappe l’imaginaire et c’est un avantage qui montre que l’employeur a le bien-être de son équipe à cœur.

PHOTO MON TECHNICIEN, FOURNIE À LA PRESSE CANADIENNE

L'« île/chalet » que l’entreprise de services de données Mon Technicien a acheté à Labelle, dans les Laurentides, pour ses employés

La bourse ou les vacances ?

La rémunération flexible est un concept où l’employé module ses avantages. Par exemple entre des cotisations REER, un horaire flexible, un fonds de pension, un plan dentaire, plus de vacances ou des gratifications.

La professeure Marie-Ève Dufour connaît bien le concept, reconnu comme des « avantages sociaux cafétéria » où chacun choisit ce qu’il veut, selon ses besoins du moment.

Attention, dit-elle : aussi séduisante soit-elle, la rémunération flexible ne peut pas s’appliquer partout. « En milieu syndiqué, on n’est pas nécessairement capable d’offrir ce genre de chose », précise Marie-Ève Dufour.

La personnalisation

« On est vraiment à l’ère de la personnalisation », dit Marie-Ève Dufour.

Il faut être capable de créer une expérience employé qui est alignée sur les préférences, les motivations, les besoins des différents groupes, qu’on vise ou qu’on a déjà au sein de notre main-d’œuvre. Il faut donc connaître son personnel.

Marie-Ève Dufour, professeure à la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval

Les assurances collectives ne répondent pas aux besoins de tous, dit Jean-François Lessard, cofondateur de Tedy, une plateforme qui permet à des employeurs d’attribuer une somme aux membres du personnel qui pourront ensuite se faire rembourser des dépenses selon des catégories choisies. Mais toutes tournent de près ou de loin autour du bien-être : frais d’inscription au marathon, planche à pagaie, cours de yoga, voire une dépense liée aux animaux de compagnie ou à une sortie culturelle.

« Les gens aujourd’hui ont des besoins individuels. Et l’approche traditionnelle n’y répond pas », dit Jean-François Lessard.

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Un abonnement à un gym peut faire partie des avantages consentis par un employeur à ses employés.

Le mieux-être avant tout

L’idée d’offrir des avantages originaux pour la main-d’œuvre n’est pas nouvelle. On se souvient des cafétérias gastronomiques, des gyms, des garderies et des vélos à la porte du bureau qui ont fait leur apparition dans les années 1990. Les entreprises de techno et les boîtes de pub étaient particulièrement créatives en la matière.

Or, il semble que les avantages sociaux qui se distinguent maintenant tournent davantage autour des valeurs du travail : plus de temps pour soi, la possibilité de se réaliser et d’être bien.

« Le milieu du travail a changé », lance Jean-François Lessard, de Tedy. Selon lui, les employeurs qui misent sur le mieux-être de leurs employés se démarquent.

« Ça aide à bâtir une marque employeur positive », dit-il.

Autour de 400 entreprises de toutes tailles utilisent Tedy, 18 mois seulement après son lancement, selon Jean-François Lessard. Certaines, grandes, vont l’ajouter au programme traditionnel d’avantages sociaux. Alors que pour une très petite entreprise, ça sera le cœur du programme d’avantages.

La reconnaissance – et des avantages !

Les bureaux montréalais de PwC Canada n’offrent pas de chalet pour les employés, mais on peut quand même s’offrir un séjour en nature, dans une maison de campagne, aux frais de l’employeur.

Comment est-ce possible ?

PwC a un système de reconnaissance très vaste dans lequel se trouve des Bravo Points. Un employé peut mettre ses points dans sa banque, qu’il reçoit lorsque ses bons coups sont remarqués.

Chaque leader du groupe a une banque de points à attribuer, mensuellement. Les actions des employés n’ont pas toutes la même valeur.

Ces points sont ensuite échangeables contre des dons, services et produits, y compris des séjours Airbnb – dont l’escapade en chalet.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

En 2022, la patronne de Médiaclip, Marion Duchesne, a acheté un chalet équipé de bureaux au bord d'un lac pour ses employés.

Des avantages qui plaisent

PwC a bien évidemment un système d’avantages sociaux classiques, mais plusieurs autres moins traditionnels. Ça va des petits cadeaux ponctuels (vêtements Lululemon, cafés gourmets, spectacle du Cirque du Soleil, etc.) jusqu’à des programmes plus significatifs.

Le mois dernier, PwC Canada a lancé son programme de coaching parental.

« On veut vraiment que les gens qui vont devenir parents soient accompagnés », maintient Sonia Boisvert, associée et cheffe ressources humaines chez PwC Canada.

Un coaching spécialisé sera fourni à chaque étape du processus de congé parental (avant, pendant, sur demande, et au moment du retour au travail) par des formateurs externes qui appuieront aussi les gestionnaires des nouveaux parents afin que le retour se passe le mieux possible.

D’un point de vue business, c’est important que les gens soient heureux pendant qu’ils sont là. On veut les garder le plus longtemps possible.

Sonia Boisvert, associée et cheffe ressources humaines chez PwC Canada

Une culture positive

Un bon programme d’avantages sociaux est essentiel, dit Marie-Ève Dufour, car les entreprises qui en ont un (en harmonie avec leur culture) recruteront les meilleurs candidats.

« Pour être capable de se diriger vers ça, il faut d’abord garder ses employés », précise néanmoins la professeure de l’Université Laval.

« Si on fidélise ceux qu’on a, on a de fortes chances d’aller chercher des gens qui vont adhérer à la même culture. »

D’où l’importance de connaître les besoins du personnel en place, dit-elle. Et d’y répondre.

Les avantages intangibles

Les avantages sociaux intangibles sont fondamentaux, poursuit Marie-Ève Dufour. Tout ce qui est sécurité, psychologie, bien-être au travail, horaire flexible crée une expérience employé qui va faire rayonner l’entreprise, explique-t-elle. « Et ça fait partie des choses qui ont énormément de valeur pour les individus. »

Sonia Boisvert, associée chez PwC Canada, est d’accord : les bénéfices ont beau être fabuleux, autre chose va convaincre un candidat de venir travailler pour une entreprise.

Les gens doivent savoir que tu as de bons bénéfices, comparables aux autres, qu’ils viennent chercher ce qu’ils veulent là-dedans. Mais juste ça, ça n’est plus assez.

Sonia Boisvert, associée et cheffe ressources humaines chez PwC Canada

Que manque-t-il, alors ?

« Un travail intéressant », poursuit Sonia Boisvert avec des relations positives et une possibilité de croissance.

PHOTO MATHIEU BÉLANGER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Un programme de soins dentaires a sa place plus que jamais dans le bouquet des avantages sociaux.

Et les soins dentaires ?

Les avantages non traditionnels ont beau être attrayants et parler à une certaine clientèle, ils ne remplaceront jamais des services de base, essentiels… quand on en a besoin !

C’est ce que maintient Jean-Nicolas Guillemette, chef des opérations chez Dialogue, une firme spécialisée dans les soins de santé virtuels pour les employés.

Lui-même, père de trois enfants, n’échangerait pas un programme de soins dentaires contre une semaine dans un chalet – bien qu’il salue ce genre d’initiatives qui permettent à des petites entreprises de se démarquer.

Pour de plus grandes, le classique Programme d’aide aux employés (PAE) a sa place plus que jamais dans le bouquet des avantages sociaux, explique Jean-Nicolas Guillemette.

« La tendance lourde des trois ou quatre dernières années, exacerbée par la pandémie, c’est les enjeux de santé mentale. » Jean-Nicolas Guillemette fait part de la statistique suivante : chez Dialogue, en 2020, avant la pandémie, 7 % des consultations étaient liées à des enjeux de santé mentale. Aujourd’hui, la proportion a grimpé autour de 35 %.

Pour les employés, avoir accès à un psychologue ou même des services de télémédecine pour toute la famille est un avantage à considérer. Surtout s’ils n’ont pas de médecin de famille.

1. Lisez l'article « Un entrepreneur de Laval achète une île privée pour ses employés »
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  • 37,5 %
    Selon un sondage Ipsos, plus du tiers (37,55) des employés qui quittent leur entreprise veulent de meilleurs avantages sociaux. Le salaire reste la principale raison évoquée pour le départ (62,5 %). Des horaires de travail plus flexible (34 %) et de meilleures possibilités d’avancement sont aussi importants pour les employés, assez pour les convaincre d’aller voir ailleurs.
    Source : Randstad
    64 %
    Les travailleurs qui ont des avantages sociaux sont mieux dans leur emploi : 64 % affirment être satisfaits de leur emploi, alors que la moyenne est de 58 % pour ceux qui n’en ont pas.
    Source : RBC Assurances, sondage pancanadien, 2022