Un mardi sur deux, des experts en ressources humaines répondent à vos questions. Cette semaine, les conseils d’Alain Gosselin, professeur émérite à HEC Montréal.

J’ai quitté récemment mon employeur après 10 ans pour un emploi syndiqué bien rémunéré. J’ai hésité, cela faisait longtemps que je vivais de la frustration. J’ai informé mon employeur des raisons pour lesquelles je quittais mon emploi, notamment les promesses non tenues quant aux tâches et aux heures travaillées. Je cherchais un équilibre. Toutefois, mon nouvel employeur a été informé par mon ancien gestionnaire que je suis une personne qui « se cherche ». Je crains que ce commentaire nuise à ma probation. Comment dois-je réagir ? – Johanne

La situation de Johanne est assez fréquente. Sa question sous-entend qu’au fil du temps, elle a développé un lien fort avec son employeur, mais que cette relation s’est détériorée à la suite d’espoirs déçus et de promesses non tenues.

Le fait qu’elle ait longtemps hésité avant de rompre ce lien montre que la relation avec notre employeur peut être complexe. Comme Johanne s’apprête à créer un nouveau lien avec un autre employeur, il est important pour elle de démarrer du bon pied.

Le concept de « contrat psychologique » peut être utile pour mieux comprendre la nature du lien que nous tissons avec notre employeur et le processus par lequel il se crée, comment il peut se rompre, avec les conséquences négatives qui en découlent.

Un contrat implicite

Pour faire court, il s’agit d’une entente individuelle, non écrite et mutuelle, entre un employé et son employeur, concernant les attentes et les promesses de chacun à l’égard de l’autre.

Tous ceux qui ont dû recréer une entente avec un nouveau patron saisiront immédiatement la nature et l’importance du contrat psychologique. Cela va bien au-delà de la convention collective dont disposent les employés syndiqués et qui traite principalement de leurs conditions de travail communes.

Bien que ce type de contrat soit le plus souvent implicite, il agit de la même manière qu’un contrat formel liant un employé à son employeur. La parole compte, et ce qui a le plus de poids aux yeux de l’employé, ce sont les promesses de l’employeur. Rejoignent-elles ses attentes et, surtout, seront-elles respectées ?

La fragilité du contrat psychologique et ses conséquences

C’est au moment de l’embauche que cette entente implicite apparaît la plus claire et la plus solide. On peut présumer ici que Johanne a déjà eu l’occasion de bâtir un début de lien significatif avec son nouvel employeur en abordant avec ouverture et transparence ses attentes et ses engagements, tout comme son employeur.

L’intervention malheureuse de son ancien gestionnaire ne devrait donc pas avoir d’impact négatif pour elle. Jusqu’ici, Johanne a agi avec maturité et honnêteté dans sa transition. J’ai donc bon espoir qu’elle pourra réussir l’ultime test de la probation.

C’est souvent après que les choses se compliquent, quand de nouvelles attentes s’imposent avec le temps (par exemple, le travail hybride) ou que les évènements (par exemple, une récession) ne permettent plus de respecter les promesses faites par l’employeur.

Si vous acceptez les promesses de votre employeur parce que vous les jugez fiables, votre entente implicite résistera à une révision, même en présence de ruptures mineures.

Mais, comme la situation de Johanne le montre, vous allez probablement tolérer cette situation jusqu’à ce qu’un « sentiment de violation du contrat » s’installe durablement – j’ai respecté mes engagements, mais mon employeur ne respecte pas volontairement ses promesses.

Les études ont bien démontré que, du point de vue de l’employé, une suite de ruptures mineures qui minent la confiance ou un sentiment de violation du contrat sont à la base de nombreuses conséquences négatives sur les attitudes et les comportements de l’employé (colère, plainte, baisse de la confiance, cynisme, démobilisation et départ). Johanne en est un exemple.

Trois actions peuvent favoriser un contrat sain et durable

Se parler régulièrement et aller au fond des choses. Une discussion en profondeur de part et d’autre est porteuse de fidélité et d’engagements, car elle favorise l’équilibre et la réciprocité entre les parties. Pour garder un lien à la fois sain et durable avec son nouvel employeur, Johanne a donc intérêt à entretenir une conversation franche, ouverte et continue avec lui, souvent par l’intermédiaire de son patron ou leader de proximité.

Malheureusement, très peu d’entreprises et de gestionnaires prévoient des moments formels et réguliers pour que ces discussions aient lieu. Il serait judicieux que Johanne exerce un certain leadership pour amorcer et maintenir de telles conversations.

Chercher constamment à maintenir un certain équilibre dans le contrat. Si un engagement ne peut être respecté (pas d’avancement pour le moment, par exemple), il faut alors proposer une autre option (par exemple, une occasion significative d’apprentissage) qui saura maintenir le contrat dans une zone positive d’équilibre. Une rupture ne signifie pas nécessairement la rupture du contrat psychologique.

Sensibiliser ceux qui alimentent le contrat. Souvent, sans intention délibérée et sans en être pleinement conscients, les représentants de l’employeur (dirigeants, responsables des ressources humaines, leaders de proximité) expriment leurs attentes et prennent des engagements plus ou moins explicites que les employés tiennent ensuite pour acquis. Par exemple, la politique d’évaluation de la performance promet presque toujours une rétroaction continue, une promesse qui s’avère souvent peu respectée. Chaque représentant de l’employeur devrait être sensibilisé au fait que ce qu’il dit ou écrit compte davantage qu’il le pense aux yeux des employés et que cela peut entraîner des conséquences non désirées.