Récemment, un collègue et ami a obtenu le poste de directeur de notre service. C’est un de nos meilleurs experts, mais je doute de sa capacité à être le leader dont nous avons besoin. Il veut bien faire, mais il peut parfois être intransigeant et impatient. Comment puis-je l’aider ? – Chantal

Votre collègue vient d’entreprendre la transition probablement la plus difficile de sa carrière : passer d’employé performant à gestionnaire d’une équipe. Vendredi, vous êtes un collègue apprécié et, lundi, vous devenez le patron de vos collègues. Les gestionnaires d’expérience vont vous dire qu’ils avaient tous sous-estimé l’ampleur et la complexité de l’écart entre ces deux postures. Au-delà d’un simple changement de rôle, cette transition exige une redéfinition de son identité. Cela demande du temps et du soutien. Heureusement, vous pouvez l’aider plus que vous ne pensez.

Les angles morts possibles de votre nouveau patron

Puisque vous le connaissez bien, aidez-le à prendre conscience des pièges potentiels qui l’attendent. Les données montrent que de 65 à 75 % des employés affirment que leur patron représente l’aspect qui pose le plus problème dans leur travail. Les reproches fréquents peuvent être nombreux et sont bien documentés, notamment ne pas suffisamment faire confiance, être peu à l’écoute, être plus critique que reconnaissant, instaurer un climat de peur et manquer de courage.

Revenons à votre situation. Puisque vous êtes amis, il pourrait lui arriver de faire preuve de favoritisme à votre endroit. Il faudra que vous discutiez avec lui, le plus tôt possible, de la meilleure façon de redéfinir la relation entre vous. Vous le dites intransigeant, une facette fréquente chez les gens performants qui s’imposent des attentes élevées. Il peut alors être tout aussi exigeant envers son personnel et faire preuve d’un manque de reconnaissance puisque bien faire est « normal » à ses yeux.

Étant impatient, il peut lui arriver d’avoir une humeur variable et ainsi déstabiliser plusieurs membres de l’équipe. Attirez son attention sur ses failles potentielles et soyez attentive à ce que les collègues vont dire de leur nouveau patron. Soyez ses yeux et ses oreilles dans le service, tout en étant discrète sur vos sources, afin de l’aider à s’ajuster à son nouveau rôle.

Les patrons imparfaits

Dans votre question, ce qui me semble le plus intéressant est la remarque que votre ami veut bien faire en tant que patron. Mais, comme la large majorité des gestionnaires, il est un patron imparfait. Il aura besoin d’aide pour améliorer son impact et changer certains comportements.

Bien sûr, il revient aux organisations de fournir cette aide. Mais je vous invite également à adopter une posture d’allié plutôt que de subordonné passif. Voici quelques suggestions qui vont dans ce sens.

Ce que les organisations peuvent faire

  • Faire attention de ne pas promouvoir les patrons pour les mauvaises raisons, notamment une performance élevée comme employé ou une expertise reconnue. Le leadership naturel devrait être le critère dominant.
  • Accompagner (coaching, mentorat) et former les patrons avant leur transition ou au moment de celle-ci dans un nouveau poste ou rôle. Sinon, ils risquent de reproduire la façon dont ils ont été gérés, pour le meilleur ou pour le pire.
  • Mieux soutenir les patrons, car ils doivent composer avec une pression grandissante. Immanquablement, toutes les démarches de changement dans l’organisation tombent entre leurs mains un jour ou l’autre sans souvent être accompagnées de ressources suffisantes.
  • Leur donner accès aux résultats d’un sondage d’opinion sur la satisfaction et l’engagement des membres de leur équipe, suivi par un plan d’amélioration soutenu par un professionnel en ressources humaines.

Ce que vous pouvez faire

  • Avant de juger son patron, faites l’effort de vous mettre à sa place. Vue de la perspective de l’employé, la tâche de supervision peut sembler facile alors que ce poste est reconnu comme très inconfortable. La marge de manœuvre est souvent étroite et les décisions à prendre font rarement l’unanimité.
  • Prendre la responsabilité de son service, c’est hériter d’un contexte et d’une équipe déjà formés. Votre nouveau patron veut certainement changer ou améliorer des choses dans le fonctionnement du service. Invitez-le à rendre ses intentions explicites et à bien les communiquer à l’ensemble de l’équipe.
  • Donnez de la rétroaction à votre patron, car sans elle, il peut être difficile pour lui de prendre conscience que certains changements de comportements s’imposent. Il faut donc oser, seul ou avec une personne de confiance, trouver le bon moment et utiliser les bons mots pour présenter sa lecture de la situation vécue dans le service et exprimer clairement les besoins.
  • Apportez des solutions aux problèmes que vous soulevez. Au lieu de mettre l’accent uniquement sur les aspects négatifs, trouvez les forces de votre patron. Invitez-le à bâtir sur ses forces et non pas seulement chercher à corriger ses limites. Bref, donnez une chance à votre patron imparfait.