Québec renonce à se faire rembourser un prêt d’environ 100 millions consenti pour la relance de l’usine Nordic Kraft à Lebel-sur-Quévillon afin de maintenir son niveau d’actionnariat. Chantiers Chibougamau, qui contrôle le complexe, promet que les dividendes seront pour bientôt.

« L’usine a été très rentable en 2022 et quand il y aura quelques excellentes années de rentabilité et que l’heure sera aux dividendes, les actionnaires pourront en bénéficier, affirme Frédéric Verreault, directeur général, développement corporatif de l’entreprise familiale. Puisque l’on pose des gestes pour améliorer le bilan, on a toutes les raisons de croire que dans quelques années on pourra être là. »

En 2019, le gouvernement Legault avait consenti 138 millions pour relancer cette usine qui transforme des copeaux en pâte kraft, notamment utilisée dans la fabrication de produits hygiéniques et d’emballages de carton. Le site avait mis la clé sous la porte en 2005 alors qu’il appartenait à Domtar. La facture du projet de redémarrage était estimée à l’époque à 342 millions.

L’aide gouvernementale se déclinait de trois façons : une prise de participation de 9 millions, un prêt sans intérêt de 32,4 millions et un prêt subordonné de 96,5 millions. C’est ce dernier qui a été converti dans Nordic Kraft, la société en commandite constituée et contrôlée par Chantiers Chibougamau.

Cette entreprise de foresterie avait également prêté d’importantes sommes à la société en commandite et avait décidé de convertir ces prêts afin de « nettoyer le bilan » de Nordic Kraft, explique M. Verreault. Québec a emboîté le pas.

Ils ont regardé la performance de notre première année de production qui a été supérieure à 95 % de la capacité installée. Ils ont vu que tout est vendu dans de bonnes conditions parce que la qualité de la pâte est au rendez-vous.

Frédéric Verreault, directeur général, développement corporatif de Chantiers Chibougamau

Le portrait est toutefois différent depuis environ un mois, puisque les activités sont à l’arrêt en raison des incendies de forêt qui font rage dans le Nord-du-Québec et qui ont provoqué des évacuations. Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de cette interruption sur la performance financière de l’année, affirme M. Verreault.

De bons prix

La décision de Québec survient au moment où les prix de la tonne métrique de pâte kraft blanchie viennent d’atteindre des sommets. Elle s’échangeait au prix moyen de 1704 $ l’an dernier, selon le plus récent bilan des produits forestiers du ministère des Ressources naturelles et des Forêts.

Un recul a été observé depuis. La tonne métrique valait 1627 $ US en début d’année et elle se négocie désormais aux alentours de 1510 $.

Dans un courriel, Mathieu St-Amand, porte-parole du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie Pierre Fitzgibbon, concède que la conversion du prêt vise à « améliorer le bilan » de Nordic Kraft.

On maintient l’expertise québécoise développée dans la fabrication de pâte kraft tout en favorisant la prospérité du Nord-du-Québec.

Mathieu St-Amand

L’entente intervenue avec Chantiers Chibougamau comporte également une autre clause. Dans l’éventualité où un acteur étranger souhaiterait mettre la main sur sa participation dans la société en commandite, l’entreprise québécoise n’aura pas le droit d’accepter avant plusieurs années.

« Nous avons pris l’engagement, auprès du gouvernement du Québec, de maintenir le contrôle québécois pendant plusieurs années, souligne M. Verreault, sans toutefois offrir plus de détails. Même si on nous offrait le pactole pour cette usine stratégique, on n’a pas le droit de [vendre]. »

Acteur important

Sans s’avancer sur la conversion du prêt gouvernemental, Luc LeBel, professeur au département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval, souligne l’importance de l’usine de Lebel-sur-Quévillon dans l’écosystème forestier québécois. Ce site permet aux scieries de compter sur un endroit capable de transformer à profit leurs résidus de sciage – les copeaux –, affirme le spécialiste.

« Auparavant, il y avait des usines de pâtes et papiers pour consommer les copeaux, mais on en dénombre beaucoup moins maintenant, dit-il. Le marché de la pâte kraft blanchie est très intéressant. C’est important d’avoir tout cet écosystème. »

Lorsque les activités fonctionnent normalement, on recense environ 300 salariés à l’usine de Lebel-sur-Quévillon. Leur salaire moyen est estimé à 110 000 $.

En savoir plus
  • 1961
    Année de fondation de Chantiers Chibougamau
    Source : chantiers Chibougamau
    1100 personnes
    Effectif de l’entreprise à travers ses différents segments d’affaires
    Source : chantiers Chibougamau