L’inflation a fait baisser les achats écoresponsables

Plats réutilisables, beurre de noix bio, en vrac, poisson issu de la pêche durable, sacs compostables. Les produits durables sont entrés dans nos vies, mais leurs prétentions éveillent parfois la méfiance. Détails, en cinq questions clés.

Question d’argent

L’inflation influence les achats dans le rayon des produits durables en tout genre. En septembre 2021, alors que la pandémie était bien installée, près d’un Canadien sur deux disait « avoir acheté au moins un bien ou un service durable ». Dix-huit mois plus tard, en mars 2023, la proportion avait glissé à 37 %, selon un rapport de la firme Deloitte publié le 22 juin.

Dans toutes les tranches d’âge et pour tous les niveaux de revenus, c’est le coût qui est cité comme principal obstacle à l’achat de café équitable et autre bœuf nourri à l’herbe.

Fait à noter : la marque, le prix et la taille sont des critères qui pèsent plus lourd dans la balance, au moment de décider de l’achat, que sa durabilité.

Heureusement, les gens savent maintenant que payer plus cher à l’achat mène souvent à une économie, indique Pénélope Auvray, assistante-gérante de la boutique DDD dans Rosemont, qui est donc consacrée au design durable. Elle donne en exemple les tampons démaquillants jetables qui vont coûter beaucoup plus cher à la fin de l’année que leur contrepartie réutilisable.

Question de principe

Si l’argent ralentit parfois les ardeurs des consommateurs, leurs valeurs sont toujours en accord avec celles des produits durables. Plus de six clients sur dix (62 %) sont prêts à payer davantage pour un produit écoresponsable, et ce, pour une majoration de 20 % ou plus que le prix demandé pour un équivalent.

Cela étant dit, six Canadiens sur dix estiment qu’ils ne devraient pas avoir à se casser la tête pour décider si un produit est plus vert qu’un autre et une forte proportion de 94 % croit « qu’il est de la responsabilité d’une marque de créer des produits qui ne nuisent pas à la Terre ».

« Les consommateurs québécois veulent avoir des produits plus durables. Ils s’estiment prêts à payer plus, mais à condition qu’ils comprennent bien la valeur ajoutée. Sinon, ils ne viendront pas payer cette prime supplémentaire », précise Cindy Loridon, chef de service Développement durable et changements climatiques, Greenhouse – un programme de Deloitte.

Question de transparence

Parmi la grande variété d’allégations vertes, les consommateurs ont parfois le vertige. Et se méfient. Les récents cas d’écoblanchiment – ces valeurs écoresponsables affichées qui sont plutôt des prétentions marketing – viennent alimenter le scepticisme.

Résultat : 57 % des consommateurs canadiens ne croient pas la plupart des revendications des marques.

« La question d’affaires est la suivante : comment les entreprises peuvent-elles renforcer la confiance dans leurs marques afin d’aider les consommateurs à choisir en toute confiance des biens et des services durables ? », demande le rapport Deloitte.

« La tâche n’est pas simple », concède Cindy Loridon qui signale que la transparence et l’authenticité de la part des entreprises sont très importantes. Que cela doit faire partie de la mission même d’une organisation et que celles qui ont une approche globale et un message concerté ont plus de chances de gagner le cœur de leur clientèle. D’une manière durable.

Question d’investissement

Le jeu en vaut-il la chandelle pour les industriels et autres fournisseurs ? Pas toujours, disent-ils.

Bien que la majorité des entreprises aient envisagé la possibilité de développer des produits écoresponsables (et que 81 % l’aient déjà fait), plusieurs représentants de l’industrie avouent que la recherche et le développement sont plus coûteux pour mener à la création de ces services et produits à valeur ajoutée.

Les entreprises devraient noter ceci : selon le rapport Deloitte, les consommateurs vont être plus fidèles à une marque une fois qu’ils la savent engagée. Et ils vont payer plus cher pour ses produits.

Le sujet est encore nouveau, dit Cindy Loridon. « C’est un sujet qu’on apprivoise. Les entreprises voient comment ça peut s’intégrer dans leur modèle d’affaires, alors effectivement, on est à la croisée des chemins. On sent la bonne volonté de tout le monde d’avancer dans la bonne direction. »

Rue Beaubien Est, chez Frëtt Design, Noor Dahmani confirme que la clientèle qui sait, revient. « Dans le cas de notre marque, c’est fait localement en Gaspésie, ils sont conquis, dit-elle. Alors ils reviennent souvent. » Noor Dahmani observe le même phénomène pour les ventes en ligne d’autres produits durables où les mêmes noms reviennent souvent. Les clients sont fidèles à leurs valeurs, dit-elle.

Question de points de vue

L’enquête a été menée à la fois du côté des consommateurs et auprès de chefs d’entreprise, afin d’obtenir deux visions différentes. C’est effectivement ce qu’on a obtenu : deux visions différentes.

Le sondage a été fait en avril 2023. Un peu plus de 1000 consommateurs canadiens ont participé et 311 représentants de l’industrie.

Malgré le scepticisme soulevé du côté des consommateurs, 71 % des chefs d’entreprise ayant participé à la recherche estiment que le public a un niveau de confiance important en leurs allégations durables.

Cindy Loridon note ici un « décalage profond » entre ceux qui font les produits et ceux qui les achètent. Selon elle, il faudrait plus d’homogénéité dans le message. « Chacun va promouvoir des choses différentes à différents niveaux et les consommateurs sont confus, dit-elle. Ils sont même un peu frustrés face à ses allégations. »

En savoir plus
  • 72 %
    Les produits durables sont largement perçus comme étant plus chers, qu’ils le soient ou non : 72 % des consommateurs croient que c’est le cas.
    Créer de la valeur à partir de produits durables, Deloitte, juin 2023