La ruée vers le lithium que connaît la Baie-James vient d’attirer un acteur majeur. Rio Tinto, deuxième société minière en importance dans le monde derrière BHP, investira 65 millions dans une dizaine de propriétés lithium du Nord-du-Québec. Pour la multinationale, le Québec vient s’ajouter à ses projets de lithium aux côtés de pays comme la Serbie et l’Argentine.

Le géant minier fait de l’exploration à la recherche de lithium à différents endroits dans le monde. Il a des projets en Argentine et en Serbie. Ce dernier est toutefois bloqué par la population locale depuis janvier 2022.

« La convention d’option conclue entre Rio Tinto et Midland permettra à la société d’accéder à de nouvelles cibles d’exploration de lithium dans la région de la Baie-James », a déclaré un porte-parole de Rio Tinto dans un courriel.

Il s’agit, selon nos informations, d’une première entente commerciale pour un projet d’exploration de lithium au Canada pour Rio Tinto.

« Rio Tinto est fier du travail qu’il accomplit au Canada – que nous considérons comme l’une des meilleures juridictions minières au monde – et nous pensons que le Québec offre de bonnes occasions de continuer à développer nos activités. »

Mercredi, Exploration Midland a annoncé son entente avec Rio Tinto Exploration Canada. L’accord porte sur 10 propriétés totalisant 2009 claims et couvrant une superficie de plus de 1000 kilomètres carrés. Ces propriétés incluent Mythril-Corvette, Mythril-Est, Mythril-Chisaayuu, Galinée, Moria, Shire, Komo, Warp, Sulu et Picard.

Rio Tinto peut acquérir 50 % des propriétés d’ici 5 ans à la condition notamment d’y dépenser 14,5 millions en exploration.

Après avoir acquis une participation initiale de 50 % dans les propriétés, Rio Tinto aura la possibilité d’augmenter sa participation à 70 % dans les 5 ans suivant l’exercice de la première option, à la condition d’y dépenser 50 millions en exploration. En tenant compte des paiements en espèces versés à Midland, l’investissement totalise 65,5 millions.

Il a été impossible de parler à Gino Roger, président de Midland.

Une reconnaissance pour les compagnies locales

Les propriétés sont actuellement détenues à 100 % par Midland et sont situées près d’importants gîtes de lithium telle sa propriété Mythril-Corvette qui se trouve dans le voisinage de Corvette appartenant à Patriot Battery Metals. Ses autres propriétés sont localisées près de Moblan (Sayona-Soquem), Adina (Winsome Resources), Whabouchi (Nemaska Lithium) et James Bay Lithium (Allkem), tous situés dans la région d’Eeyou Istchee Baie-James au Québec.

La nouvelle n’est pas passée inaperçue à la Baie-James. « C’est super intéressant, s’exclame Jean-Marc Lulin, président et chef de la direction d’Exploration Azimut, qui détient notamment des baux miniers avec SOQUEM sur la propriété Galinée qui jouxte Adina où une importante découverte de lithium a été effectuée par la société australienne Winsome Resources.

« Ça fait 30 ans que je travaille à la Baie-James, poursuit le géologue. C’est une dynamique qui est en train de se mettre en place qui est absolument enthousiasmante. »

C’est extraordinaire de voir la Baie-James qui est en train d’émerger et qui attire le regard de majeures à l’échelle mondiale pour une substance qui est très en demande et qui va pouvoir alimenter au Québec la filière énergétique qui se met en place.

Jean-Marc Lulin, président et chef de la direction d’Exploration Azimut, très active dans le Nord-du-Québec

Le lithium sert d’intrant dans la fabrication de cathode, le pôle positif de la batterie lithium-ion d’une voiture électrique. La cathode représente environ 40 % du coût d’une cellule.

« C’est une marque de reconnaissance envers les compagnies juniors qui font les travaux d’exploration au quotidien sur le territoire québécois, se réjouit pour sa part Guy Bourgeois, directeur général de l’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ). [Rio Tinto] reconnaît cette expertise via les Québécois qui le font depuis de nombreuses années et qui ont eu du succès dans le passé. »

Pour lui, l’annonce se démarque par l’importance des sommes en jeu et par l’engagement à long terme (possiblement 10 ans) de la multinationale.

La région de la Baie-James connaît une ruée vers le lithium alimentée par des découvertes majeures sur des propriétés comme Adina de Winsome Resources et Corvette de la part de Patriot Battery Metals.

Stratégie lithium de Rio Tinto

Les signes de l’intérêt que porte le géant minier à l’égard du lithium québécois se multiplient depuis 18 mois.

Lundi dernier, le ministre fédéral François-Philippe Champagne annonçait la signature d’une entente de collaboration avec Rio Tinto visant à soutenir les objectifs de la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, dont le lithium.

La Stratégie, qui a été lancée en décembre 2022, dispose d’une enveloppe de 3,8 milliards de dollars. Le financement proposé couvre la totalité de la chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques.

En octobre 2022, Ottawa a annoncé l’attribution d’un financement pouvant atteindre 222 millions de dollars, dans le cadre du Fonds stratégique pour l’innovation, à Rio Tinto Fer et Titane, pour l’aider à accroître sa production de minéraux critiques, notamment le lithium.

En avril 2022, un article de La Presse faisait état de la volonté de Rio Tinto Fer et Titane de se doter d’une usine de recherche et de développement de lithium.

Lisez l’article « La stratégie lithium de Rio Tinto au Québec »

Dans ce reportage, Michel Jébrak, professeur du département des sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’UQAM et auteur d’un livre sur les défis de la transformation du lithium, soutenait que Rio Tinto tentait de retomber sur ses pattes après l’échec de son gigantesque projet de mine de lithium en Serbie.

Sous la pression populaire, le gouvernement serbe a décidé de tirer un trait sur ce qui s’annonçait comme le plus grand gisement européen de lithium.

Ce projet dans les Balkans devait permettre à la minière d’extraire suffisamment de lithium pour permettre la construction de 1 million de véhicules électriques par année. Il devait coûter 2,4 milliards.

« Rio Tinto a une stratégie lithium et veut se retourner rapidement après son échec en Serbie », disait M. Jébrak, en ajoutant que la société venait de conclure l’acquisition d’un projet de lithium en Argentine pour 825 millions.