Un coup de balai a été donné par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) chez Azure Power Global, producteur indien d’énergie solaire dans lequel l’institution a injecté environ 600 millions CAN. Le mystère plane toujours sur l’ampleur des irrégularités qui secouent l’entreprise depuis l’été.

Plus précisément, la société aura un nouveau chef de la direction – Sunil Gupta – à compter du 10 juillet, tandis qu’un nouveau responsable des finances est déjà en poste. Il s’agit de Sugata Sircar, recruté l’automne dernier comme administrateur et membre du comité d’audit. Ces deux gestionnaires sont décrits par Azure comme des vétérans dans leur secteur respectif.

« Quand on change le président et le chef des finances la même journée, c’est qu’un vent de changement s’amorce, souligne le directeur de l’Institut sur la gouvernance d’organisations publiques et privées (IGOPP), François Dauphin. Un administrateur qui revient dans la direction, on voit cela moins souvent dans les grandes sociétés. »

Le bas de laine des Québécois est le principal actionnaire (53 %) d’Azure, dans la tourmente depuis août dernier en raison d’allégations soulevées par un lanceur d’alerte et du départ surprise de son grand patron, qui n’était en poste que depuis deux mois. Les résultats audités – passés au peigne fin par un vérificateur indépendant –, attendus depuis l’été, demeurent inconnus.

En début d’année, on a découvert de nouveaux squelettes dans le placard. Trois autres projets – sur les 23 en service – étaient concernés par des irrégularités.

Les résultats de l’enquête interne sont toujours attendus. Cela s’accompagnait d’un avertissement signalant que l’entreprise risquait d’éprouver des difficultés à s’acquitter de ses obligations financières.

Depuis août dernier, le titre d’Azure – qui se négociait au-delà de 48 $ US à l’hiver 2021 – s’est effondré à la Bourse de New York. Malgré les changements annoncés lundi, le titre a retraité de 5,5 %, ou 11 cents US, pour clôturer à 1,88 $. Cela confère une valeur de 64 millions US (87 millions CAN) aux 34,25 millions d’actions détenues par la Caisse.

À l’étude annuelle des crédits du gouvernement du Québec, lundi, le président et chef de la direction de la CDPQ, Charles Emond, avait plutôt évoqué une « valeur aux livres […] aux environs de 400 millions ».

Sur la voie de garage

Le jeu de chaises musicales annoncé mardi envoie Pawan Kumar Agrawal, qui était chef de la direction financière depuis plus de quatre ans, sur les lignes de côté. Il est relégué dans une filiale de l’entreprise, mais conserve un emploi. Des accusations de blanchiment d’argent ont été déposées contre ce gestionnaire en raison de son rôle passé dans un scandale financier1.

M. Agrawal avait été épinglé en compagnie d’une vingtaine d’autres individus en octobre 2021 pour sa participation présumée à un système de blanchiment d’argent entre 2017 et 2019 alors qu’il était à la Yes Bank. Les accusations n’ont pas encore été prouvées devant un tribunal.

Des profits malgré la tourmente

Devant les parlementaires, où il rendait compte de la gestion de son organisation, le grand patron de la Caisse s’est une fois de plus porté à la défense d’Azure. Interrogé, M. Emond a répondu qu’il fallait regarder au-delà du cours de l’action.

« Ce n’est pas un investissement pour lequel on va avoir une perte nécessairement, a-t-il dit. L’histoire est loin d’être terminée. C’est une entreprise qui fait des profits. Pour nous, c’est un investissement pas nécessairement parfaitement représenté par le cours de la Bourse. »

Vérification faite, Azure a affiché des pertes en 2020 et en 2021, selon ses états financiers consultés par La Presse. En ce qui a trait à l’an dernier, un bénéfice de 9 millions US a cependant été dégagé, d’après un rapport financier préliminaire non audité dévoilé en janvier dernier. Ces données doivent obtenir le sceau d’approbation d’un vérificateur externe.

Selon M. Emond, le portrait financier d’Azure pour l’exercice 2022 devrait être présenté dans les « prochaines semaines ». L’entreprise doit le faire d’ici la mi-juillet pour éviter d’être radiée à Wall Street.

Avec la collaboration d’André Dubuc, La Presse

1. Lisez ⁠« Un numéro deux au passé tumultueux chez Azure »

L’histoire jusqu’ici

Août 2022

Azure annonce le départ imprévu de son patron et de potentielles irrégularités internes. Son action s’effondre de 44 % à la Bourse de New York.

Janvier 2023

On découvre de nouveaux squelettes dans le placard chez Azure. L’entreprise prévient qu’elle pourrait manquer d’argent pour financer ses projets. L’enquête interne se poursuit.

Mai 2023

On ignore toujours l’ampleur des irrégularités internes, mais un nouveau patron et un responsable des finances sont nommés.

En savoir plus
  • 22 %
    Participation du Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS) dans Azure
    Source : refinitiv
    48 $ US
    Seuil atteint par le titre d’Azure à la Bourse de New York en janvier 2021
    Source : bourse de New York