La Caisse de dépôt se vante non sans raison d’avoir réduit de 53 % l’intensité carbone de son portefeuille depuis 2017. La comptabilité utilisée laisse toutefois songeur.

En commission parlementaire mardi, on a appris que l’institution québécoise ne considérait pas dans son bilan carbone les émissions de GES attribuables au gaz naturel même si sa participation dans le quasi-monopole gazier Énergir a augmenté ces dernières années.

Le grand patron de la Caisse l’a reconnu après une série de questions persistantes du député solidaire Haroun Bouazzi. La haute direction de la Caisse rendait compte de sa gestion en commission parlementaire durant l’étude des crédits mardi.

« Est-ce que le 7 % d’émissions de gaz à effet de serre dans les bâtiments dus au gaz naturel est pris en compte, oui ou non ? », a-t-il talonné Charles Emond. « Pas dans Énergir », a répondu ce dernier.

L’explication est une question de méthodologie. La Caisse ne tient pas compte, comme bien des investisseurs, des GES émis par les utilisateurs finaux des entreprises dont elle est actionnaire ou le financier.

Dans les émissions de GES, il y a différents niveaux de « scope ». Le scope 1 couvre les émissions directes liées aux opérations courantes. Le scope 2, ce sont des émissions indirectes liées à l’approvisionnement d’énergie. Le scope 3 recoupe les autres émissions indirectes liées notamment aux utilisateurs finaux.

« Dans l’industrie, le scope 3 est très difficile à quantifier, a expliqué Charles Emond. Il y a des travaux qui sont en cours dans l’industrie. Mais on n’est pas encore à l’étape de quantifier le scope 3. D’ailleurs, tous les grands joueurs dans le monde se concentrent sur les scopes 1 et 2. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le président et chef de la direction de la CDPQ, Charles Emond

Dans le cas d’Énergir, l’entreprise détient des tuyaux dans lesquels passe du gaz qu’elle ne produit pas et qui est consommé par des tiers. Résultat : son bilan carbone n’est pas élevé en dépit des apparences.

« Dans Énergir, on considère leur plan de décarbonation : le gaz naturel renouvelable et l’efficacité énergétique », s’est défendu le président et chef de la direction de la Caisse.

Propriétaire à 81 % d’Énergir

Son organisation détient 80,9 % de Trencap SEC, propriétaire d’Énergir. Elle est actionnaire indirecte d’Énergir depuis 2004.

En juin 2021, Enbridge a vendu sa participation de 38,9 % dans ce qui s’appelait alors Noverco à un consortium mené par la Caisse de dépôt pour 1,14 milliard.

Sur la base du prix payé à Enbridge, la participation de la Caisse dans la société mère d’Énergir vaut 2,4 milliards. Cet investissement figure d’ailleurs en bonne place parmi les 20 principaux placements de la Caisse au Québec.

Une estimation compatible avec l’information rendue publique par la Caisse de dépôt indiquant une valeur supérieure à 1,5 milliard au 31 décembre 2022 pour sa participation dans Trencap.

En janvier 2022, la Caisse a aussi racheté les parts détenues par deux autres fonds de retraite, British Colombia Investment et le Régime de retraite de l’Université du Québec, dans Trencap. Les 19,1 % restants sont détenus par le Fonds de solidarité, ce qui fait d’Énergir une entreprise 100 % québécoise.

La Caisse est fière de rappeler qu’elle s’est classée au 1er rang sur 59 fonds de retraite mondiaux dans le classement du World Benchmarking Alliance sur la finance durable. Elle avance que 85 % de ses actifs sont à zéro ou à faibles émissions de GES, souvent des entreprises de service.