Près de trois ans après sa création, le directeur général du Panier bleu, Alain Dumas, sent le besoin de justifier la raison d’être de la plateforme québécoise d’achat en ligne. Dans une lettre ouverte publiée jeudi, il persiste et signe : le projet n’est pas un « échec ».

Or, s’il veut rester en vie, le Panier bleu, à l’instar des centres commerciaux qui ont su attirer les consommateurs avec une diversité de détaillants, devra accueillir un plus grand nombre de marchands, observe le spécialiste des médias numériques Bruno Guglielminetti, également animateur de la balado Mon carnet. Actuellement, 350 y figurent. Le spécialiste n’est pas prêt à prédire la mort de la plateforme, tout comme le vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), François Vincent, qui ne voit pas dans cette lettre un aveu que les choses ne tournent pas rond. Il considère plutôt qu’il s’agit d’un geste de « proactivité ».

« L’information selon laquelle une faible proportion de produits “Certifiés Québec” étaient en vente sur le Panier bleu a fait dire à certains que ce marché en ligne de commerçants québécois était un échec. La réalité est [tout] autre. Le Panier bleu est plutôt un succès en émergence », peut-on lire dans la lettre1 écrite par Alain Dumas.

Depuis sa création au début de la pandémie, le Panier bleu – plateforme devenue transactionnelle à l’automne 2022 – a essuyé de vives critiques. En début d’année, plusieurs entreprises qui y figurent ont confirmé à La Presse que leur présence sur cette place de marché ne leur avait pas permis de générer des ventes faramineuses.

Plus récemment, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, lors de l’étude des crédits budgétaires, a révélé que seuls 1 % des produits affichés sur le site étaient certifiés québécois. Au total, on en trouve 110 000.

« Il faut réaliser ceci : il y a relativement peu d’entreprises qui font la démarche d’homologation leur permettant d’apposer la certification Produit du Québec ou Aliment du Québec, écrit encore M. Dumas, parce que plusieurs n’ont pas le sentiment que c’est nécessaire. Un éditeur québécois a-t-il besoin de rappeler que ses livres sont québécois ? Un acériculteur a-t-il besoin de rappeler que son sirop d’érable est québécois quand presque 100 % du sirop d’érable mondial vient d’ici ? Les entreprises font une démarche de certification lorsque c’est pertinent pour elles. Mais ce n’est pas le Panier bleu qui certifie. »

« Le Panier bleu ne délogera pas Amazon, un peu de la même manière que Tou.tv ne délogera pas Netflix. L’enjeu est d’être là. D’être présent au monde. »

Plus de marchands, plus de produits

S’il reconnaît que les gens « s’attendaient à plus » de cette place de marché québécoise, Bruno Guglielminetti croit que tout n’est pas perdu.

M. Guglielminetti soutient que le salut du Panier bleu passera par la présence d’une masse critique de marchands, un « chiffre magique » de 500, voire 1000. « Plus il y aura de marchands, plus il y aura de produits offerts. »

« C’est le principe des centres commerciaux, illustre-t-il. Le succès du DIX30, c’est ça. Il y a énormément de choix et quand les gens se rendent là, ils se disent que c’est sûr qu’ils vont trouver ce qu’ils veulent. »

À l’instar de M. Guglielminetti, François Vincent estime que le Panier bleu ne doit pas s’avouer vaincu. Il salue par ailleurs la sortie de M. Dumas. « On n’arrive à rien à rester dans nos bureaux et à regarder nos chiffres. »

Les Québécois auraient-ils été trop sévères envers le Panier bleu ? « Le Panier bleu, comme initiative, je pense qu’on a été trop sévère, répond Bruno Guglielminetti. Mais basé sur l’argent qui a été investi dans ce projet-là, dans les deux premières années, on était en droit d’être sévère. »

Créé en avril 2020 pour stimuler l’achat local, le Panier bleu est passé du statut d’OBNL à celui de société privée en juin 2022. La plateforme est devenue transactionnelle en octobre 2022.

1. Lisez la lettre ouverte d’Alain Dumas

Le Panier bleu en bref

  • Année de création : 2020, en pleine pandémie
  • Directeur général : Alain Dumas
  • Nombre de marchands actuellement inscrits : 350
  • Nombre de produits : 110 000
  • Propriétaire : Plateforme Agora inc.
  • Actionnaires minoritaires : Desjardins, le Fonds de solidarité FTQ, Lightspeed et le gouvernement du Québec (Investissement Québec)
  • Investissements : plus de 22 millions