Contrairement à ce qu’on croyait avant la pandémie et l’accroissement du télétravail, les employés qui travaillent à distance se sentent plus engagés envers leur entreprise que ceux qui sont tous les jours au bureau. Ce sont les premiers constats d’une vaste enquête du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

Le CIRANO a entrepris au printemps 2022 une longue étude sur les diverses facettes du travail. Pour une période de deux ans, le CIRANO suit la performance et la satisfaction au travail de 10 000 employés d'entreprises et organisations situées au Québec.

Les chercheurs ont présenté leurs premiers résultats mercredi lors d’un webinaire.

Depuis que les employés ont pris goût au télétravail, les entreprises et les spécialistes des ressources humaines à travers le monde brandissent le spectre de la diminution du niveau d’engagement des employés pour refuser le travail à distance.

Cette inquiétude n’est pas confirmée par l’étude du CIRANO. Bien au contraire.

Les employés qui travaillent à distance ont un niveau d’engagement plus élevé envers leur travail, un engagement moral plus élevé envers leur employeur et éprouvent un sentiment d’appartenance plus fort envers leur organisation que ceux qui sont toujours au bureau.

« Notre projet de recherche se distingue, explique Sylvie St-Onge, professeure titulaire à HEC Montréal. On prend en compte [le fait] qu’il y a une diversité de modes de travail hybride au sein des organisations. »

Les chercheurs ont interrogé des employés qui sont tous les jours au bureau, qui travaillent une journée à distance, deux journées à distance, trois ou quatre journées à distance et 100 % en télétravail.

L’étude confirme que la quasi-totalité des télétravailleurs (plus de 90 %) estime travailler autant ou plus d’heures par jour.

Jusqu’à présent, la majorité des répondants se disent satisfaits de leur travail, mais ceux qui travaillent à distance ou en mode hybride le sont encore plus. Les employés qui ont la possibilité de faire du télétravail, tous modèles confondus, ont aussi un meilleur sentiment d’efficacité et s’estiment plus productifs dans le confort de leur foyer.

Une perspective personnelle

« Ceux qui travaillent trois jours et plus à distance estiment qu’ils sont plus productifs par rapport à la moyenne globale. Vous allez voir un peu cette tendance autour de trois jours et plus », a fait remarquer Ali Béjaoui, professeur agrégé à l’Université du Québec en Outaouais, lors de la présentation des résultats, qualifiés de portrait des employés à l’été 2022, lequel pourrait évoluer au fil des deux prochains questionnaires.

« Notre questionnaire prend une perception individuelle, précise Sylvie St-Onge. C’est la perception des employés. Les cadres qui ont répondu ont répondu pour eux. On n’a pas la perspective organisationnelle et on ne prétend pas avoir une perspective sociétale. »

Cependant, comme le but de l’étude est d’apporter des données probantes pour aider les employeurs dans leur prise de décision en matière d’organisation du travail, la chercheuse rappelle que « c’est avec leur perception que les employés se comportent et décident de quitter ou [une entreprise de s'y joindre] ».

Une majorité d’employés reconnaissent le droit de gestion de l’employeur, puisque 68 % des répondants sont d’accord ou tout à fait d’accord pour que ce soit lui qui fixe le nombre de jours de travail à distance. La moitié des répondants (55 %) estiment qu’ils ont de la flexibilité dans le choix des heures de travail à distance.

Pour ce qui est du soutien de l’organisation, des collègues et du supérieur immédiat, il est estimé plus faible parmi les employés qui sont toujours sur les lieux de travail.

Le prochain questionnaire sera distribué aux participants en mars prochain.