Les défenseurs des droits des consommateurs et l’industrie aérienne s’entendent sur une chose : pas besoin d’imiter intégralement l’Europe afin de mieux protéger les voyageurs. C’est plus compliqué pour le reste. La responsabilité des transporteurs de donner l’heure juste lors d’imprévus demeure un élément de discorde.

D’un côté, on reproche aux compagnies aériennes de fournir des explications incomplètes à leurs clients pour leur permettre de savoir s’ils sont admissibles à une indemnité en vertu du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA). À l’autre bout du spectre, on fait valoir qu’il est difficile de déterminer le niveau adéquat d’information à offrir.

La question a occupé une bonne partie des échanges d’une table ronde organisée par l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill, vendredi, à laquelle participaient des représentants d’Option consommateurs, de WestJet, de l’Association du transport aérien international (IATA) et de l’Office des transports du Canada (OTC) – responsable de l’application du RPPA.

« C’est au voyageur qu’il incombe d’effectuer la réclamation lorsqu’il y a des imprévus, a souligné Sylvie De Bellefeuille, avocate d’Option consommateurs. Pour ce faire, le passager doit se fier aux informations fournies par les transporteurs. Il va sans dire que ces derniers sont en conflit d’intérêts ici. »

Indemnité minimale en cas de retard ou d’annulation :

  • 3 heures ou plus, mais moins de 6 heures : 400 $
  • 6 heures ou plus, mais moins de 9 heures : 700 $
  • 9 heures ou plus : 1000 $

(Pour les transporteurs comme Air Canada, Air Transat, etc.)

Il existe trois catégories de retards : les situations attribuables au transporteur ; les situations attribuables au transporteur, mais nécessaires par souci de sécurité ; les situations indépendantes de la volonté du transporteur. La deuxième catégorie s’est retrouvée au cœur d’échanges entre Mme De Bellefeuille et Jared Mikoch-Gerke, directeur des relations gouvernementales et réglementaires chez WestJet. Bon nombre de voyageurs se sont vu refuser une indemnité au cours de la dernière année parce qu’une compagnie attribuait ses imprévus à des questions de sécurité – par exemple des bris mécaniques.

À changer

Option consommateurs estime que cet aspect du RPPA devrait être mieux défini s’il est renforcé. À la suite des épisodes chaotiques du temps des Fêtes dans les aéroports, le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a récemment laissé entendre que la charte des voyageurs pourrait avoir plus de mordant.

« Je ne dis pas qu’il faut faire un copier-coller de ce qui se fait en Europe », a dit Mme De Bellefeuille.

Il faut que les responsabilités d’une compagnie aérienne soient bien définies. Le problème [dans le RPPA] est qu’il existe un aspect sur la sécurité, mais qu’il est flou.

Sylvie De Bellefeuille, avocate d’Option consommateurs

L’OTC, qui doit traiter plus de 34 000 plaintes reçues de voyageurs mécontents depuis l’entrée en vigueur de la charte des voyageurs, à la fin de 2019, semble du même avis. Prudent, Tom Oommen, directeur de l’analyse au sein de l’organisme fédéral, a rappelé que sa présidente, France Pégeot, s’était déjà exprimée sur le sujet.

« La présidente avait déclaré, lors d’une comparution devant le Comité permanent des transports des Communes, qu’elle estimait que les trois catégories de perturbations des vols manquaient de clarté et qu’il était difficile pour les voyageurs de savoir à quoi ils avaient droit. »

Appelé à s’exprimer sur la question, le représentant de WestJet a affirmé que tout ce qui tourne autour de la notion de sécurité est « compliqué ». M. Mikoch-Gerke a reconnu que l’industrie aérienne pouvait s’améliorer en matière de communication. Il a affirmé que le transporteur albertain serait même prêt à dresser une liste plus complète de ce qui représente un enjeu de sécurité.

Plus que les transporteurs

M. Mikoch-Gerke a également soulevé un argument jugé « légitime » par Option consommateurs : il n’y a pas qu’aux compagnies aériennes qu’il faut serrer la vis. Le chaos aéroportuaire est aussi imputable à des acteurs qui relèvent d’Ottawa comme l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) – l’agence fédérale qui assure la sécurité dans les aéroports – ainsi que l’Agence des services frontaliers du Canada.

« Les compagnies aériennes sont les seules entités réglementées, a souligné M. Mikoch-Gerke. C’est là qu’il y a un problème. »

Ce que nous souhaitons, c’est que d’autres entités partagent la responsabilité lorsqu’il y a des perturbations. Il faut que tout le monde soit au même niveau, pas uniquement les transporteurs.

Jared Mikoch-Gerke, directeur des relations gouvernementales et réglementaires chez WestJet

Au cours de l’été, un manque d’agents de l’ACSTA et un nombre de douaniers insuffisant dans les aéroports avaient provoqué des retards qui se comptaient souvent en heures tant au départ qu’à l’arrivée.