Le temps des Fêtes s’est rapidement transformé en cauchemar pour bien des voyageurs avec la multiplication des retards, des annulations et des bagages égarés. Une tempête hivernale est venue brouiller les cartes, mais les données montrent que presque toutes les compagnies aériennes ont été prises de court, ce qui a gâché les vacances de bien des gens.

À la demande de La Presse, les firmes Cirium et FlightAware, qui compilent des données sur l’industrie aérienne, ont brossé le portrait des retards et des annulations entre le 19 décembre et le 4 janvier. À l’échelle nationale, il y en a eu plus de 2400 pendant cette période. Au moins deux transporteurs, Flair Airlines et WestJet, affichent des taux d’annulation supérieurs à 10 %. À l’opposé, Air Transat fait bonne figure avec un taux de « vols complétés » estimé à 99,5 %.

Les déboires de Sunwing, qui a entre autres eu toutes les misères du monde à rapatrier des centaines de voyageurs coincés au Mexique après avoir annulé leur vol de retour, ont été largement médiatisés. C’est surtout au chapitre des retards, notamment à Montréal-Trudeau, que la compagnie fait piètre figure. Comment les aéroports ont-ils encore une fois été le théâtre de files qui paraissent interminables, de valises agglutinées et de voyageurs qui ne savent plus où donner de la tête ? Avec des avions presque remplis, la marge de manœuvre était très mince pour plusieurs compagnies aériennes.

« Certains gestionnaires voulaient des appareils remplis sans avions de réserve au sol pour maximiser les revenus et les profits parce que le temps des Fêtes représente la période la plus rentable de l’hiver, explique l’expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek. Sans cette flexibilité, on peut difficilement rattraper le retard accumulé. »

Du mauvais pied

Si l’industrie aérienne a ses torts, elle n’a pas été aidée par la tempête hivernale qui a balayé le pays dans les jours précédant Noël ni par les conditions météorologiques difficiles aux États-Unis. Par exemple, la neige et le froid ont temporairement paralysé l’aéroport de Vancouver.

Puisque peu de régions ont été épargnées par les aléas météorologiques, cela explique en partie pourquoi Air Canada et WestJet affichent davantage d’annulations. L’empreinte de ces deux transporteurs est plus étendue que celle de leurs rivales. Par exemple, des appareils qui étaient attendus au Québec et en Ontario sont demeurés coincés dans l’Ouest canadien, ce qui a exacerbé les difficultés logistiques.

Les retards et les annulations sont pratiquement inévitables dans les aéroports lorsque d’importantes chutes de neige sont accompagnées de forts vents, rappelle Mehran Ebrahimi, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile. On ne peut toutefois pas tout mettre sur le dos de la météo, ajoute l’expert. Pour les voyageurs, les déboires de transporteurs comme Sunwing témoignent des lacunes en matière de planifications chez certains, croit M. Ebrahimi.

Pourquoi Air Transat a-t-elle été capable de bien s’en tirer ? On parle d’une question de management. Quand on tente de surexploiter des avions et le personnel sans véritable plan de contingence, on ne transporte plus des passagers du point A au point B, mais on tente plutôt de maximiser ses profits.

Mehran Ebrahimi, professeur à l’UQAM et directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile

Du côté de Montréal-Trudeau, c’est Air Transat qui s’est avérée la plus fiable puisque presque tous ses vols ont eu lieu comme prévu. WestJet a annulé près de 20 % de ses vols. En ce qui a trait aux retards, environ 7 vols sur 10 exploités par Sunwing sont arrivés avec au moins 15 minutes de retard, selon FlightAware. Il s’agissait de la pire performance parmi les principales compagnies canadiennes présentes à Montréal-Trudeau.

D’autres ratés

M. Gradek impute également les scènes chaotiques survenues dans les aéroports à une communication déficiente des transporteurs aériens. Selon cet ancien gestionnaire chez Air Canada, on a souvent trop tardé pour prévenir les voyageurs des changements à leurs vols.

« Cette fois-ci, les gens se sont rendus à l’aéroport pour apprendre sur place qu’il y avait des changements, explique l’expert. À Vancouver, à un moment, on s’est retrouvé avec 100 000 personnes dans l’aérogare. On n’a pas fait l’effort d’avertir les passagers. »

Selon le chargé de cours, cela témoigne d’une perte d’expertise dans l’industrie aérienne provoquée par la pandémie, qui a incité des travailleurs d’expérience à quitter l’industrie pour des emplois jugés plus stables.

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    Nombre de vols annulés aux États-Unis par Southwest Airlines, visage de la débâcle de l’industrie aérienne dans ce pays
    Source : Southwest airlines