Le débat sur le Fonds des générations s’est introduit dans la campagne électorale, et ce n’est pas surprenant.

D’une part, pour la période de la pandémie de 2020-2021 à 2022-2023, le ministre des Finances a décidé de respecter le principe du versement des contributions au Fonds pour le remboursement des déficits passés même si cela obligeait à emprunter environ 10,8 milliards supplémentaires. D’autre part, pour les autres partis politiques qui cherchent à financer de nouvelles dépenses ou des baisses d’impôt sans accroître le déficit, il est alléchant d’utiliser les versements actuellement destinés au Fonds des générations. Le remboursement de la dette n’est plus une priorité.

Ce débat est devenu compliqué avec la publication du Rapport préélectoral sur l’état des finances publiques du ministère des Finances, qui a été rendu public le 15 août. Ce rapport présente une amélioration importante du cadre budgétaire du gouvernement découlant d’une hausse plus rapide du PIB. Malgré que cette révision ait été jugée plausible mais risquée par le Bureau du vérificateur général, le chroniqueur de La Presse Francis Vailles y voit la possibilité d’une solution intermédiaire qui serait de réduire la croissance des versements annuels au Fonds.

Lire la chronique « Faut-il démanteler le Fonds ? »

Ce serait possible car le niveau de la dette relative est maintenant stabilisé, voire diminué en bas de l’objectif initial qui était de réduire la dette brute à 45 % du PIB. Toutefois, face à la possibilité croissante d’une récession économique, il apparaît actuellement prématuré de compter sur une amélioration financière qui est incertaine.

Le Fonds des générations

Par ailleurs, le Fonds des générations est un instrument de politique budgétaire qui repose sur des prémisses ambiguës. Il a été créé en effet en 2006 dans la foulée de la réforme de la comptabilité budgétaire introduite en 1997-1998. Jusque-là, le gouvernement avait utilisé une comptabilité de caisse incluant à la fois les dépenses de fonctionnement et d’investissement. Cette méthode fut remplacée par une comptabilité d’exercice équivalente à celle utilisée pour les entreprises.

Un des avantages de la nouvelle comptabilité est d’avoir permis de séparer la dette totale entre celle qui a servi à financer les investissements et celle qui a servi à financer les déficits budgétaires cumulés. C’est dans le but d’éviter de transférer cette dernière dette aux générations futures que le Fonds des générations a été créé en consacrant à cet effet des revenus spéciaux et en fixant des objectifs précis de niveaux de dette à atteindre en pourcentage du PIB en 2025-2026.

Dix ans après sa création, au 31 mars 2016, la portion de la dette pour les déficits cumulés représentait 32,9 % du PIB et l’objectif initial était de la réduire d’ici 2025-2026 à 17 %. Cet objectif ne sera pas atteint, car on prévoit actuellement que le pourcentage sera au 31 mars 2026 de 19,2 %, ce qui équivaut à une différence de 13 milliards.

Dans le budget de 2022-2023, le gouvernement a annoncé qu’il réviserait pour les années futures la politique de réduction de la dette qui vient à échéance en 2025-2026. L’accent sera mis sur la dette nette et l’objectif sera basé sur la comparaison avec la moyenne canadienne, ce qui signifie en fait d’atteindre la moyenne des autres provinces. À la fin de la présente année financière, la dette nette du Québec sera de 206,7 milliards, soit 39,8 % du PIB, alors que la moyenne canadienne sera de 33,0 %, soit 17,1 % de moins, ce qui représente 35,3 milliards. Sur cette base, on constate que le Québec est encore lourdement endetté comparativement aux autres provinces.

En conclusion, le Québec est non seulement surendetté, mais avec la nouvelle comptabilité, il est doté d’un système de gestion des finances publiques qui diffère de la pratique internationale en ne gérant pas les dépenses de fonctionnement et d’investissement comme un tout. On a ainsi compliqué la gestion des équilibres financiers et la gestion des programmes est devenue aussi plus compliquée en abolissant les instances décisionnelles régionales, en centralisant la gestion des réseaux de services, en sous-finançant les budgets opérationnels de la santé, de l’éducation, des services sociaux, de l’hébergement des personnes âgées et en ne s’occupant pas suffisamment de l’entretien des bâtiments et équipements. Même les services de justice et de sécurité publique sont sous-financés.

Nous sommes en rattrapage dans tous les secteurs alors que les partis politiques veulent maintenant diminuer les impôts plutôt que de s’attaquer aux problèmes difficiles de la gestion et du financement des services essentiels. On s’en va où quand la gestion de nos finances publiques est aussi déboussolée ?