Dans un contexte de pandémie et de pénurie de talents dans le secteur des services traditionnels, la question du service à la clientèle est à l’ordre du jour. Quel avenir pour le service à la clientèle ? Est-ce que les entreprises peuvent s’en passer ou, à tout le moins, le négliger ?

La semaine passée, j’ai tenté de contacter une entreprise de réparation de toiture. Le site web invite à appeler au centre de service à la clientèle. Celui-ci, par l’entremise d’une longue réponse automatique, renvoie au site web pour prendre rendez-vous, s’excusant d’un énorme volume d’appels. Retour sur le site web, la prise de rendez-vous en ligne ne fonctionne pas. L’ironie nous renvoie à des images des 12 travaux d’Astérix et au logo d’Air Canada dans la même fraction de seconde pendant que l’on contacte un concurrent plus dégourdi.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Pascal Leduc, président de Leduc Stratégie et Conseil en gestion commerciale

Plus tôt cette année, des amis et moi avions réservé une table à mon restaurant italien chic préféré près du Centre Bell, pour 17 h, bien en avance pour le spectacle auquel j’allais assister. La salle à manger étant relativement inoccupée à notre arrivée, nous n’avions aucun doute quant à la qualité du service que nous obtiendrions. Hélas, nous subissons un service horriblement lent et des clients arrivant bien après nous sont servis avant. J’intercepte alors un serveur qui me répond sarcastiquement : « Mon confrère sera avec vous dans vingt-deux dixièmes de seconde ».

De longues minutes plus tard, j’en appelle un autre qui fuit en disant : « I don’t speak French ». De guerre lasse, j’intercepte le propriétaire qui finit par venir nous voir en nous accusant d’abord d’impatience. M’efforçant de le calmer, j’obtiens des aveux de sa part alors qu’il se dit dépassé par le manque de main-d’œuvre qualifiée. Cependant, il ne semble nullement inquiet que je vive sur-le-champ mon deuil de mon restaurant préféré, faute de service et surtout de respect !

De telles histoires de clients honnêtes, mais désappointés par leur expérience, il y en a sûrement plusieurs milliers.

Pensons à ceux qui voyagent cet été. Et ces mêmes clients voient se multiplier les pancartes dans les commerces et boutiques donnant des leçons de civilité, comme si un barbare menaçait de se déclarer soudainement chez la majorité d’entre nous en entrant dans leur établissement.

Une bonne expérience client et le service à la clientèle sous-jacent resteront pourtant une clé du succès. L’inflation, un marché du travail à l’avantage des travailleurs, le commerce électronique et la sortie de la crise sanitaire forceront des commerces à se réinventer et à ajuster leur offre et l’expérience conséquente attendue par la clientèle. Les autres finiront par s’éclipser, comme l’évoque un rapport de la FCEI dans La Presse.

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Un plus grand humanisme des patrons d’entreprise est essentiel, mais devra être à la fois authentique et tous azimuts. Des employés bien traités offriront un bon service, tandis que des clients satisfaits et loyaux sont la clé de la prospérité de l’entreprise. On ne choisit pas entre les deux, ils sont indissociables.

La transformation numérique constitue aussi un incontournable outil afin de bonifier leur service à la clientèle et réduire toute pression excessive sur les employés. Néanmoins, pendant que nos nostalgiques associations patronales continuent de réclamer le retour aux belles années de la main-d’œuvre abondante et à bon marché, des experts s’inquiètent du retard québécois en matière de productivité et d’investissements privés en automatisation.

On peut comprendre que les investissements requis en refroidissent plus d’un. En revanche, avec la transformation numérique, le service à la clientèle prend également un virage omnicanal permettant de répondre à la clientèle selon ses attentes face au service choisi, au moment choisi : magasinage en boutique avec caisses automatisées, commandes en libre-service, achat en ligne avec livraison à domicile ou achat en ligne avec ramassage à un endroit déterminé. Un déploiement bien exécuté et de nouvelles options pour le consommateur permettraient-ils à des commerçants de fermer la boutique le dimanche ? De grands défis et sources de réflexion pour nos commerces traditionnels dans une économie naviguant vers un retour à une certaine normalité. Avec celle-ci, on sonne le glas du mauvais service que certains justifient sans gêne « à cause de la COVID-19 ».