(Baie-Saint-Paul) Ministre des Finances de l’éphémère gouvernement péquiste de Pauline Marois de 2012 à 2014, spécialiste et professeur d’économie publique au département des sciences économiques de l’UQAM, Nicolas Marceau a entrepris de restaurer et de réactualiser le projet de faire du Québec un pays. Dans le livre Une fois le Québec souverain, il a décidé de le faire en partageant ses réflexions, ses constats et la mécanique qui permettrait d’y arriver.

Nicolas Marceau a été député péquiste de la circonscription de Rousseau où il a été élu en 2009, 2012 et 2014, avant de reprendre sa carrière d’enseignant universitaire à l’UQAM après une cuisante défaite à l’élection de 2018.

S’il avoue ne cultiver aucune amertume de ces années passées en politique active et apprécier son retour à la vie universitaire, l’ex-ministre des Finances confesse toutefois déplorer la mise entre parenthèses du projet d’indépendance du Québec.

« La souveraineté est aussi nécessaire qu’il y a 20 ou 50 ans. On ne part pas de zéro. Depuis 1995, il n’y a pas eu de déclin, il y a toujours des millions d’indépendantistes au Québec, mais ils sont dispersés dans plusieurs partis.

« Le problème, c’est qu’on n’a pas réévalué la façon de présenter le projet, on n’a pas compris que la même recette allait donner le même résultat. C’est pourquoi j’ai écrit ce livre et voulu proposer d’autres façons d’atteindre l’objectif. Enfin, l’histoire s’accélère à une vitesse surprenante.

« Qui aurait cru que l’URSS et le bloc communiste allaient s’effondrer six ans après l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en 1985 ? La souveraineté du Québec pourrait rapidement revenir à l’ordre du jour », expose Nicolas Marceau.

Plus de 40 % des Québécois sont nés après 1982 et n’ont pas connu le référendum de 1995. Il faut les ramener dans le débat comme il faut ramener les souverainistes latents qui ne se retrouvent plus dans le débat.

Nicolas Marceau

C’est pour ces raisons notamment qu’il a entrepris en février 2020 l’écriture de son livre et qu’il s’y est mis à fond lorsque la pandémie a tout arrêté le mois suivant.

« Quand j’étais en politique de 2009 à 2018, j’étais un joueur d’équipe. Je donnais mon opinion, mais dans un caucus de 30 ou 50 personnes, tu as trois minutes pour t’exprimer. Dans un congrès, tu as deux minutes pour donner ton point de vue. Avec les médias, c’est un clip de 30 secondes.

« Là, j’ai pris le temps de faire le tour de la question pour démontrer que le Québec a évolué et que la mécanique pour accéder à l’indépendance a aussi évolué », explique l’ex-ministre des Finances.

Au-delà de la vision économique

Même si son livre aborde largement la réalité et les enjeux économiques qui militent en faveur de l’indépendance du Québec, Nicolas Marceau a voulu ratisser beaucoup plus large afin d’inclure des thèmes sociaux, culturels, linguistiques et historiques pour étoffer son point de vue.

« Je suis sorti de ma zone de confort pour brosser le portrait le plus large possible du Québec. Mais au départ, je rappelle qu’un gouvernement prend des décisions pour l’ensemble de sa population. »

Ottawa prend des décisions pour le Canadien moyen, mais chaque jour, Statistique Canada et l’Institut de la statistique du Québec nous démontrent que les Québécois sont différents, que ce soit sur les heures de travail, la composition des ménages, la consommation culturelle, l’énergie, la transition énergétique, la santé…

Nicolas Marceau

Son livre a été construit en trois parties, explique-t-il. La première fait le rappel de ce que sont les fondements de la souveraineté. Les lois, les relations extérieures, les droits de minorités, des Autochtones…

« J’ai même ajouté une annexe sur la monnaie québécoise. Les souverainistes ont longtemps voulu temporiser en prônant le maintien du dollar canadien dans un Québec indépendant. C’est ce qui a fait couler le projet d’indépendance en Écosse.

« De 1991 à 2014, 28 nouvelles monnaies sont apparues dans le monde, et cela n’a créé aucun bouleversement ni banqueroute. Le Québec pourrait très bien adopter temporairement une monnaie arrimée au dollar américain avant d’adopter une monnaie à taux de change unique », plaide l’économiste.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Nicolas Marceau, à Baie-Saint-Paul

Nicolas Marceau rappelle aussi les arguments traditionnels qui militent en faveur de la souveraineté, que ce soit de mettre fin à la duplication des fonctions publiques, de participer pleinement à la mondialisation et aux accords commerciaux avec un État complet et sur la faisabilité économique du projet.

« On deviendrait l’État le plus riche de l’histoire de l’humanité à accéder à l’indépendance. On serait, en termes de produit intérieur brut par habitant, à parité de pouvoir d’achat parmi les 30 pays les plus riches du monde », relance l’économiste.

D’où on vient, où on va

Les deuxième et troisième parties du livre sont consacrées à documenter le chemin parcouru depuis la Révolution tranquille des années 1960 et celui qui reste à venir pour accéder à l’indépendance, « la mécanique de l’immédiateté », selon les mots de l’auteur.

« Je me suis inspiré des travaux de l’économiste Pierre Fortin pour rappeler comment nous sommes passés de l’état d’infériorité économique des années 1960 au rattrapage complet réalisé aujourd’hui. Depuis 2010, on a comblé le retard. Le PIB par habitant à parité de pouvoir d’achat et le taux de scolarisation du Québec sont comparables à ceux de l’Ontario.

« L’État providence est lui aussi arrivé à maturité. Les Québécois toujours soucieux de maintenir un filet social inclusif veulent maintenant un État efficace », observe Nicolas Marceau.

Ce qui l’amène à conclure que la souveraineté du Québec n’est plus l’apanage de la gauche ou du centre gauche qui ont traditionnellement porté ce projet. Pour réaliser la souveraineté, le Québec doit mobiliser d’abord toutes les forces en présence dans l’élaboration d’un programme d’édification nationale.

« On n’a pas à décider ou à dire que le Québec sera à gauche, au centre ou à droite. On doit faire la souveraineté, et les Québécois décideront où ils veulent aller après », soutient Nicolas Marceau.

C’est pourquoi il est un partisan convaincu de la clarté et de l’immédiateté.

« Il faut dissocier la souveraineté d’un projet de société. On définira après si on sera un Québec plus riche, plus solidaire, plus vert. Il faut d’abord travailler à l’édification nationale en expliquant aux Québécois, avant une élection, la mécanique pour y arriver », plaide-t-il.

Comme plusieurs, Nicolas Marceau est convaincu de l’incontournable nécessité de la souveraineté du Québec. Mais comme plusieurs aussi, il constate que le grand problème, c’est qu’on n’en parle pas assez.

Une fois le Québec souverain sera en librairie le 24 août.

Une fois le Québec souverain

Une fois le Québec souverain

VLB