Afin de couper l’herbe sous le pied de l’Ontario et convaincre Moderna, le gouvernement Legault lui a offert 25 millions, ce qui représente environ 15 % du coût de la future usine montréalaise de la société pharmaceutique – un chantier chiffré à 180 millions par Québec.

Cette somme n’avait pas été divulguée en avril dernier lorsque l’implantation de cette usine de production de vaccins avait été annoncée en grande pompe par les gouvernements Trudeau et Legault ainsi que par le grand patron de la société, Stéphane Bancel. Un récent décret gouvernemental révèle cependant que l’aide se décline en deux volets : une subvention de 16,6 millions et un prêt-subvention – un outil très prisé par le gouvernement Legault – de 8,4 millions.

Il n’a toutefois pas été possible d’avoir plus de détails. Le ministère de l’Économie et de l’Innovation n’a pas voulu dire quels étaient les paramètres (seuil d’emplois, taille des investissements, etc.) à respecter par Moderna pour éviter d’avoir à rembourser son prêt-subvention.

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Justin Trudeau et François Legault lors de l’annonce en avril dernier

« Ces éléments d’information sont confidentiels, s’est borné à indiquer son porte-parole, Jean-Pierre D’Auteuil, par courriel. Le projet est hautement stratégique pour le Québec. L’analyse par Investissement Québec et le Ministère demeure confidentielle. »

« À terme, l’usine montréalaise de Moderna produira annuellement jusqu’à 100 millions de doses de vaccins contre la COVID-19 ainsi que l’influenza. Convoitée par l’Ontario et le Québec, la multinationale a finalement opté pour Montréal. Le lieu exact qui accueillera le complexe n’a pas encore été dévoilé publiquement et la construction n’a pas encore débuté. »

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Cette décision de Moderna représente une étape déterminante dans les efforts du gouvernement Trudeau pour reconstruire le secteur de la biofabrication et des sciences de la vie. Ottawa n’épaule pas Moderna de la même façon que Québec. Le gouvernement Trudeau achètera des vaccins produits dans la nouvelle usine avec un « budget supplémentaire ». Celui-ci n’a toujours pas été chiffré.

Le premier ministre François Legault avait évoqué une facture de 180 millions pour l’usine de Moderna. La société n’a pas voulu confirmer cette estimation. L’investissement total de la pharmaceutique serait toutefois estimé à plusieurs centaines de millions.

Jouer le jeu

Quand ils tentent d’attirer une grande entreprise, les gouvernements se retrouvent souvent entre l’arbre et l’écorce lorsqu’il y a plusieurs prétendants, souligne Ivan Tchotourian, professeur spécialisé dans la gouvernance et la responsabilité sociale à l’Université Laval.

« Si on ne le fait pas [aider financièrement] et qu’on se retrouve avec une usine qui ne vient pas, on dirait que le gouvernement a raté le bateau, affirme l’expert. Mais c’est de l’argent qui sort des coffres de l’État pour aider une entreprise privée. La vraie question, c’est de savoir ce qu’apportera Moderna dans une dizaine d’années. »

Dans l’immédiat, M. Tchotourian reconnaît que les contribuables risquent d’avoir l’impression que Québec finance une « grande entreprise privée » qui n’a « pas besoin de soutien financier tant que cela ».

Moderna est l’un des deux grands fabricants de vaccins à base d’ARN messager contre la COVID-19 dans le monde – l’autre étant Pfizer-BioNTech.

Chez Montréal InVivo, qui représente la grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé du Grand Montréal, on estime que le jeu en vaut la chandelle. Le Québec n’est pas le seul endroit à épauler financièrement des entreprises, estime le président-directeur général de l’organisation, Frank Béraud.

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Frank Béraud, PDG de Montréal InVivo

« Dans un paysage concurrentiel où ce genre d’aide financière existe, il faut que le Québec et le Canada en tiennent compte, dit-il. Pour notre secteur, c’est important d’avoir Moderna ici avec une présence manufacturière. C’est une expertise que l’on continue de développer. »

Anie Perreault, directrice générale sortante de BioQuébec, qui représente les intérêts de l’industrie québécoise, abonde dans le même sens, estimant que le soutien gouvernemental permettra de consolider un maillon de la chaîne : la production.

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  • 12 milliards US
    Profits nets engrangés par Moderna pendant l’exercice financier 2021
    source : Moderna