Création d’emplois, hausse du salaire médian, « momentum » pour la recherche : la nouvelle usine montréalaise de Moderna aura un effet « très positif » sur l’économie d’ici, prévoit le président de la société pharmaceutique américaine.

« On va avoir un effet très positif sur l’économie montréalaise, je pense. Le niveau de salaire sera élevé dans le métier. On parle de gens qui ont des connaissances scientifiques et techniques importantes. Mais aussi, il y aura tous les métiers autour qui vont être créés indirectement », affirme le PDG de Moderna, Stéphane Bancel, en entrevue avec La Presse.

Il soutient que l’« écosystème » économique qu’il veut créer autour de l’usine impliquera « tout un réseau de métiers », du pâtissier au restaurateur, en passant par des commerces de proximité. « C’est la chose la plus importante pour nous : aider l’économie d’ici », insiste-t-il encore.

Mercredi, La Presse a révélé que Montréal avait damé le pion à Toronto pour accueillir cette usine de production de vaccins à base d’ARN du géant pharmaceutique. On ignore encore le lieu exact où sera installée l’usine, mais plusieurs « secteurs stratégiques » de l’île ont déjà été définis, affirme le principal intéressé. Une annonce devrait suivre prochainement. Et Moderna vise à commencer la construction dès l’été prochain.

« On veut une usine rapidement, donc il faut absolument démarrer les fondations et tout ça avant que le sol ne soit trop dur l’hiver venu », dit M. Bancel, qui estime que la construction « prendra de deux à trois ans ».

C’est que ce type d’usine est « très complexe » à mettre sur pied, rappelle-t-il. « On fait des produits injectables dans des êtres humains, donc il y a des règles sanitaires très importantes à respecter. Et on va démarrer le site vraiment de rien, donc il faut tout construire et tout valider. »

Pour chaque machine, chaque système informatique, chaque logiciel, on doit prouver à Santé Canada que tout fonctionne exactement comme prévu. Il y a une exigence de qualité très élevée qui prend du temps, au-delà de la construction. Et bien sûr, former le personnel, ça prend aussi du temps.

Stéphane Bancel, PDG de Moderna

Il ne prévoit pas d’autre usine au Canada pour le moment, mais ne ferme pas la porte. « Dans le futur, on verra la demande. S’il y a un besoin, on sera toujours ouverts à faire une autre usine, mais pour l’instant, le but, c’est de faire marcher celle-ci. »

Un avantage d’abord économique

En conférence de presse vendredi, le premier ministre du Québec, François Legault, a aussi soutenu que l’avantage de l’arrivée d’un acteur comme Moderna à Montréal était d’abord économique. « Si on veut continuer de réduire l’écart de richesse avec nos voisins, il faut augmenter le salaire moyen. Et là, on va avoir des emplois payants », a-t-il dit.

Il espère voir la culture « changer » au Québec dans la manière dont les universités travaillent avec le milieu des affaires. « Travailler avec les entreprises, ça n’enlève rien aux universités. Au contraire, ça permet d’en faire plus », a-t-il plaidé, disant vouloir multiplier les « zones d’innovation » dans la province qui font de la recherche « appliquée et commercialisée ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Justin Trudeau et François Legault

« L’arrivée de Moderna va créer des centaines de bons emplois et va permettre de continuer à stimuler des talents ici dans la science », s’est aussi réjoui le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, en confirmant que l’usine aurait une capacité de production de 100 millions de doses par année, pour des vaccins tant contre la COVID-19 que contre l’influenza. Son gouvernement compte également « créer un milieu où il y aura une effervescence de recherche et production ».

Au total, l’usine coûtera 180 millions, selon ce qu’a avancé François Legault. Ottawa injectera de son côté un budget supplémentaire pour acheter des vaccins provenant de la nouvelle usine.

« On va inventer l’avenir des vaccins ici, chez nous », a fait valoir François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, parlant d’un pas majeur pour l’écosystème de recherche canadien. « C’est une consécration », s’est enfin réjoui le ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé, selon qui tout le réseau de la santé profitera de cette nouvelle usine.

Dans les coulisses, on rappelle que cette usine représente une étape déterminante dans les efforts du gouvernement Trudeau visant à reconstruire le secteur de la biofabrication et des sciences de la vie au pays. L’usine permettra de consolider l’écosystème de l’industrie pharmaceutique dans la région de Montréal, afin de se préparer – par exemple – à d’autres « éventuelles pandémies ».

Moderna est l’un des deux grands fabricants de vaccins à base d’ARN messager contre la COVID-19 dans le monde – l’autre étant Pfizer-BioNTech. Les vaccins fabriqués par ces deux sociétés ont été utilisés par bon nombre de pays pour vacciner leur population, notamment le Canada et les États-Unis.