Traitements de la santé mentaleLes espoirs brisés de la kétamine au privé
Des milliers de dollars gaspillés. L’abattement. Le désespoir… Au lieu d’être soulagés grâce à la kétamine, un anesthésique de plus en plus utilisé comme antidépresseur rapide dans des hôpitaux – et même par des célébrités comme Elon Musk –, des Québécois ont dégringolé après en avoir reçu dans des cliniques privées aux approches controversées et parfois risquées, révèle notre enquête.
Cliniques privées et kétamine
Des lacunes exposées sur le web
Les cliniques de kétamine vantent leurs traitements sur les réseaux sociaux et leurs sites web. Mais certaines de leurs affirmations sont exagérées, incomplètes ou inorthodoxes. En voici la preuve.
La quasi-totalité des cliniques au cœur de ce reportage propose de traiter moult troubles avec la kétamine. Or, d’après les lignes directrices canadiennes élaborées en 2021, cette substance devrait être réservée aux adultes souffrant de dépression résistante aux approches conventionnelles. Deux des cliniques écrivent respecter les « lignes directrices » ou les « meilleures pratiques », alors qu’elles font fi de cette recommandation.
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Promesses
Susciter des attentes démesurées par rapport à la kétamine est dommageable. Car le désenchantement qui s’ensuit convainc souvent les patients que leur cas est désespéré. D’après les lignes directrices canadiennes, « les patients doivent être informés […] des preuves limitées concernant la prévention des rechutes après un traitement aigu ». Ce dont beaucoup de cliniques ne semblent pas toujours tenir compte.
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Mises en garde
Le manque de mises en garde et les affirmations erronées publiées par certaines cliniques risquent d’empêcher leurs clients de consentir aux traitements de façon éclairée. « Il n’existe pas d’études à long terme et le risque à long terme est inconnu », selon les lignes directrices, qui enjoignent aux médecins d’en informer les patients.
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Prêts
Chaque séance de kétamine coûte de 200 $ à 1000 $, selon son mode d’administration et l’accompagnement reçu. Des cliniques invitent donc leurs clients à obtenir un prêt auprès d’un tiers. Or, « un médecin ne peut diriger un patient vers des institutions financières pour qu’il contracte un prêt pour obtenir des soins, et ce, même s’il n’en retire aucun avantage », nous a écrit le Collège. La présidente de l’Ordre des psychologues, Christine Grou, n’avait jamais eu vent d’une telle pratique avant notre appel. « Les professionnels de la santé ne peuvent pas s’immiscer dans les affaires personnelles de leurs clients et doivent éviter les conflits d’intérêts », rappelle-t-elle.
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« On ne vend pas de miracle ! »
Les plaintes en déontologie étant confidentielles, impossible de savoir si les professionnels de la santé associés à des cliniques de kétamine en ont déjà fait l’objet. Des médecins prescrivent tous les jours des traitements « hors indication », parce que de nouvelles découvertes scientifiques démontrent que cela serait utile. Cela n’est pas illégal. Mais pour être éthique, cette utilisation nécessite un niveau suffisant de preuves et une grande transparence avec le patient. Le Code de déontologie des médecins leur interdit de prescrire ou fournir toute substance psychotrope (ce qu’est la kétamine) « sans raison médicale suffisante ». Le code précise aussi qu’ils ne peuvent pas recourir à des « traitements insuffisamment éprouvés, sauf dans le cadre d’un projet de recherche et dans un milieu scientifique reconnus ». Et qu’ils doivent « mentionner les réserves appropriées qui s’imposent ». En entrevue, la présidente de l’Ordre des psychologues, Christine Grou, rappelle : « On ne vend pas de miracle ! Alors on doit faire preuve de modération, appuyer ses propos sur des faits scientifiquement reconnus et être encore plus prudent quand la méthode utilisée est novatrice. Il faut éclairer le client sur les restrictions, les limites, les contre-indications et les autres options. »