Le futur hôpital de Vaudreuil-Soulanges se construit sur un ancien terrain agricole en friche. La question n’est donc pas si, mais à quel point ses quelque 1800 cases de stationnement pourront faire grimper la chaleur en surface.

« Il est difficile de croire qu’il n’y aura pas de changement des températures locales lors de journées chaudes », indique Marie-Janick Robitaille, professionnelle de recherche au département de géographie de l’Université Laval.

« La littérature scientifique montre qu’il peut s’agir de plusieurs degrés entre les espaces naturels et les surfaces bâties, comme les toits et les stationnements. »

Mme Robitaille fait partie de l’équipe de chercheurs qui ont cartographié l’exposition et la vulnérabilité des populations canadiennes aux vagues de chaleur accablantes. Les impacts des futures constructions sur les îlots de chaleur urbains (ICU) n’y sont pas visibles, mais l’équipe nous a fourni des cartes montrant l’environnement dans lequel s’insérera l’hôpital.

IMAGE FOURNIE PAR LE DÉPARTEMENT DE GÉOGRAPHIE DE L’UNIVERSITÉ LAVAL

Cette image fournie à La Presse par le département de géographie de l’Université Laval montre que le site du futur hôpital de Vaudreuil-Soulanges (tracé en noir) s’inscrira entre deux îlots de chaleur urbains existants.
Ce visuel a été créé à partir de la couche des îlots de chaleur urbains produite par le Centre d’enseignement et de recherche en foresterie, (CERFO), des orthophotos du gouvernement du Québec et d’une image du projet fournie par la Société québécoise des infrastructures (SQI).

Le nouvel hôpital et son stationnement vont générer une continuité plus ou moins intense dans la trame de chaleur urbaine en reliant les deux ICU à l’est et à l’ouest.

Marie-Janick Robitaille, professionnelle de recherche au département de géographie de l’Université Laval, par courriel

Les hausses de température « peuvent être atténuées dans une certaine mesure par les stratégies d’atténuation », notamment le type de toiture et la plantation d’arbres, précise-t-elle.

Un millier d’arbres seront plantés dans le stationnement, « ce qui fera en sorte de créer des zones d’ombrage ainsi qu’une réduction des îlots de chaleur de 40 % grâce à la canopée », a fait valoir la porte-parole de la Société québécoise des infrastructures (SQI), Anne-Marie Gagnon.

L’hôpital prévoit recevoir ses premiers patients à la fin de 2026. La SQI n’est cependant pas en mesure de dire quand la réduction promise atteindra 40 %.

« Il s’agit d’une période somme toute négligeable en comparaison de la durée de vie totale des arbres et des infrastructures », écrit Mme Gagnon.

« Ça prend quand même un bon bout avant que la canopée de ces arbres ait cet effet », affirme Dany Doiron. Associé de recherche au Centre de recherche du CUSM, il a copiloté HealthyPlan.City, une cartographie de diverses pressions environnementales sur la santé, dont les ICU.

Les installations publiques comme les hôpitaux « devraient être des exemples des meilleures pratiques pour réduire les îlots de chaleur », juge M. Doiron

« Un stationnement de surface, tout le monde est d’accord que ce genre d’aménagement ne fait pas partie des meilleures pratiques. »

LEED quand même

Québec a déjà dit viser une certification LEED argent pour ce futur hôpital. « À ce stade-ci du projet, nous pouvons uniquement confirmer que nous visons une certification LEED », a cependant fait savoir la SQI.

« Argent » est le deuxième des quatre niveaux LEED (leadership en conception environnementale et énergétique), avant « or » et « platine ». Le premier niveau est « certifié ».

Un stationnement en surface n’empêche pas d’être certifié LEED, confirme l’architecte Lisa Hasan, qui a travaillé à la certification de bâtiments à la Ville de Montréal.

« Pour avoir beaucoup de stationnements, tu vas peut-être perdre un point sur les îlots de chaleur, à moins que tu ne fasses un stationnement immense avec des arbres un peu partout », explique Mme Hasan, sans se prononcer sur le cas précis de l’hôpital.

La certification LEED, « c’est un outil qui est bon, mais il faut qu’il soit utilisé à bon escient, comme n’importe quoi. C’est une liste de crédits : si tu cours après les crédits les plus faciles, tu peux obtenir une certification LEED relativement facilement », dit Mme Hasan, aujourd’hui candidate au doctorat à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal.

« Le bâtiment du futur respecte les normes LEED, c’est sûr et certain », affirme Jean-Michel Champagne, conseiller principal à la transition durable et chargé de cours à HEC Montréal.

« Moi, comme expert, si quelqu’un me dit : “Je n’aurai pas assez de crédits”, il le fait vraiment au minimum du minimum du minimum du code du bâtiment. Ce n’est pas normal. C’est accessible à tous. »

Mais « un stationnement étagé, c’est beaucoup de béton, et du béton, ce sont des émissions de GES », dit-il.

« Donc dire que c’est bon ou pas bon, ça demande un calcul qui est complexe, une analyse de cycle de vie. »

Une réflexion plus large sur l’usage du territoire s’impose, estime-t-il.

« Comment ça se fait qu’on a besoin d’autant de stationnements ? Eh bien, parce que le réseau structurant n’est pas là ! La configuration de la ville n’a pas été faite pour ça, c’est le royaume du trafic. »

L’implantation de cet hôpital n’en est pas à sa première controverse.

Le premier site identifié par la MRC de Vaudreuil-Soulanges, dans un bois peuplé d’arbres centenaires, avait suscité une levée de boucliers en 2011. Québec a finalement confirmé le choix d’un vaste terrain agricole en friche en 2019, contre l’avis de la Commission de protection du territoire agricole, de l’Union des producteurs agricoles, de la CMM et de plusieurs groupes environnementaux.

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