(Toronto) L’Association canadienne des médecins d’urgence se dit « préoccupée » par les commentaires faits juste avant Noël par le ministre québécois de la Santé, Christian Dubé, qui suggérait que les visites inutiles aux urgences contribuaient de manière significative à leur engorgement.

Or, les gens ne devraient pas hésiter à se rendre aux urgences s’ils estiment avoir besoin de soins de santé d’urgence, soutenait mercredi un porte-parole de l’association, en entrevue avec La Presse Canadienne.

Le 19 décembre dernier, le ministre Dubé a déclaré aux journalistes à Montréal qu’il y avait « une grande proportion des personnes qui consultent à l’urgence qui n’ont pas de problème urgent – je ne dis pas qu’elles ne sont pas inquiètes, mais qui n’ont pas de problème urgent – et qui ne devraient pas se rendre à l’urgence ».

Le ministre Dubé invitait ces gens à utiliser plutôt les autres options disponibles, comme les cliniques de médecine familiale ou les infirmières praticiennes spécialisées, mais aussi des pharmaciens qui peuvent fournir des conseils professionnels.

Le ministre a fait cette déclaration quelques jours après avoir reçu une lettre du Regroupement des chefs d’urgence du Québec, qui déplorait une situation qui « s’est détériorée de manière fulgurante » et qui est devenue « hors de contrôle ». Le Regroupement dénonçait l’« inertie » du gouvernement, alors que « la crise ne fait qu’empirer ».

Le 30 décembre, le ministère de la Santé a publié un communiqué encourageant les Québécois à « utiliser les options autres que l’urgence pour répondre aux besoins de santé non urgents ».

Le nombre de patients dans les services d’urgence est toujours élevé en pleine saison d’infections respiratoires, mais les engorgements sont surtout dus à des problèmes systémiques signalés depuis des années, a déclaré mercredi le Dr Michael Herman, urgentologue à l’Hôpital Queensway Carleton d’Ottawa, qui s’exprimait au nom de l’Association canadienne des médecins d’urgence.

« Les problèmes liés aux engorgements sont en réalité davantage liés au flux dans l’hôpital qu’au nombre de patients qui se présentent à l’urgence, a soutenu le docteur Herman. Lorsque des patients admis à l’hôpital attendent 24, 48, parfois 72 heures pour obtenir un lit sur les étages, ça occupe à l’urgence un espace qui ne peut pas être utilisé pour voir le prochain patient. »

Si les gens ont « un accès rapide » à un médecin de famille, cela peut être une bonne option pour ceux qui ne présentent pas de symptômes graves, a admis l’urgentologue. Mais ils ne devraient pas hésiter à se rendre aux urgences « s’ils craignent quelque chose de plus grave », a-t-il souligné. « C’est au patient de déterminer sa (propre) urgence. »

Or, les messages du gouvernement qui demandent aux gens de ne pas se rendre aux urgences à moins que cela ne soit « nécessaire » pourraient les dissuader d’accéder aux soins dont ils ont besoin, a déploré le docteur Herman. « C’est le patient qui a des inquiétudes quant à ses symptômes, des inquiétudes quant à son bien-être, alors il se présente aux urgences pour être évalué. C’est notre boulot, c’est notre rôle. »

D’autres options

Au cabinet du ministre Dubé, jeudi, on a tenu à préciser que « tous les patients qui ont des besoins urgents doivent se rendre à l’urgence ». Mais on répète aussi qu’« il y a encore une trop grande proportion de patients qui se rendent dans les urgences avec des virus qui peuvent se soigner directement à la maison ou encore en consultant un autre professionnel de la santé ».

« C’est pour cette raison que nous avons mis en place d’autres options, comme les cliniques d’hiver, le 811, la ligne pédiatrique et le Guichet d’accès à la première ligne », écrit dans un courriel le cabinet du ministre Dubé. « Il est aussi possible de consulter sur le web un outil d’autosoins ou de voir son pharmacien. »

« De plus, nous mettons en place une mesure centrale pour libérer plus de 500 places d’hébergement supplémentaires au cours des prochaines semaines, afin que des patients, souvent des aînés, qui se retrouvent à l’hôpital et qui n’ont plus besoin d’y être, puissent être dans un milieu de vie adapté à leurs besoins », a-t-on ajouté.

Vendredi dernier, un achalandage élevé a forcé le Réseau de santé Vitalité, au Nouveau-Brunswick, à demander à la population d’éviter les salles d’urgence des hôpitaux de Caraquet et de Campbellton, à moins de nécessiter des « soins urgents et critiques ». Et mercredi encore, le Réseau Vitalité demandait à la population du Madawaska de limiter les visites à l’Hôpital d’Edmundston.

Par ailleurs, la salle d’urgence de l’Hôpital Stella-Maris-de-Kent, à Sainte-Anne-de-Kent, a été fermée la nuit pendant la période des Fêtes en raison d’une pénurie d’infirmières.

Les médecins urgentistes ont rencontré les ministres de la Santé de partout au Canada l’automne dernier pour discuter des problèmes qui affligent continuellement les hôpitaux et les services d’urgence.

« Les défis auxquels sont confrontés les services d’urgence canadiens, comme l’engorgement, les longs temps d’attente et les ressources limitées, persistent depuis bien trop longtemps », a déploré Michael Howlett, président de l’Association canadienne des médecins d’urgence, dans un communiqué publié le 12 octobre.

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